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Moment d'accalmie entre deux catastrophes [Stephen Strange]
Cléa Strange
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Moment d'accalmie entre deux catastrophes [Stephen Strange] Dim 19 Fév - 12:16
Confortablement installée dans un canapé au cuir vieillissant, la flamme dansant au fond de ses prunelles de ciel, Cléa observe le feu crépitant dans l'âtre sans réellement le voir. Il est là sans l'être, un peu à son image en cet instant. Son pouce et son index ne cessent de manipuler le rubis menaçant qui trône au bout d'une chaîne sur sa poitrine, brillant d'une lueur rougeoyante que même un non initié pourrait sans mal qualifier d'inquiétante.
Son esprit est agité, il virevolte entre les idées, les souvenirs des dernières heures. Etrangement, Cléa ne s'inquiète pas vraiment de la présence de Derg. Elle devrait pourtant, car cela fait bien longtemps qu'elle n'a pas eu de "colocataire" indésirable aussi puissant qu'il ne l'est. Mais Chthon prend hélas toute la place.
Car le Dieu Rouge, en comparaison de lui, pourrait s'apparenter à un joli chaton partiellement inoffensif. Et s'il n'y avait que lui... Non. Car une calamité en entraîne toujours d'autres dans son sillage. Cela est donc sans compter les deux engeances dont Khonshu lui a parlé et qu'il va falloir maîtriser également. Stephen a déjà connaissance du Démogorge qu'il ne laissera pas se balader sur les mondes impunément. Et Agatha semble travailler sur le cas d'Apókryphos.
Un tintement légèrement claquant la ramène à l'instant présent, alors que ses prunelles se posent sur le petit sucrier qui tape énergiquement de sa cuillère contre son ventre rebondi. Arquant brièvement un sourcil, Cléa ne semble pas comprendre ce qui ressemble à une injonction, quand elle pose les yeux sur la tasse de thé qu'elle tient distraitement dans sa main libre, constatant que le breuvage ambré de la tasse bien remplie est froid.
Le liquide disparait promptement de son récipient, alors que la sorcière tend machinalement la jolie tasse de porcelaine ouvragée vers la théière qui s'élève avec grâce pour la remplir de nouveau. Mais dans aucune de ses attitudes Cléa ne semble être présente. C'est comme si tout ce qu'elle faisait était automatique, sans conviction ni autre but que d'être, tout simplement, et sans la plus petite raison.
Armé de sa cuillère, le petit sucrier verse dans la tasse de thé fumant une cuillère de sucre qui déborde tant que de nombreux petits grains blancs s'éparpillent sur le tapis et jusque sur la longue robe de la sorcière. Mais elle ne s'en aperçoit pas. Posant la tasse sur son genoux sans lui prêter plus d'attention, le regard de Cléa se plonge de nouveau dans l'âtre. Elle toise les flammes qui dansent, se mêlent les unes aux autres, le bois qui craque et brise le silence religieux qui l'entoure.
Nouveau claquement. Plus soutenu, plus fort, qui tire Cléa de sa réflexion. Encore le sucrier. Elle fronce les sourcils. Cléa a l'habitude de ses frasques, mais que peut-il bien lui vouloir encore ! Exaspéré, le petit sucrier bondit sur les genoux de la sorcière et tape fermement de sa cuillère contre le rebord de sa tasse.
Localisation : 177A Bleecker Street, Greenwhich Village, New York
Re: Moment d'accalmie entre deux catastrophes [Stephen Strange] Ven 17 Mar - 22:54
Stephen se redressa soudainement sur son siège, laissant échapper un hoquet douloureux.
Son bureau était sombre. Le feu dans la cheminée s’était éteint et ses braises étaient mortes depuis un moment. Par la large fenêtre ronde, caractéristique du Sanctum, on pouvait apercevoir les lumières électriques de la rue et la tâche luminescente de la lune dans les nuages. Comme d’ordinaire, des lampes et des statuettes flottaient ici et là, mais leurs mouvements étaient doux, comme léthargique. La transe du docteur s’était visiblement étendue à tout l’étage.
Il fit craquer sa nuque, ses poignets, et laissa échapper un grognement. Les voyages astraux longs n’allaient pas vraiment de paires avec les contrecoups magiques agréables. Il avait quitté son corps pendant des heures, pour vérifier chacun des points d’ancrages des protections célestes de la terre et de ses alarmes. Aucun des enchantements de la couche atmosphérique ne semblait à avoir été perturbé pour le moment, mais une vérification régulière était la clef de leur utilité. Si seulement voir les étoiles et le monde d’aussi haut ne lui filait pas un mal de crâne pareil à chaque fois, il irait plus souvent. Le problème n’était pas la distance mais bien la durée passée loin de son corps.
Il se leva douloureusement, prit le temps de s’étirer un peu, puis souffla sur sa paume. Différentes lampes – certaines électriques, d’autres à huile sans huile à brûler, parfois de simples globes de verre – se remplirent d’une lumière chaude, ponctuant l’obscurité d’une multitude de points lumineux. Il s’approcha d’une horloge murale, calculant le temps pendant lequel il était partie. Étrange. Il était vraiment parti longtemps.
Un cliquetis attira son attention.
Flottant au milieu de la pièce, un petit sucrier de céramique, cuillère à la main, fit claquer son couvercle selon des rythmes différents.
- Depuis combien de temps ?
Le son rauque de sa propre voix le surprit. Il fit deux pas vers une petite table et rempli un verre d’eau claire. Il écouta les claquements du sucrier en buvant, une inquiétude se peignant lentement sur son visage.
- Je vois.
En deux nouveaux pas, il fut à la porte de son bureau. En deux autres, à celle entrouverte de la bibliothèque, depuis le canapé de laquelle Cléa fixait le feu mourant dans la cheminée. Les Stranges avaient des moyens de se déplacer à l’intérieur du Sanctum qui n’impliquaient pas de passer par les escaliers ou les couloirs. A côté de lui, le sucrier claqua une nouvelle fois, l’air de dire « Tu vois ? ». Strange hocha la tête et recula dans le couloir. Vu à quel point elle était dans ses pensées, elle ne l’aurait probablement pas entendu, mais il préférait ménager un peu sa surprise. C’était tout l’intérêt. Du bout de l’ongle, il dessina un cercle d’appel sur le papier peint du mur. Le dessin noirci légèrement, se rendant plus visible. Il y eut un temps, puis il changea. Strange traça autre chose par-dessus, et le trait sombre suivit ses doigts. Nouveau temps, nouveau changement. Le magicien sourit, puis retourna à la bibliothèque. Il frappa doucement sur le panneau de bois avant d’entrer.
- Partie loin ?
Il déposa un baiser sur son front, léger, à peine plus que pour signaler qu’il était là si elle avait besoin de lui. Dans la tasse de la magicienne comme dans la théière, sur la table basse, le thé était froid. De ce qu’il avait compris, le réchauffer était peine perdue. Lorsqu’il prit place à côté d’elle sur le canapé, la boisson s’envola délicatement jusque dans la théière et le service entier plia bagage pour retourner à la cuisine.
- Je viens de passer des heures à travailler sous le regard d’étoiles anciennes et millénaires, et aucune n’avait l’air aussi fatiguée que toi.
Le sourire dans sa voix était palpable, quoi que son visage n’en trahisse qu’une étincelle dans le regard.
- Est-ce que je peux faire quoi que ce soit pour aider ? Te proposer un dîner, par exemple ?
Il y avait des traces de fatigue, dans les cernes du magicien ou dans ses gestes un peu rouillés. Au diable si ça l’empêchait de regarder son épouse avec un savant mélange d’inquiétude et de moquerie légère comme s’il s’agissait d’un samedi soir comme les autres.
Re: Moment d'accalmie entre deux catastrophes [Stephen Strange] Sam 18 Mar - 18:14
Ni les claquements répétés de la cuillère contre le petit ventre de porcelaine, ni même du chapeau finement ouvragé, n'avaient réussi à sortir Cléa de sa torpeur de manière aussi efficace que la voix de Stephen. Comme si elle venait d'être éveillée d'une gifle, Cléa est à deux doigts de sursauter. Elle pose un regard bleuté légèrement perdu sur son époux et ce n'est que lorsqu'il dépose un léger baiser sur son front qu'elle semble s'ancrer de nouveau dans la réalité.
- Longue journée... Lui répond elle dans un pâle sourire.
Et c'est à cet instant qu'elle pose "ce" regard sur lui. Celui qu'on ne lui observe que rarement, et bien souvent dans des moments très particuliers.
Celui-là même qu'elle lui a adressé la première fois qu'ils se sont revus, après qu'elle eut appris qu'il avait péri. Celui-là même qu'elle avait posé sur lui quand il lui avait tendu la main, alors qu'il venait la délivrer de la prison de cruauté dans laquelle Dormammu l'avait enfermée. Celui qu'elle lui avait offert lorsqu'elle avait compris que jamais elle n'aspirait à passer le restant de ses jours avec un autre que cet homme là. Celui là. Précisément.
Car Cléa est forte. Elle l'est même trop par moment. Son tempérament est de braise, sa verve tout autant parfois. Mais rarement en "sa" présence. Il est son équilibre. Sa tempérance. Il est la lumière dans les ténèbres. L'humour dans les moments pénibles. L'intelligence et la sagesse. Son garde-fou.
Alors ne cherche t'elle même pas à cacher le médaillon de rubis qui luit sinistrement sur sa poitrine. Il ne peut imaginer celui qu'il contient, mais il peut sans mal en deviner la nature, ou du moins la puissance. Et, surtout, il a pertinemment conscience de l'utilité de cette pierre.
- Un dîner... oui... très bien...
Là sans l'être. Une fois encore.
- Mais avant cela, je dois te dire quelque chose.
Ses paupières se ferment l'espace d'un instant. Il est bref. Il ne sert qu'à prendre une légère inspiration en une attitude très humaine pour se donner du courage, alors qu'in fine ça ne changera strictement rien à la situation.
- Je vais plutôt te montrer... Dit-elle en saisissant le médaillon qu'elle place dans son dos pour éviter qu'il n'entre en contact avec son époux.
Ses bras s'enroulent autour de ses épaules et c'est avec tendresse qu'elle pose son visage au creux de son cou, aussi délicatement qu'un pétale tombant sur le sol. En définitive... elle n'a pas besoin de cela pour lui partager ses souvenirs. A dire vrai... elle n'a même pas besoin de le toucher du tout, pas même de prendre ses mains entre les siennes. Tout pourrait sans mal se faire à distance. Mais ce n'est pas ce qu'elle souhaite à cette minute. Car il s'agit de ne pas s'y tromper. Celle qui se love ainsi contre le plus grand magicien que les mondes portent actuellement n'est pas la sorcière, mais bien l'épouse.
Les images affluent dans l'esprit du Sorcier Suprême comme la bande annonce d'un film à très gros budget, si on en juge les effets spéciaux...
La rencontre avec Marc sur la colline qui surplombe le Manoir Garreth. Son premier contact avec Khonshu. Ce qu'ils lui ont appris tous les deux. Les explications de Marc quant au rêve étrange d'une entité que Cléa soupçonna d'être Derg et comment elle en est arrivée à envisager que le Seigneur Celte se baladait sur la Terre. Comment cet état de fait rendait malheureusement probable que celle-ci ne subisse un exode massif de divinités. Cela avait donné d'ailleurs lieu à un court message qu'elle avait envoyé à Stephen à ce moment là.
Il est transporté dans les souvenirs de Cléa jusqu'à l'immensité du Sahara. Il assiste à la préparation du rituel qui avait pour but d'enfermer Derg dans le médaillon par son épouse, justifiant plus amplement son état de fatigue actuel. Il la voit s'insinuer dans le monde astral, alors que Khonshu attire Derg dans le cercle magique, son excès de zèle mettant tout le monde en danger à force de provoquer le Seigneur Rouge.
Il constate le courage de Dane Whitman, qui n'hésite pas un instant à pénétrer le cercle, contrairement aux consignes que leur a prodiguées la Sorcière de la Dimension Noire, afin de sauver son ami et avatar de Khonshu sur la Terre des griffes de Derg.
Il observe enfin son épouse déployer beaucoup plus de puissance que nécessaire pour rattraper le coup et faire en sorte que Derg soit bien prisonnier du joyau qui trône actuellement dans son dos. Il contaste qu'elle s'échoue sur le sol de fatigue et tout devient noir.
Puis la scène change de nouveau et cette fois il est transporté en même temps que Cléa dans le temple onirique hors du temps et de l'espace dans lequel l'a convoquée Khonshu. Il assiste à leur échange qui manque de peu de dégénérer entre la Faltine et l'Egyptien, mais qui aborde un tournant improbable en s'apaisant au bout du compte. Cela lui permet d'apprendre tout ce que Khonshu a révélé à Cléa concernant sa mort, seul évènement qui aurait pu, et qui l'a faite revenir sur la Terre. Evènement tragique dont elle a eu les détails non pas par lui, mais... par Khonshu.
Il assiste à son retour dans le monde réel, les quelques mots qu'elle échange avec Marc puis, enfin, son retour il y a quelques heures dans le petit salon. Elle n'en a plus bougé depuis.
Cléa extirpe un soupir et, sans jeter le moindre regard vers lui, s'écarte et replonge son regard clair dans l'âtre dont les braises se sont pratiquement éteintes entre temps.
- Je comprendrais que tu préfères que je ne reste pas au Sanctum Sanctorum le temps que les choses soient rentrées dans l'ordre et que je renvoie mon indésirable colocataire d'où il vient.
Il semble évident qu'elle ne dit pas cela de gaité de coeur, tout comme il semble également évident qu'elle mettra ses paroles à exécution en cas d'assentiment de la part de son mari. Il sait qu'elle ne peut pas enlever le médaillon sans briser le sort qui la lie à Derg. Il a donc pertinement conscience que tant que le Seigneur Rouge est dans le rubis, il accompagnera Cléa où qu'elle aille. Le danger que les choses lui échappent n'est également pas à exclure. Car si Cléa n'en est pas à son coup d'essai, retenir un Dieu tel que Derg n'est clairement pas et ne sera clairement pas une sinécure dans l'avenir.
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Re: Moment d'accalmie entre deux catastrophes [Stephen Strange] Ven 24 Mar - 16:25
Le docteur resta silencieux un moment. Si son épouse fixait résolument l’âtre, lui ne la quittait pas des yeux. Il lui avait rendu son étreinte sans hésiter, évitant soigneusement de toucher le curieux pendentif qu’elle portait. Les souvenirs étaient venus et il les avait observé silencieusement, sans rien laisser transparaître. Quelques battements de cœur passèrent.
- Je peux ?
Il tendit délicatement la main vers le pendentif. Il ne toucha pas directement la pierre, qui se mit à flotter doucement à quelques centimètres de sa peau. Doucement, il l’approcha de lui, sans jamais tirer sur la chaînette. Il pouvait sentir que quelque chose tempêtait dans ses profondeurs, grondant et mordant contre ses chaînes. Pour autant, c’était diffus : la prison du dieu était une chose solide. C’était plus que le pendentif, d’ailleurs. S’il était prisonnier du rubis et de la chaîne qui pendaient au coup de Cléa, il était tout autant tenu en échec par le sang et le souffle de la sorcière. L’entrave formait un tout dont elle faisait partie et dont elle ne pouvait se détacher. L’ombre d’un sourire passa sur les lèvres du magicien.
- Je devrais être habitué, maintenant, mais ton art est toujours aussi formidable.
Doucement, il enveloppa la pierre-prison de ses deux mains. Il ne la toucha toujours pas et se contenta de l’isoler du monde entre ses paumes, avant de fermer les yeux. La lumière dansante de la cheminée accrocha quelque chose, sur son annulaire droit. Quelque chose qui ressemblait à s’y méprendre à un anneau, dont la surface dorée réfléchit brièvement la lueur du feu. Lorsqu’il retira ses mains, le collier avait changé. Pas de beaucoup : c’était l’envoûtement de sa femme, et il était pensé avec brio. Strange ne pouvait pas le modifier en profondeur sans le défaire, chose qui aurait été de très mauvais goût s’ils prévoyaient une soirée tranquille. Il avait dû viser plus petit. Désormais, une fine branche de lierre, forgée d’or, enserrait le rubis.
- Je me pencherai sur quelque chose de plus durable un peu plus tard, mais je me suis dit qu’un peu de répit pour ce soir te ferait du bien.
Il ne pouvait pas tout prendre en une petite manipulation, ni lui retirer son fardeau d’un seul coup, peu importe combien il aurait voulu pouvoir le faire. Il pouvait, cependant, lui apporter son soutient et alléger un peu la charge du dieu. L’énergie de Derg reflua sans disparaître tout à fait. Cléa s’était engagée à en faire son prisonnier, et Stephen se laisserait tomber dans les griffes de Méphisto avant de la laisser en subir les conséquences seule.
- Partir du Sanctum. Quelle drôle d’idée. Bleecker Street est autant ma maison que la tienne et s’éloigner alors que tu viens d’enfermer un dieu caractériel dans un bijou n’est peut-être pas le plan le plus stratégique du siècle.
Si le collier avait pu laisser échapper un hurlement indigné et étouffé, il l’aurait probablement fait.
- Les temps qui s’annoncent promettent d’être mouvementés, ne serait-ce que parce que Khonshu est de plus en plus le paysage. Ce n’est pas maintenant que je vais te laisser. Pas juste après t’avoir retrouvée.
Il y eut un frémissement dans l’air, et le magicien tourna la tête. Devant lui, quelque chose se dessina dans les airs, symbole d’encre bleu sans support, et copie conforme des glyphes qu’il avait dessiné sur le mur quelques instants plus tôt.
- Aah. Excellent timing, comme toujours.
Strange tendit la main et empoigna le symbole. A son contact, il se tordit un bref instant, s’éclaircit soudainement, puis adopta l’apparence d’un papier kraft enroulé, auquel on avait agrafé un ticket de caisse. Si l’emballage semblait normal, en lieu et place du descriptif de la commande se trouvait une série de runes diverses.
- On m’a dit, il y a un temps, que la nourriture asgardienne faisait une excellente comfort food. L’occasion était trop belle pour la manquer.
Comme d’ordinaire, le ton et les manières de Strange étaient égales en surface. Pourtant, on pouvait assez facilement distinguer la trace d’humour dans sa voix ou dans son regard. S’il échouait à lui remonter le moral, au moins essayait-il de toutes ses forces.
Re: Moment d'accalmie entre deux catastrophes [Stephen Strange] Sam 25 Mar - 13:31
Il ne pas dit un mot.
Non pas qu'elle s'attendait à une réaction tonitruante, bardée de sentiments et haute en son et lumière, il s'agit de Stephen tout de même... Cependant elle imaginait qu'il allait réagir un peu plus que par... eh bien... rien en fait.
C'est dans ce genre de cas, dans des moments comme celui-ci, qu'elle ne sait quelle attitude adopter. Elle a beau bien le connaître, Stephen Strange conserve une part non négligeable de secrets, même pour elle. Surtout pour elle, à certains égards peut-être... Et si à cet instant elle n'a aucune certitude sur le fond de sa pensée, il ne peut cependant écarter qu'ils aborderont le sujet des faits révélés par Khonshu tôt ou tard... D'ailleurs, il doit sans doute avoir conscience que c'est bien parce qu'elle est au comble de l'épuisement qu'elle n'a pas déjà rué dans les brancards concernant les deux-trois petites "omissions" qu'il a faites concernant les circonstances de sa mort.
Désapprouve t'il ? Pense t'il qu'elle aurait du, pu procéder d'une manière différente ? Ou, au contraire, perçoit il qu'il aurait été difficile de faire autrement ? Aurait-il fait la même chose à sa place ? Ou alors pas du tout...
Attendant une réaction qui ne semble pas vouloir se manifester, Cléa acquiesce simplement d'un mouvement de tête silencieux lorsqu'il lui demande s'il peut s'approcher du médaillon. S'il pose la question, c'est qu'il a une idée derrière la tête. Et son époux sait toujours ce qu'il fait. Enfin... 99% du temps en tout cas. Souhaitons que le pourcentage restant ne soit pas concerné aujourd'hui.
Elle est soufflée par sa remarque ou, plutôt, l'aimable compliment qui passe la barrière de ses lèvres. Stephen n'est pas homme à se complaire dans le compliment de fortune, celui qui n'a d'autre but que de flatter son interlocuteur et son égo. C'est bien ce qui en fait toute la saveur, et ce qui rendent ses compliments si précieux à son regard. Il pense ce qu'il dit. Sincèrement.
Elle pose un regard tendre sur son époux, alors qu'elle lui répond, sans pour autant vérifier ou jeter d'une quelconque manière un oeil vers ce qu'il fait avec le rubis dans lequel Derg est emprisonné.
- Tu n'y es pas étranger... Rappelle t'elle dans un léger sourire.
Car si le potentiel magique de Cléa a toujours été fertile, il ne s'est finalement vraiment développé qu'à son contact et sous son enseignement. C'est notamment à lui qu'elle doit sa maîtrise actuelle de l'espace astral, et à nul autre.
La magie se distille dans l'espace, tout autour d'eux, surtout tout autour de lui, réveillant par ce léger contact quelques livres qui dormaient jusqu'alors sur les plus hautes étagères. Malgré l'apparence d'ancêtres poussiéreux qu'ils arborent, ils se mettent à voleter au plafond comme de turbulents adolescents, leur mouvement s'accompagnant du bruit caractéristique des pages qui se froissent sous la pulpe des doigts.
Cléa n'y prête pas la moindre attention et enveloppe la main de son époux des siennes. Main sur laquelle trône désormais un léger anneau parsemé de fils d'or. Stephen a la désagréable habitude de porter le poids des mondes sur ses épaules. Car un seul ne serait pas suffisant... il en faut bien plusieurs. Et ne parlons pas des dimensions. Il ne le peut en cette heure, mais elle est persuadée que s'il pouvait la décharger complètement de Derg, et en récupérer le poids, il le ferait.
- Merci...
Elle laisse échapper ce mot dans un murmure, alors que sa main s'est posée sur la joue du sorcier et semble lisser distraitement la fine peau qui trône sous son oeil du plat du pouce. La vérité que ce geste n'est ni anodin, ni distrait. Elle a vu. Elle la voit. Sa fatigue... Indique t'elle donc par ce simple geste, qui pourrait paraître anodin au regard de bien des gens, qu'elle a perçu sa fatigue et qu'elle est d'autant plus reconnaissante des efforts qu'il déploie pour elle.
Un sourire amusé étire ses lèvres alors qu'il réagit à sa proposition de quitter le domaine... conjugal. Espérait-elle qu'il refuserait ? Evidemment. L'a t'elle dit pour se faire plaindre ou se décharger de son fardeau ? Certainement pas. Ses mots sont en effet la pertinence même. Et bien qu'elle chérisse cet endroit plus que nul autre, le Sanctum Sanctorum est déjà suffisamment dangereux en lui même sans rajouter une créature de plus à la longue liste de celles qui trônent dans sa galerie des horreurs. Alors était-elle sincère malgré tout.
- En effet... Mais je ne souhaite mettre en danger ni toi ni Wong et encore moins notre adorable sucrier si peu caractériel. Imagine si son couvercle venait à se fendiller... Dit-elle d'une voix nettement plus légère, semblant indiquer par ce biais que les nombreux efforts de son époux afin de lui remonter le moral commencent à porter leurs fruits.
En vérité... si un jour le couvercle du sucrier se fendille à cause d'eux, ils changeront sans doute de dimension dans la seconde. Une plaisanterie ? Une exagération ? A vous d'en décider.
- Concernant Khonshu... Commence t'elle d'une voix songeuse, tout en levant les yeux vers le plafond de bois où batifolent quelques livres. ...il me semble pire et en même temps meilleur que le portrait que tu m'en as dépeint. C'est un Dieu particulièrement étrange et complexe... Mais je n'ai que trop peu côtoyé de divinités pour avoir un avis pertinent sur cette question. Je continue donc de me fier à ton jugement.
Comme toujours. Aurait elle pu ajouter, sans pour autant l'exprimer à voix haute.
Un froissement dans l'air lui fait tourner les yeux vers un espace qui était jusqu'à présent vide. Mais rien ne reste jamais vide bien longtemps dans cette maison. Cléa arque un sourcil face à l'enthousiasme de son époux et fixe le petit rouleau de papier craft muni de sa note runique d'un air perplexe. De la nourriture Asgardienne ? (Si ils avaient fait un petit voyage vers un futur proche, ils auraient sans doute modéré leur enthousiasme).
- Oh ? Excellente idée. Mais...
Cléa plisse les paupières comme si elle était face à un problème insoluble, tentant de déchiffrer les Runes qu'arbore ce qui ressemble assez fortement à un ticket de caisse, mais elles n'ont aucune logique... du moins à ses yeux. Car à en juger la lueur d'amusement qui flotte dans les prunelles de son époux, il a l'air plutôt content de lui.
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Re: Moment d'accalmie entre deux catastrophes [Stephen Strange] Sam 29 Avr - 17:48
- Les quelques dieux que j'ai fréquenté ne sont ni vraiment bons, ni vraiment mauvais. Ils ont juste passé trop de temps à manipuler les mortels, à tirer le monde dans une direction ou l'autre selon leur bon vouloir ou leurs envies.
Stephen se leva, le paquet kraft toujours en main, puis se pencha pour le poser sur une petite table basse. Autour d'eux, la bibliothèque changea. Les murs de livres se fondirent en papier peint discret, le bois de la bibliothèque devint un celui, rugueux, de plusieurs arbres planté à même le plancher. Des buissons répondaient aux feuillages qui semblaient avoir remplacé le plafond, et la lumière de la cheminée s'évapora au profit de celle de multiples lampes qui flottaient tout autour d'eux. Même le canapé changea légèrement, devant très légèrement plus confortable. Le salon des Strange avait son charme, et était du reste plus adapté à un dîner improvisé que la bibliothèque.
- Khonshu est complexe, c'est vrai. Trop pour lui faire confiance sans garde-fou.
La température n'avait pas spécialement baissé, alors qu'il n'y avait plus de feu à proximité. Elle évoquait vaguement un soir d'été en extérieur. Le magicien entreprit d'ouvrir le sac en papier craft et en sortie une multitude de paquets, enroulé dans de larges feuilles sombres et fermés par une ficelle.
- En toute honnêteté, je n'ai jamais essayé, j'ai pensé que l'on pourrait essayer... et bien, un peu de tout. Wong m'a recommandé le wrap de guêpe de feu de Musspelheim, mais j'ai aussi un sauté à la Vanir, deux portions de Sæhrímnir, une outre d'Hydromel, quelques fruits du verger d'Iðunn - je crois que ce sont fritures de Nidavellir, si ma mémoire est bonne. Quoi d'autre ? Ah oui !
Le magicien continua d'énumérer quelques noms tandis qu'il disposait les portions sur la table. Si elles étaient plutôt petites, il n'y avait aucun monde dans lequel la physique leur permettait de toutes tenir dans le même petit sac de papier kraft. Stephen finit par se rasseoir à côté de Cléa, après lui avoir servi un verre d'hydromel.
- A la conquérante de mon cœur le butin de guerre, mon amour. A la tienne.
Il trinqua doucement et attendit qu'elle choisisse un paquet (pour elle, ou à partager) avant de commencer à se servir. Il profita d'un bref moment où leurs regards se croisaient pour repartir à la charge.
- Peu m'importe le nombre de monstre dont nous avons la garde, ou les artefacts dangereux que nous ramenons ici. Peu m'importe à quel point ce dieu de la guerre est monstrueux, ou celui qui viendra ensuite, ou celui qui viendra encore après. Je ne t'abandonnerai pas.
Une petite part du magicien se sentait coupable. Il lui arrivait régulièrement d'être pris par son titre de Sorcier Suprême, voyageant à travers les mondes selon les envies et les besoins de communauté entières ou d'entités mystiques. Certes, il avait beaucoup à faire, et cette tâche lui prenait un temps considérable sans jamais impacter les sentiments qu'il entretenait pour Cléa. Pourtant, elle avait beaucoup à faire aussi. Rien que maintenant, il pouvait voir le poids du petit rubis pendu à son cou, la façon dont il lui pesait. Il pouvait sentir, dans l'air, les multiples problématiques au milieu desquels elle évoluait, les problèmes qu'elle traînait derrière elle. Peu lui importait ses propres charges, en ce moment: il aurait tout donner pour l'aider un peu plus, jusqu'à sentir cette tension invisible s'évanouir.
- J'ai promis, tu te souviens ?
Un éclat doré brilla à son annulaire droit, avant de disparaître. Leurs anneaux n'étaient ni des bijoux, ni des objets: les Strange s'étaient liés par une promesse, si forte si sincère qu'elle se matérialisait à l'occasion. Ils s'étaient promis de se soutenir, de se protéger l'un et l'autre, pour toujours et à jamais, et Stephen aurait été terriblement amusé de voir quelqu'un essayer de le faire revenir sur ce serment.
Re: Moment d'accalmie entre deux catastrophes [Stephen Strange] Lun 15 Mai - 8:46
- Sur ce point là je te fais entièrement confiance. Dit-elle comme si, concernant les "autres" points, elle aurait pu douter de son appréciation, ce qui n'est à vrai dire pas du tout le cas. Tu les as côtoyés bien plus souvent que moi. Pour ton plus grand plaisir. Achève t'elle, une pointe d'amusement dans la voix, sachant pertinemment toute la considération que son époux porte à ces créatures dites divines.
Changement de décor.
Le regard azuré de la sorcière suit les évolutions de la bibliothèque qui se meut doucement en salon. Les étagères s'effacent au profit d'imposants et noueux troncs d'arbres qui s'érigent du sol vers le plafond comme autant de colonnes de marbre dans un temple grec. S'effacer ? Pas totalement. Car s'il y a bien quelque chose que l'on retrouve pratiquement partout dans cette maison, c'est bien des livres. Le livre dans toute sa splendeur, sous toutes ses coutures. Des aimables, d'autres moins. Des dangereux, d'autres aidant. Des caractériels, soupe au lait ou encore bien élevés, comme s'ils avaient appris à ne pas piquer dans le pot de bonbons lorsqu'ils étaient jeunes feuillets.
- Et d'après ce que j'ai vu jusqu'à présent, je doute que Marc puisse remplir ce rôle, même s'il semble avoir une certaine influence sur lui. Constate t'elle alors qu'il mentionne le besoin d'un garde fou pour le Dieu Lunaire.
Cléa suit les gestes de son époux des yeux. Elle s'amuse de le voir aussi sérieux. La méthode, toujours la méthode. Même lorsqu'il ouvre une simple pochette de papier kraft pour en déposer le contenu sur une table, il agit avec la précision du chirurgien qu'il est et restera sans doute jamais au fond de lui.
- Les fruits du verger d'Iðunn ? N'est-ce pas cette déesse qui rend leur jeunesse aux dieux d'Asgard... Dit-elle d'un air songeur, visiblement plus pour elle même qu'à son attention, comme si elle cherchait à se rappeler les leçons qu'il lui avait enseignées il y a bien longtemps de cela. Tu sais qu'ils sont naturellement blancs... Lâche t'elle d'un air amusé, tout en enroulant une mèche de ses cheveux diaphanes autour de son index.
Sans le vouloir, Cléa met en exergue un sujet dont ils n'ont jamais parlé et qu'elle ne compte pas aborder aujourd'hui quoi qu'il en soit : leur différence de longévité. Un Sorcier Suprême a vocation à vivre plus longtemps qu'un être humain normal. Pour peu qu'il ne se fasse pas tuer avant, ce qui est le risque majoritaire de sa fonction. Cependant, sans même l'envisager, les Faltine possèdent une espérance de vie qui surpasse de très loin celle des humains. Et bien qu'elle paraisse plus jeune que lui, Cléa est en réalité bien plus âgée que Stephen. Plus âgée de... plusieurs siècles, déjà. Pour la sorcière, qui n'en a pourtant que peu, voire aucun si ce n'est celui-ci, ce sujet de conversation est un tabou absolu dont elle refuse obstinément de parler. Elle ne peut envisager qu'il puisse mourir avant elle. Cela lui est insupportable, inconcevable, irréaliste. Elle ne le permettra pas.
Elle esquisse un sourire et lève la coupe qu'il lui a préparée tout en l'entrechoquant avec la sienne.
- Au Sorcier Suprême de la terre, protecteur de la veuve et l'orphelin, des sucriers magiques et des chiens fantômes... Dit-elle dans un geste théâtral volontairement exagéré, avant de poursuivre avec beaucoup plus de sérieux. ...le meilleur époux que les mondes aient jamais porté, toujours si attentionné et plein de compassion.
Elle boit une brève gorgée de breuvage, un sourcil s'arquant finement car elle ne s'attendait pas à ce que celui-ci soit aussi sucré, puis se penche vers son époux en déposant un tendre baiser sur sa joue, tout en lui murmurant un "Merci" plein de douceur.
Les petits paquets se mettent à léviter tout autour d'eux, comme autant de chandelles lors d'un dîner en amoureux, et s'ouvrent délicatement les uns après les autres. Ils volètent délicatement en un sinueux chemin invisible, ce qui permet à chacun de passer à plusieurs reprises à portée de main du sorcier et de son épouse.
Cléa saisit une... difficile de savoir exactement ce que c'est, à vrai dire. Cela ressemble à une petite raviole de pâte d'un vert presque brillant dont il est difficile d'envisager le contenu et, lorsqu'elle la porte à ses lèvres, celle-ci extirpe un couinement de souris et plusieurs épines saillantes relativement dissuasives. Pensive, la sorcière fixe un moment la raviole d'un air perplexe. Un met qui se mérite. Allons bon. Elle fait plusieurs tentatives, fort probablement sous le regard amusé de son époux et son petit sourire en coin, l'air de rien, puis finit par opter par la méthode dite radicale façon Cléa : rompre la raviole en deux sans la porter vers sa bouche au préalable. Tentative réussie.
Alors qu'elle prend une première bouchée de cette étrange composition dont elle ne sait de quoi elle est constituée, Stephen lui adresse quelques mots qui figent instantanément la sorcière comme une statue de cire. Le coude relevé, la raviole à moitié dans la bouche, elle fixe son époux sans ciller, comme si on venait d'appuyer sur pause.
Stephen conservait une pudeur toute humaine quand ils étaient en public, mais il la laissait bien souvent de côté dès qu'ils se retrouvaient dans le cocon de leur intimité. Ces mots... il les a déjà prononcés, et plus d'une fois. Il les lui répète souvent, comme si il craignait qu'elle ne les oublie. Ce qui ne risque vraiment pas d'être le cas. Car à chaque fois, c'est la même chose. L'effet que ces quelques mots ont sur elle est toujours le même. Sans subir les affres du temps, sans s'étioler d'aucune façon. Et comme si les paroles de Stephen étaient considérées comme un serment renouvelé, son anneau entre en communion avec le sien, brillant d'un bel éclat d'or, tout aussi discrètement que le sien. Les anneaux, ainsi réunis une fois encore, disparaissent de leurs doigts pour ne plus subsister que dans un univers qui n'appartient qu'à eux.
Elle pose la raviole à demi grignotée sur la table qui jouxte le canapé devenu plus confortable, plus moelleux, car Stephen pense toujours à tout... évidemment. Délicatement, elle prend ses mains au creux des siennes et les contemple longuement, comme deux objets précieux. A son contact, leur léger tremblement diminue, jusqu'à complètement disparaître. Oh... ça ne durera pas longtemps, et sans doute ne le souhaiterait-il pas. C'est quelque chose qu'en définitive elle ne contrôle pas vraiment. Cela arrive... parfois.
- Comment pourrais-je l'oublier... Dit-elle dans un premier temps, un léger sourire flottant sur ses lèvres et d'une voix si basse qu'elle en est presque inaudible.
- Moi aussi, j'ai prêté serment. De ne jamais t'abandonner, de toujours te soutenir... quoi que tu fasses et quoi que tu aies fait.
Elle relève les yeux vers lui et pose une main fraîche sur sa joue. Voilà. Nous y sommes. Son regard se fait plus profond, telle l'invitation silencieuse qu'elle lui lance. Aucun mensonge entre eux. Aucune cachotterie. Il le sait. Il devrait le savoir. Cléa ouvre une porte. Libre à lui de la franchir. Dans le cas contraire... elle n'insistera pas.
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Re: Moment d'accalmie entre deux catastrophes [Stephen Strange] Jeu 22 Juin - 18:53
Stephen Strange resta immobile et, brièvement, se perdit dans les yeux de son épouse.
Si ça n’avait tenu qu’à lui, il y serait resté jusqu’à ce que son cœur s’épuise de battre à tout rompre pour elle, jusqu’à ce que le sablier du monde se vide et que les étoiles et les soleils s’éteignent. Il avait déjà arpenté le bleu de ce regard, il en avait exploré les tempêtes et les couchers de soleil qui l’émerveillaient toujours autant, et il s’y jetterait de nouveau à la première occasion venue.
Dans le même temps, Cléa avait effleuré un souvenir inconfortable. Il y avait de nombreuses choses qu’il souhaitait dire (et d’autres qu’il aurait préféré faire, quoiqu’elles laissent une place limitée à la parole), mais ce souvenir spécifiquement les tenaient dans son étreinte de cendres. Ses pensées roulèrent dans le fond de son regard et sur le bord de ses lèvres, puis il sourit doucement, toucha la main sur la joue, et embrassa Cléa doucement.
- Il y a quelque chose dont j’aimerai te parler, oui.
Sa voix était très légèrement voilée, teintée d’un peu de tristesse. Elle n’était pas vive ou omniprésente : c’était une douleur sourde, celle d’une blessure quasiment cicatrisée qui arrache tout de même une grimace lorsqu’on doit la sortir au grand jour. Il ne baissa pas les yeux.
- C’est quelque chose qui vient me narguer régulièrement, en ce moment, et que je ne crois pas t’avoir raconté. C’était… Tu étais partie, à ce moment là.
Pas de traces de reproche. Peut-être un pincement discret, encore, laissé par la solitude mordante qu’avaient été ces quelques années sans Cléa et rapidement caché de peur, parce qu’il n’y avait pas lieu de s’attarder dessus.
- Le monde n’était pas sous son meilleur jour, à l’époque, et je n’en menais pas large non plus. Les menaces se multipliaient, les dangers aussi. Les choix difficiles ont consciencieusement suivi le mouvement, comme mes mauvaises décisions.
Son regard dériva doucement sur le côté. Il n’essayait ni de se justifier, ni d’extérioriser quoi que ce soit. Il expliquait le plus calmement possible ce qui s’était passé, ce qui lui était arrivé dans une période où le docteur ne méritait ni son titre, ni sa propre pitié. Peut-être que Cléa en avait entendu parler : si c’était le cas, elle ne l’avait jamais interrogé jusque là.
- Nous avions un plan, à l’époque. Xavier, Stark, Namor, Black Bolt et moi. Nous espérions pouvoir prévoir certaines menaces, orienter le monde vers le meilleur. Je pense que tout à nos égos, nous avons fait plus de mal que de bien.
Il y avait du regret dans l’air, maintenant. Un regret lourd et fatigué, un poids traîné depuis un moment déjà.
- J’ai commencé à explorer des arcanes plus sombres que ce que je pratique aujourd’hui, ou que ce que je pratiquais avant – du moins, j’ai commencé à m’appuyer plus lourdement dessus, comme le font les gens désespérés.
Strange n’avait jamais été tenu à l’écart des arts mystiques les moins acceptables en société. Il avait lu le Darkhold et pratiqué ses rites auparavant, connaissait des démons et des noms de pouvoirs infernaux qu’aucun magicien respectable ne devrait approcher. Pour autant Il avait souvent tenu une position plus académique et théorique, préférant savoir comment fonctionnait la magie noire pour pouvoir la défaire que pour en exploiter les capacités. Le moins que l’on puisse dire, c’est que les lignes entre savoir et pouvoir s’étaient faites excessivement floues, pendant cette période.
- J’ai… je suis allé trop loin. J’en ai perdu mon titre, un temps.
Il en faisait encore des cauchemars, parfois, si saisissants qu’il se demandait sincèrement s’il s’agissait de cauchemars ou de souvenirs. Il se voyait avec les autres Illuminati en train de détruire des mondes pour sauver le leur, ou à la tête d’une confrérie étrange qui sacrifiait la vie de millions de mondes pour empêcher des milliers d’autres de périr. A la fin des temps et des choses, il murmurait des mots noirs, d’une magie impossible et inconnues, pour récupérer les fragments de cet univers et en créer un autre. Tellement de morts. Tellement de destructions, qui revenaient trop souvent pour être le simple fruit de son imagination.
- J’ai fini par tout abandonner. Tout ce que je savais, toutes les traces que ces pratiques avaient laissées sur moi. J’ai tout arraché, et je les ai enterrées loin, là où elles ne pourraient plus faire de mal à personne – et là où je ne pourrais plus les utiliser.
Il avait créé un nouveau cellier pour l’occasion. Il s’était enfoncé loin, loin sous la surface de la terre, dans un long escalier de pierre et de granit, éclairé par la lumière tremblante de torches de feu blanc. Il avait scellé le tombeau de ses erreurs avec de lourdes chaînes noires et des mots de pouvoir arides. Pour tout le bien que ça lui avait fait.
- Quand l’Empirikul est venu, la… chose s’est échappée. Toutes mes erreurs. Toutes les fois où j’ai trébuché hors du chemin que j’aurais dû suivre, tout ce que j’avais essayé de priver du monde. Elles ont… grandi, je n’ai pas d’autres termes. Elles ont pris forme, consistance, conscience. Elles sont devenues quelque chose, et quand l’Inquisiteur est venu, il l’a libérée.
Il s’était perdu quelque part dans ses souvenirs, maintenant. Le petit plateau de pommes et de fruits et de céréales dans lequel il avait commencé à piocher était posé sur ses genoux, menaçant de tomber à tout moment. La tristesse et la douleur s’étaient amenuisées, entre ses mots. Maintenant, il ne restait qu’une forme de mélancolie, et l’amertume de ses regrets. Il inspira, puis sembla s’arracher à sa dérive.
- Elle est morte, maintenant, mais ce… rituel, cette idée d’arracher la corruption qui nous colle à la peau ne cesse de revenir. Avec Khonshu, avec le Démogorgue. C’est difficile de ne pas ressasser.
Il releva les yeux vers elle. Il aurait donné beaucoup pour pouvoir se lover dans cette étendue azure, loin du monde, loin de tout.
- Tu as promis, oui. Et je peux te délivrer de cette promesse dès qu’elle sera trop lourde à porter.
Re: Moment d'accalmie entre deux catastrophes [Stephen Strange] Dim 9 Juil - 0:01
On dit parfois du silence qu'il est assourdissant. N'est-ce pas un étonnant paradoxe ? Qualifier d'assourdissant quelque chose qui n'existe pas. Une absence de bruit, une absence de tout, que pas une seule vibration ne vient perturber. Pas un souffle. Pas un battement de cil. Rien de léger, encore moins de lourd. Un silence que rien ne semble pouvoir dénaturer, briser, altérer.
On dit d'un silence qu'il peut être opaque, impénétrable, insondable. On dit d'un silence qu'il est de plomb. On dit d'un silence qu'il peut être assourdissant.
Un silence comme celui dans lequel Cléa s'est drapée dès que le premier mot a passé la barrière des lèvres de son époux. Oh elle lui a rendu le si doux regard qu'il lui a adressé. Tout comme l'affection avec laquelle elle avait accueilli son baiser était bien réelle. Pourtant elle savait. Elle a su dès que son regard brillant s'est posé sur elle. La sorcière a tendu une main, mais à aucun moment elle n'a eu la certitude qu'il la prendrait vraiment. Ce n'est qu'à cet instant, qu'à ce moment précis où il a délaissé la nourriture dans l'unique et simple objectif de la contempler, qu'elle a su.
Et elle n'a pas prononcé le moindre mot. Pas un son, pas un soupir. Aucun sourcil plus haut que l'autre.
Ses mâchoires se sont brièvement crispées lorsqu'il a mentionné son départ. Lorsqu'il a mentionné que ce qu'il avait à lui confier, peut-être à lui avouer, s'était passé pendant son absence. Une absence qui lui coûtait encore d'innombrables nuits de remords, mais dont elle ne lui avait jamais parlé. Et dont elle ne lui parlerait jamais.
Cléa sait qu'il ne lui reproche rien. Il est bien trop gentil pour cela. Mais le fait est... que même si elle ne sait pas encore de quoi il est question, elle le connait suffisamment pour anticiper que ce qu'il s'apprête à dire est l'aveux d'un fardeau qu'il porte depuis bien trop longtemps. Alors... une seule phrase lui vient instantanément. Une seule chose. Un seul remord. Un seul regret. Une seule culpabilité.
C'est de ma faute.
Plus il parle, et plus ce sentiment se renforce. Une période difficile, des menaces omniprésentes. Et elle n'était pas là. Pas là pour l'aider, pour le soutenir, pour l'épauler quand il en avait eu besoin.
Evidemment, à travers les dimensions, les galaxies, une poignée était venue la trouver pour lui parler de ce groupe clandestin, les Illuminati, dont son mari aurait potentiellement fait partie. Mais, jusqu'à maintenant tout du moins, Cléa pensait que ce n'était que des ragots de comptoir. Des rumeurs sans fondement. Or... Stephen n'était ni plus ni moins qu'en train de lui confirmer qu'il s'agissait là de la stricte vérité.
Si elle avait su à ce moment, quelle idée ce constat ferait germer en elle dans un futur proche. Si elle avait pris conscience qu'elle mettrait ses pas dans ceux de son époux mais à sa manière à elle... Sera t'elle capable de faire mieux ? Sans doute pas. Différent ? Sans aucun doute.
Son visage se durcit, ce qu'il interprètera sans doute comme une réaction réfractaire à son aveux d'avoir exploré les côtés les plus sombres de la magie. Ce n'est en définitive pas la raison première.
C'est de ma faute.
Si elle avait été là. Si elle n'était pas partie. Elle l'aurait convaincu de ne pas explorer des recoins qu'un être aussi lumineux que lui ne devrait jamais parcourir. Si cela se trouve... cette idée ridicule ne lui serait peut-être même pas venue en tête si elle avait été présente pour l'aider quand il avait eu le plus besoin.
Plus ces constats se superposent les uns aux autres, et plus Cléa se renfrogne. Pourtant rien d'apparent ne permet véritablement de le constater, de ses yeux en tout cas. Pour l'une des rares fois de son existence, le calme de Cléa est digne du Mont Olympe. Ce qui est probablement encore plus inquiétant que si elle explosait une bonne fois pour toutes.
Mais, là encore, elle ne dit rien et le laisse poursuivre. Seule sa main enveloppe la sienne alors qu'il continue son récit. Elle n'a jamais perdu son statut de Sorcière Suprême, mas elle imagine sans aucune difficulté le torrent d'immondices que cela a du provoquer dans le coeur et l'esprit de son époux, sans parler des atteintes à sa propre magie. Si les choses étaient allées trop loin, était-il même envisageable de considérer qu'il l'avait tout bonnement perdue un temps. Un sorcier privé de son rôle et de ses pouvoirs... est la pire chose qu'il puisse arriver à des êtres comme eux.
Quoi qu'il en soit, pour que les évènements en soient arrivés là et que la sanction soit si sévère, si sanction il y avait, les choses avaient du aller vraiment très très loin...
L’Empirikul. Encore un nouveau mot qui la percute de plein fouet. Un mot si lourd à ses oreilles. Là aussi, elle avait brillé par son absence. Alors que toutes les magies des mondes étaient en danger, que tous les Sorciers Suprêmes, dont son époux, principalement son époux, étaient des cibles marquées au fer rouge, Cléa était restée éloignée de tout cela.
Absente. Encore une fois.
Le poids de ses erreurs lui était revenu en pleine figure et la "chose" de ténèbres et de magie obscure avait échappée à son contrôle.
Sans bouger, alors que sa main reste simplement posée sur celle de son époux, le plateau qui menace de chuter d'une seconde à l'autre se met à léviter à quelques millimètres à peine au-dessus des cuisses de son porteur. Discrètement, comme une plume, pour ne pas le déranger dans son éprouvant récit, il s'envole très doucement, avec délicatesse, jusqu'à la table basse sur laquelle il se pose sans bruit.
Lorsqu'il achève son histoire, elle comprend à quel point la situation présente peut lui peser. Encore plus que par sa nature propre, finalement, car elle le propulse vers un passé qui, bien que révolu, reste une blessure profonde dans son âme.
Le silence total s'installe dans la pièce durant plusieurs minutes, sans qu'elle ne réponde à ses mots. Puis, soudain, sa main délaisse la sienne alors que Cléa se lève du moelleux canapé.
- Tu m'excuses une petite minute. Je n'en ai pas pour longtemps. Dit-elle dans un sourire qui aurait pu sonner juste s'il n'avait pas été suivi d'un mouvement de bras un peu trop sec et un peu trop vif.
Une zébrure violine déchire une partie de l'espace du salon. Cléa tourne les talons et franchit le portail qui donne sur un autre monde. Peut-être même une autre dimension. Pas un regard dans la direction de son époux.
Elle n'est pas encore tout à fait passée de l'autre côté que, déjà, des flammes d'un noir de jais auréolent ses doigts et remontent presque langoureusement le long de ses poignets. La fracture se referme aussi sèchement qu'elle s'est ouverte, Cléa disparaissant du salon pendant de très longues minutes, une dizaine peut-être.
Finalement une nouvelle zébrure pourpre illumine brièvement la pièce alors que la sorcière réapparait. Ses cheveux sont légèrement en bataille et le bas de sa robe strié de brûlures dont s'extirpe une odeur de tissu roussi. A défaut de pouvoir remédier aux erreurs du passé, se défouler un peu ça soulage. Et il n'y avait aucune raison qu'elle passe ses nerfs sur lui.
- Tu vas m'écouter très attentivement. Dit-elle d'une voix empreinte d'une gravité aussi solennelle qu'il est possible de l'être.
Alors qu'elle s'est rassise sur le canapé à ses côtés, tournée dans sa direction, ses paumes se posent sur les joues de Stephen, encadrant ainsi son visage, aussi immaculées que le bas de sa robe est désormais d'un noir de braises éteintes.
- Premièrement, je t'interdis de commettre plus d'erreurs que moi. C'est mon rôle dans notre couple. Si l'un de nous deux ne doit pas être fréquentable, c'est moi, en aucun cas toi. Nous mettrons ces errances sur le compte d'une crise d'adolescence tardive.
Elle extirpe un léger sourire avant de poursuivre.
- Deuxièmement, tu es l'être que je chéris le plus. Sur ce monde, dans cette dimension. Dans tous les mondes, dans toutes les dimensions. Je ne t'abandonnerai jamais, même dans tes heures les plus sombres s'il devait y en avoir à nouveau. Je ne t'abandonnerai jamais... jamais plus, que je sois vivante ou bien morte.
Jamais.... plus.
Ses mains délaissent ses joues, alors que la sorcière se relève et le toise de haut, un sourire énigmatique flottant sur ses lèvres. Elle pose un genoux sur le sol et saisit la main qui porte leur anneau.
- Je crois que c'est comme ça que vous faites... les humains... Lance t'elle d'une voix qui passe d'amusée à très sérieuse en un temps record.
Délicatement, elle lève légèrement le doigt de Stephen qui porte, et parfois supporte, l'anneau jumeau qui les lie.
- Je me fiche des lois humaines. Il m'est totalement égal que monsieur le maire, le président ou la reine d'Angleterre décident que nous n'avons pas le droit de vivre comme nous l'entendons.
Du plat de son pouce, Cléa caresse tendrement l'anneau qui trône sur le doigt de son époux, jusqu'à ce qu'une petite liane d'argent se matérialise de nulle part. Avec délicatesse, elle s'enroule doucement autour de l'anneau de Stephen. Puis elle ondule comme une petite créature dotée de vie au-dessus de sa main, laissant de fines traînées d'argent scintillant sur sa peau, pour passer sur celle de Cléa dont elle enlace l'anneau de la même manière.
- Stephen Vincent Strange, acceptez-vous de m'épouser... une seconde fois ?
Alors qu'elle plonge ses iris si clairs dans les siens, son regard s'embue et de grosses larmes tombent de ses cils, atterrissant sur ses joues pour les dévaler comme si chacune entrait en compétition avec l'autre. Que d'épreuves il a subies sans qu'elle n'ait pu l'aider ou le réconforter...
Ainsi est Cléa. Tout en elle est une force brute. Lorsqu'elle est en colère, sa rage est trop forte. Lorsqu'elle est triste, son chagrin est immense. Lorsqu'elle aime... c'est à en mourir. Et elle n'a jamais aimé d'autre homme que lui.
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Re: Moment d'accalmie entre deux catastrophes [Stephen Strange] Ven 11 Aoû - 18:43
Le docteur cligna des yeux. Une fois, puis deux. C’était qu’il avait prévu des choses à dire. Il n’était pas assez absorbé par ses souvenirs ni assez hypnotisé par le son de sa propre voix pour ne pas sentir la culpabilité de Cléa, alors qu’il avançait dans son récit. Il tenait à lui dire que ce n’était pas sa faute – que ça ne pouvait pas être de sa faute, et que c’était une pensée ridicule. Elle avait eu ses propres problèmes, et ne pouvait certainement pas être tenue responsable de ne pas avoir éteint des feux dont elle ignorait l’existence. Peut-être qu’il avait prévu de s’excuser, aussi – de ne pas avoir été à la hauteur de ce qu’elle voyait en lui, d’avoir perdu son chemin dès qu’elle lui avait tourné le dos. Peut-être. Il n’était pas certain – et, pour être honnête, elle l’avait suffisamment pris de court pour qu’il repousse la question à plus tard. Il avait prévu des choses à dire, donc. De longs discours. Beaucoup de mots. Des discussions complexes sur la teneur de leur relation et la nature de la magie qu’il avait utilisée et à quel point elle était la chose la plus merveilleuse qui lui soit jamais arrivé, et qu’il l’aimait, et qu’elle était si, si belle.
- Oui.
Une émotion passa sur son visage, puis une deuxième, puis une troisième, et d’autres qui étaient difficiles à départager. Il y avait de la surprise, c’était clair : elle revenait par intermittence, remontant à la surface comme pour s’assurer qu’elle ait bien compris ce qui se passait. Il y avait de la joie, aussi, sous plusieurs formes – un sourire franc d’abord, qui brillait dans ses yeux mais n'effleurait qu'à grand peine les lèvres du magicien, mais aussi l’ombre d’un rire qui menaçait d’éclater au grand jour à tout moment, et la petite danse du bonheur qu’effectuait son cœur dans sa poitrine. Il y avait de l’amour, surtout : un amour profond, inconditionnel, comme un soleil brûlant derrière des lambeaux de nuages au milieu du ciel bleu.
- Milles fois s’il le faut. Dans tous les royaumes et sous toutes les lois si l’envie t’en prends.
Quoi qu’il ait en tête, quoi qu’il ait préparé comme discours, tout sembla disparaître en un claquement de doigts. Dans ses yeux bleus, il ne resta plus qu’elle. Stephen se mit debout, attirant dans le même mouvement sa femme contre lui dans un baiser. Il tourna légèrement, la tenant par la main et la taille, et le couple s’envola. A la manière d’une valse, ils flottèrent tous les deux au milieu du salon, sous les branches noueuses des arbres plantés là. Des lueurs – les petites étoiles orangées que Strange accrochaient parmi les feuillages à l’occasion, « pour l’ambiance » - les entouraient, immobiles. Leurs anneaux d’argents accrochèrent la lumière, et leurs anneaux de feu s’y superposèrent, s’enroulant autour du métal comme un fil d’or en fusion. Ce fut un rire, un rire heureux et bref, qui finit par rompre leur baiser.
- Je t’aime, dans ce monde et tous les suivants. Et ce serait un honneur d’être ton époux une nouvelle fois.
Il la tenait proche de lui, s’écartant juste ce qu’il fallait pour la regarder en face sans loucher. Ils flottaient au milieu de la pièce, sans y penser. Une brise très légère faisait frémir les feuilles autour d’eux, et l’endroit tout entier baignait dans les lueurs orangées et pourpres des multiples lampes cachées dans des coins et recoins.
- Il faut que je te pose la question, cela dit.
Il y eut un petit déclic, quelque part en bas, parmi les étagères. Stephen, innocemment, fit comme s’il n’avait rien entendu.
- S'agit-il de quelque chose que tu as prévu avec une discrétion remarquable, très chère, ou est-ce ton instinct qui parle ?
Une légère musique monta jusqu’à eux. Une mélodie assez tranquille, chantée par un antique gramophone dont personne ne changeait jamais le vinyl, et dont la qualité de son était impressionnante, compte tenu de son âge apparent. Doucement, les Stranges se mirent à danser, de ses danses qui consistent plus à discuter en se laissant bercer par la musique – ils les avaient apprises à la cour de Titania et d’Obéron. D’ordinaire, elles se prêtaient surtout à des manipulations politiques : si on devait demander son avis à Stephen, il leur trouvait un charme et une grâce désuets que les intrigues de cours gâchaient résolument.
- Si tu n’y vois pas d’inconvénient, je suis assez d’humeur pour une fête. Une grande fête. Le Sanctum n’a pas reçu de bal depuis trop longtemps.
Les lumières avaient commencé à danser autour d’eux. Elles semblaient plus nombreuses, aussi – comme si des étoiles s’étaient jointes au couple, les entourant d’un ballet complexe et rythmé.
Re: Moment d'accalmie entre deux catastrophes [Stephen Strange] Lun 2 Oct - 6:31
On dit parfois que ce qui maintient un couple à flots, c'est de continuer à surprendre l'autre chaque jour qui passe. Et il faut bien reconnaitre que ce couple là est passé maître en la matière depuis fort longtemps. Des surprises... il y en a tous les jours, quand ça n'est pas plusieurs fois tout au long de la journée. Et si elles ne sont pas toujours agréables, ne sont-elles jamais parvenues à effriter leur amour.
Cléa ne visionne pas de romances. Elle n'achète ni ne lit d'ouvrages de développement personnel "Cimenter son couple en douze leçons". Il est d'ailleurs fort à parier qu'elle ignore tout de leur existence. Elle se contente d'être elle-même, simplement elle-même... et c'est bien souvent suffisant à vrai dire. Parfois même un peu trop.
Son regard clair observe l'infinité d'émotions qui défile sur les traits de Stephen, dès que ce "Oui" a passé la barrière de ses lèvres, interrompant presque abruptement tout ce qu'il s'apprêtait peut-être à lui dire. Un délicat sourire se forme sur son visage. Il est doux, tendre, apaisé. Le genre d'expression qu'elle n'offre et n'offrira jamais qu'à lui.
Parce que personne n'est comme lui. Parce que personne ne lui arrive à la cheville. Parce qu'il est l'épicentre de son univers. Celui par lequel tout arrive, celui qui fait battre son coeur. Celui pour lequel elle vit, se bat, s'améliore chaque jour qui passe, ou du moins essaie... Le seul. A jamais, le seul.
Elle se laisse happer par sa main, par cette force que l'on ne saurait soupçonner lorsque l'on pose le regard sur lui. Car Stephen est bien des choses. Et la grande majorité d'entre elles est invisible au regard des autres. Cléa se laisse tirer vers le haut, le laisse la relever, comme il l'a fait tant et tant de fois par le passé. Comme il le fait si souvent, parfois sans même le savoir, parfois sans même s'en rendre compte.
Délicatement, leurs talons s'élèvent et délaissent la dureté du sol. Avec légèreté, comme s'ils ne pesaient pas plus lourd qu'une bulle de savon. Naturellement, sans réellement y penser, sans réellement le calculer. La magie est source de bien des miracles.
Ses paupières se ferment brièvement, profitant du baiser et de l'étreinte qu'il lui offre. Contagieuse, l'esquisse du sourire qui amorce sa course sur les lèvres de son époux se transmet à Cléa, comme s'ils partageaient une seule et même émotion. Ce qui, à vrai dire, est sans nul doute le cas.
Il rit. Un rire clair, spontané, passe la barrière de ses lèvres fines. Alors elle le dévisage longuement. Admirant les très légères fossettes qui animent ses joues, ses yeux qui se plissent suivant l'impulsion du rire qui se déploie hors de sa gorge. Et un nouveau sourire illumine son visage clair. Il n'est sans doute pas concevable d'aimer plus qu'elle ne l'aime à cet instant. Peut-être... qu'il n'est émotionnellement pas possible d'aimer plus que cela.
A ses mots, le regard de sa femme se meut en interrogation silencieuse. Une question ? Cléa n'ayant ni la retenue ni la discrétion de son époux, son regard dévie brièvement dans la direction du petit déclic qui a faiblement résonné dans la pièce. Mais ne décelant ni sa provenance ni son origine, elle en fait fit bien rapidement pour reporter son attention sur celui qui la fait délicatement valser au coeur des arbres du salon, alors qu'une délicate musique s'élève jusqu'à eux.
- Hum...
Cléa fait mine de réfléchir quelques secondes, alors qu'en réalité la réponse est toute vue. Cela fait bien des années... que c'est tout vu.
- Disons que le moment n'a pas été choisi, mais que l'idée couve depuis un certain nombre... Elle plisse légèrement les paupières dans un sourire, avant de ponctuer. ...d'années.
A dire vrai, Cléa ne supporte aucune contrainte en dehors de celles qu'elle s'impose elle-même. Personne ne lui dit quoi faire, quand le faire, de quelle manière le faire. En dehors de Stephen, les rares fois où cela lui arrive, et dans ces situations il est bien rare qu'il essuie un "non", bien que cela soit déjà arrivé dans le passé. Mais Stephen est une exception. Stephen sera toujours l'exception.
Quoi qu'il en soit, ce refus obstiné de la part du gouvernement terrien, qu'ils ont essuyé il y a quelques années, les obligeant à se marier dans la Dimension Noire, est resté en travers de sa fine gorge d'albâtre. Combien de fois a t'elle ruminé cette injustice...? Sans doute trop de fois que pour être dénombrées.
Personne n'impose ses choix à Cléa Strange. Surtout pas une bande de terriens en culottes courtes. Et aujourd'hui, le couple a décidé. Il ne demande pas la permission. Avec leur accord ou non, ce mariage, ce remariage aura lieu. Qu'ils s'estiment déjà bien heureux de ne pas être transformés en petits cochons.
Un sourire étire la commissure des lèvres de la sorcière, alors que son regard s'élève vers les lueurs qui dansent tout autour d'eux, calquant leur rythme sur le leur, comme si elles les accompagnaient. Une magie poétique qui est son oeuvre, à lui.
- Seulement si tu ne m'obliges pas à porter une choucroute blanche en guise de robe et si tu t'occupes de la décoration. Répond elle en englobant la scénographie qui les entoure, d'un ample mouvement de bras, portant sur lui un regard espiègle.
- As-tu envie d'un remariage à...
Elle sent qu'elle risque de regretter sa question, mais on ne se remarie qu'une fois dans sa vie avec le même homme. Quoi que... allez savoir ce que l'avenir leur réserve... On ne dit jamais deux sans trois, non ?
- ...thème ?
A peine a t'elle prononcé ce mot, que le sucrier déboule dans le salon en claquant son petit couvercle frénétiquement, laissant clairement supposer que ce petit ingénu écoute derrière la porte depuis longtemps. D'abord incrédule, ou plutôt surprise, Cléa éclate d'un rire cristallin et autrement plus spontané.
Non. Ils n'organiseront certainement pas un mariage sur le thème du sucrier.
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Re: Moment d'accalmie entre deux catastrophes [Stephen Strange] Mar 17 Oct - 16:07
- Un mariage à thème ?
Strange éclata de rire, tandis qu’un pas de danse les éloignait un peu. Pas de beaucoup : quelque soit la valse, le recul ou le pas de côté nécessaire, les deux époux ne brisaient jamais le contact. Parfois, ils ne se touchaient plus que par le bout de leurs doigts ; parfois, c’était plus.
- L’idée même d’un Tony Stark vêtu en saucière bionique à son charme, si je suis honnête, mais peut-être pouvons-nous trouver autre chose.
Le sucrier claqua une fois, comme pour commencer une longue tirade ou pour dire « J’entends, mais... ». Il n’eut pas le temps de continuer beaucoup plus. Sur une petite table basse, deux serpents passaient leur journée lovés sur le pied d’une lampe de cuivre, à discuter ou sommeiller. Cela faisait bien, bien longtemps qu’ils n’avaient pas dansé, et ils n’allaient pas se priver. Aleister et Anton s’élancèrent sur l’air de la musique, emportant le sucrier dans leur danse avec un sifflement joyeux.
- Je serai ravi de m’occuper de la décoration, tant qu’on n’attend rien de moi côté cuisine. Un thème ? Hmm…
Un nouveau pas de danse les rapprocha, mains dans la main, cœur contre cœur. Autour d’eux, les lueurs s’étaient effilées – elles étaient devenues des silhouettes ailées, des flammes de bougies de couleurs variées, humanoïdes miniatures qui dansaient à leur rythme. Leur chorégraphie n’était pas la même que celle du couple, mais elle l’évoquait juste assez pour la rehausser.
- Voyons… nous pourrions en faire un bal selon la tradition des Cours Claires.
Un instant, ils étaient là, le second là-bas. Une large salle de bal s’étendait autour d’eux. Son sol était de marbre. Son plafond, de verre et de fer, laissait voir un ciel impossible, paré d’or et de pourpre. De hauts piliers supportaient la structure, faits d’écorces et couvert d’un lierre aux feuilles d’or. Des fleurs pendaient aux lustres, apportant une lumière plus douce et plus stable que n’importe quelle bougie. D’autres silhouettes dansaient autour d’eux ; tous portaient un masque d’or ou d’argent. Stephen n’y faisait pas exception. Sa cape semblait différente, plus longue, rehaussée de symboles d’or. Sa tunique était plus longue, bordée d’or, et sa ceinture était du même métal. Sur son front, une couronne d’argent, dont l’éclat faisait écho à l’anneau à sa main.
- Peut-être quelque chose plus à la manière de l’Octessence ?
La pièce changea à nouveau. Le sol était toujours de marbre, le grand hall avait disparu. A sa place, ne restait plus qu’un grand disque de marque, ceins de hautes colonnes, en haut desquelles brûlaient des brasiers. S’il s’agissait d’un temple, il n’avait plus de toit. L’endroit était construit à flanc de falaise : en contrebas, une mer de nuit venait caresser la plage claire. Dans ses flots sombres, des étoiles innombrables observait le monde au-dessus d’elle, parées de galaxies et de constellations, profitant de la fête sans y participer. Le ciel, lui, explosait de couleur. Par là bas, une nébuleuse carmine prenait la majorité de l’espace, piquée d’étoiles blanches et de soleils lointains. Ici, des volutes jaunes dansaient sur la mer, comme des aurores boréales ayant préféré le topaze à l’arc-en-ciel. Au-dessus d’eux, un tourbillon émeraude virevoltait avec des constellations mauves. Loin, loin dans les cieux, douze lunes d’argent brillaient, près des anneaux d’un bleu glacial qu’on percevait à peine contre la toile d’encre de la nuit.
Autour d’eux, plus de masque, mais des maquillages colorés et délicat. Quelqu’un avait dessiné quelques chose sur le visage de Stephen, un symbole magique qui partait du coin de son œil droit et rejoignait l’endroit où ses cheveux s’étaient éclaircis. Sa tenue était d’un bleu sombre, constellé d’étoiles, au revers de rouge sombre. Sa couronne avait disparue, elle aussi. L’anneau était resté.
- Si je devais choisir, très chère, je te choisirai toi. Je nous choisirai nous. Que le thème, s’il faut en donner un, soit nous même.
De cette version-ci, il ne lui montra qu’un bref fragment. Un fragment de feu et de métal, d’étoiles et de lumières. Des idées et des images terribles, impressionnantes dans d’autres contextes, mais belles ici. Des parures de flammes et d’argent, des bassins dans lesquels il était possible de nager dans le firmament. Une salle de balle, des flûtes remplies de constellations. Puis ils furent de retour dans leur salon. Ils étaient revenus au sol, et Strange lui tendait un verre rempli d’un liquide ambrée.
Dernière édition par Stephen Strange le Ven 24 Nov - 9:06, édité 1 fois
Cléa Strange
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Re: Moment d'accalmie entre deux catastrophes [Stephen Strange] Ven 24 Nov - 6:57
Impétueuse... colérique... volcanique Cléa. Tant de qualificatifs de cet ordre pourraient lui convenir en temps normal, qui ne seraient pas sans revêtir une connotation négative par ailleurs. Pour autant, aucun ne lui sied vraiment à cet instant.
Le rire de son époux éclate dans l'air, avec la légèreté d'une multitude de bulles de savon et le son délicat d'un tintement de coupes de cristal s'entrechoquant gaiement, comme pour fêter un heureux évènement. Ce qui est bel et bien le cas aujourd'hui.
Elle l'observe avec attention, un léger sourire flottant sur son visage diaphane. Le voir sourire et rire de la sorte est sans conteste l'une de ses plus grandes joies. Le voir... heureux, tout simplement. Oublié pour quelques instants, le poids considérable de la charge qui pèse sur ses épaules en permanence. Une charge que bien peu considère à sa juste valeur. Dont si peu de gens ne font ne serait-ce que frôler la complexité, la dangerosité.
Il est unique. Il l'a toujours été. Il le sera à jamais.
Cléa jette un bref coup d'oeil vers le sucrier, entraîné dans le maëlstrom d'une danse trépidante par les deux serpents, d'ordinaire plus souvent assoupis qu'en mouvement, fidèles à leur nature. Difficile de savoir si la petite porcelaine apprécie l'escapade hors sol. A en juger par les claquements secs qui résonnent dans la pièce, ça n'est pas certain.
- Nulle inquiétude sur ce point, çà ne risque pas. Lâche t'elle en éclatant de rire à son tour, alors que Stephen se décharge du rôle de cuisinier.
S'il y a bien une chose dans laquelle son époux est fort loin d'exceller, c'est clairement la cuisine... A éviter de toute urgence, pour la sécurité de tous et leur bien-être stomacal.
Il l'attire de nouveau tout contre lui, alors qu'il semble réfléchir à un thème qui leur correspondrait à tous les deux. Le coeur de Cléa rate un battement. Comme si elle était de nouveau propulsée dans le corps et surtout le coeur d'une adolescente. Adolescente qu'elle n'est plus depuis bien longtemps... Mais cet instant recèle une magie bien particulière, que pas même les mages les plus aguerris de l'univers ne sauraient engendrer. L'amour est un sentiment puissant, et Stephen a toujours su comment faire avec elle. Le plus souvent involontairement, ce qui ne fait qu'ajouter du merveilleux au merveilleux.
La pièce change, évolue, se pare de couleurs, de textures, de paysages qui apparaissent et s'évanouissent au gré des envies du sorcier suprême de la terre. D'un or aussi brillant que l'astre solaire, elle se meut en une nuit sans fin, constellée d'étoiles qui parent le plafond disparu de mille scintillements. Les iris clairs de son épouse contemplent ce qu'il tisse pour elle. Admirative, souriante, cela faisait bien longtemps qu'on ne l'avait pas vue aussi épanouie.
Peu importe le décor. Peu importe sa tenue. Qu'il arbore ou non un masque. Que l'or dégouline des murs ou que les étoiles soient à portée de main. Peu importe... il a raison.
Elle saisit la coupe qu'il lui tend, alors que leurs pieds foulent de nouveau le parquet du petit salon. Cléa n'a pas prononcé un mot depuis de longues minutes, et c'est tout aussi silencieusement qu'elle porte la coupe à ses lèvres un bref instant, avant de la laisser léviter délicatement autour d'eux, telle la plume se laissant porter par une brise aussi légère que fugace.
- J'ai un présent pour toi.
Un sourire énigmatique passe brièvement sur ses lèvres, alors que son index lisse doucement l'une des mèches de neige qui coure le long de la tempe de son époux. Un filament violine, aussi fin qu'un fil de couture, s'extraie de son front. Celui qui a décrété que le siège de l'âme était forcément le cerveau, n'est autre qu'un fantastique imbécile. Cependant... est-ce bien le siège des émotions et des souvenirs.
Le fil brillant se dirige vers le front de Stephen, virevoltant quelques secondes, s'approchant puis faisant un détour, comme s'il hésitait. Comme s'il était doté d'une conscience qui n'appartenait qu'à lui, et plus à sa propriétaire légitime. Il fait comme bon lui semble. Il prend son temps, comme s'il se demandait... j'y vais... ou je n'y vais pas... Les émotions sont ainsi faites. Elles doutent parfois du bien fondé de leurs intentions. En ai-je le droit ? est-ce bien ? Est-ce mal ? Est-ce que je le fais vraiment pour lui, ou bien pour moi...?
Après quelques hésitations, puis soutenu par les encouragements claquants du sucrier qui a retrouvé le plancher des vaches non sans un certain soulagement, le petit fil de lumière pourpre s'avance timidement vers Stephen et décide enfin de partager son essence avec lui.
La paume de Cléa s'élève vers sa joue, sur laquelle elle se pose avec douceur. Ses paupières se ferment au moment où le fil de lumière les relie, les unit. A cet instant, elle partage avec lui ses sentiments les plus secrets, ses souvenirs les plus sourds, les plus puissants. Elle partage avec lui une essence qu'il ne pourrait percevoir d'une autre manière, d'aucune autre manière que celle d'être à sa place, dans sa tête et dans son coeur. Oh bien sûr... il a pu se l'imaginer, se la figurer, mille fois, peut-être plus.
Aujourd'hui, il n'est plus question d'estimer comprendre, d'estimer savoir, de penser percevoir. Il va comprendre. Il va savoir. Il percevra. Comme s'il était... elle.
La pièce se floute, se brouille, pour finir par ressembler à un magmas de noirceur. Nulle lueur ne subsiste. Il fait sombre, il fait froid, humide. Rien ne se distingue. Un noir de four. Un noir glaçant, malaisant, pervers, torturé.
Cruel.
Il sent sont coeur rallonger ses battements. Comme si... il se préservait. Comme si il était bien trop fatigué pour battre à un rythme normal. Comme si ses forces s'amenuisaient au gré des secondes qui défilaient lentement... si lentement...
La peur. Le chagrin. La solitude. La renonciation.
Des termes qui correspondent bien mal à la Cléa d'aujourd'hui. La Cléa qu'il connait depuis tant d'années. Pour autant il ne s'y trompera pas. Il ne pourra pas éprouver le moindre doute. Car il est désormais dans sa tête. Il est désormais dans son coeur. Ses sentiments... viennent bien d'elle. Ou du moins... venaient bien d'elle.
Car la lumière se manifeste enfin. Elle est douce, chaleureuse, réconfortante. Elle est forte et délicate à la fois. Elle illumine sans aveugler. Elle enveloppe sans étouffer.
L'expression "être un phare dans la nuit" n'aura jamais été plus juste qu'en cet instant.
Et cette lumière... n'est autre que lui. Sa propre énergie, sa magie, ce qu'il est, ce qu'il incarne, ce qu'il représente à ses yeux. Ses yeux... à elle.
Ainsi naquit l'amour qu'elle lui porte depuis ce jour. L'amour qu'elle n'a cessé de lui porter depuis. L'éclosion d'un sentiment puissant, inaltérable, qu'elle vient de partager avec lui, à laquelle elle lui a permis d'assister.
Ainsi il saura. Ainsi il comprendra. Il réalisera enfin, à travers son coeur à elle, tout l'amour qu'elle a pour lui. Car il ressentira... comme si il était elle.
La lumière disparait doucement. Elle se retire avec pudeur, légèreté, délicatesse. Comme une invitée impromptue qui sent que c'est le moment de prendre congés.
Le décor reprend ses droits sur le Sanctuaire Sacré. Le silence est omniprésent. Chaque être retient son souffle, car chaque être ici présent a ressenti, a perçu la solennité de ce moment. Un moment unique entre tous.
Les paupières de Cléa s'ouvrent lentement, alors qu'une fine larme perle au coin de ses cils, dévalant prestement sa joue comme si, à peine née, elles aspirait déjà à faire oublier son existence. Bien qu'émotive autant qu'on puisse l'être, il est cependant bien rare de voir la sorcière pleurer. Revivre cet instant, cette naissance, ce jour béni entre tous, enserre son coeur d'une émotion palpable.
Sa main reste posée sur la joue de son époux alors qu'elle dépose un baiser sur ses lèvres en murmurant.
- Je t'aime plus que tout. Je n'ai jamais aimé que toi et ça ne changera jamais.
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Re: Moment d'accalmie entre deux catastrophes [Stephen Strange] Mer 13 Déc - 11:58
L’amour était une chose curieuse. De nombreux amants avaient tenté d’en décrire l’étreinte et l’emprise, d’expliquer comment leur coeur ne chantait qu’un seul nom, à longueur de journée. Plusieurs poètes l’avaient comparé à la mer et ses tempêtes, à une vive flamme, à un cœur serré, battant, endiablé. L’amour était toutes ses images et aucune à la fois, réalité trop complexe pour être couchée sur le papier ou chantée proprement, mais suffisamment vécue pour être approximée. Très peu de gens avait l’occasion de déclarer leur amour en partageant, très directement, leur sentiment pur.
Il y avait plusieurs choses, dans son cœur. Une partie venait de Cléa – un cadeau de son coeur à elle, l’expression sans filtre de son amour – ni un poème, ni une belle image, juste une émotion claire, puissante, belle à couper le souffle. Le reste venait de lui. Sa femme pouvait les sentir, ses sentiments à lui, là, juste sous sa main. La manière dont elle brillait comme personne d’autre, la façon qu’elle avait de le faire rire, la confiance qu’il lui accordait, les souvenirs brûlants des nombreuses fois où elle l’avait sauvé, au diable les tempêtes qu’elle devrait affronter. Tout cela et bien plus encore, murmuré dans ce langage si particulier de ceux qui aiment.
- Je t’aime. De toutes mes forces, et pour toujours.
Leurs lèvres se trouvèrent pour un nouveau baiser. Dans le salon, le sucrier, le chien-fantôme et les serpents du guéridon s’éclipsèrent discrètement – l’un vers la cuisine, l’autre à travers le mur, les derniers dans les branches d’un arbre. Ici, les lumières étaient chaudes – orangées, mauves, dorées sous la canopée.
***
Un autre jour, un autre moment, après ce message et très peu de temps.
Une lumière passa derrière la porte d’entrée du Sanctum Sanctorum. Pas comme un grand flash, ou une explosion de lumière dans la rue, mais plus comme si quelqu’un était passé avec une lanterne tout près du battant. Il y eut un cliquetis, puis la porte s’ouvrit sur Stephen Strange. Derrière lui, aucune trace de Bleecker Street : on apercevait tout juste des roches tachetées, et le ressac de la mer dans l’angle. La porte de bois se referma d’elle-même.
- Cléa ?
La cape du docteur se décrocha de ses épaules et fila vers les étages supérieurs. La tunique qu’il portait en dessous avait disparu – à sa place, le magicien portait des vêtements bleus de ville, confortables et sensiblement moins mystiques. Il s’arrêta un bref instant dans l’entrée, puis sembla fixer son attention quelque part et prit la direction de la cuisine, tout au fond de la maison. Il y trouva Cléa et Bats. Le chien fantôme était occupé à mâchonner un os à moelle, à plus d’un mètre du sol. Il aboya joyeusement à l’arrivée du docteur, qui le gratifia d’une grattouille entre les oreilles.
- Hey doc !
- Hey, Bats.
Il fallait bien admettre que, pendant un bref instant, le magicien avait été inquiet. Le message de Cléa n’inspirait pas grand-chose de bon. Sa femme pouvait se défendre, mieux que lui, en vérité, mais ça ne l’empêchait pas de s’inquiéter du mystère qu’elle faisait de sa soudaine animosité envers Khonshu. La trouver ici, dans un cadre des plus banals, avait quelqu’un chose de considérablement rassurant. D’autant que Bats n’était pas inquiet, ce qui était généralement bon signe.
- J’ai pris la liberté de ramener un dessert.
Le docteur posa un petit paquet cartonné sur la table, puis s’approcha de Cléa pour l’embrasser doucement. Le baiser fut bref, mais il lui prit délicatement la main et ne la lâcha pas. Dans ses yeux bleus, on lisait une pointe d’inquiétude, du genre de celle qui souhaiterait en savoir plus, mais qui se tairaient si poser trop de questions devenait trop douloureux.
- Tout va bien ?
A l’autre bout de la pièce, la porte de la remise s’ouvrit et un petit arrosoir cuivré, rempli d’eau, s’en alla doucement vers l’avant de la maison. Avec le bruit de l’eau dans son réservoir de métal, on aurait juré qu’il sifflait. Strange n’avait pas de soucis avec le fait d’arroser le bégonia par lui-même, mais il fallait admettre qu’il avait des préoccupations plus importantes dans l’immédiat.
Re: Moment d'accalmie entre deux catastrophes [Stephen Strange] Ven 15 Déc - 8:01
La vie est bien souvent étrange... et capricieuse.
Elle est capable de vous offrir le meilleur, une soirée idyllique, un moment de paix et "d'accalmie", une délicieuse pause sans problèmes, sans dangers, sans la plus petite ombre au tableau... pour vous le retirer sèchement la seconde qui suit. Elle ressemble parfois à cet enfant qui vous offre le plus beau et le plus tendre câlin du monde, pour taper la pire crise d'hystérie de l'univers dans la foulée, sans qu'il n'y ait la plus petite raison qui le justifie.
Comme ça, juste comme ça. Pour passer le temps...
Ils ont renouvelé leurs voeux, à l'occasion de la plus belle soirée qu'elle ait passé depuis fort longtemps. Mais aujourd'hui... Mais depuis ce jour maudit entre tous... sur une erreur, à cause d'une inattention stupide, d'une fatigue passagère, et, peut-être, d'une malveillance également. Car Cléa n'a pas encore le fin mot de l'histoire, et gare à sa colère lorsqu'elle le découvrira.
Le sucrier et la théière sont dans la "confidence", à leurs corps défendant et pour leur plus grande horreur à vrai dire. Pour l'heure, aucun des deux ne semblent avoir gaffé. Et autant Cléa ne s'inquiète pas de la théière, qui a toujours été d'une rassurante discrétion. Autant concernant le sucrier... ses maladresses en légion ne se comptent plus depuis fort longtemps.
Quoi qu'il en soit, et à moins que Stephen ne soit parvenu à faire fit de ce qu'il pourrait savoir, ou qu'il attende patiemment que Cléa soit à bout, craque, et lui dise toute la vérité, il est probable qu'il ne sache rien de ce qu'il s'est passé avec Khonshu il y a quelques heures.
Car à peine un jour s'est écoulé depuis.
L'inconscient de Cléa, qui avait sèchement poussé sa fuite en avant d'une claque dans le dos, avait probablement joué un rôle important à ce moment là. Dans la réalité terrienne, pas plus d'une journée ne s'était écoulée. Mais dans la dimension où Cléa s'était enfuie, la temporalité était tout autre et elle y avait passé près d'une semaine.
Stephen ne s'était pas étonné de la voir disparaitre une pauvre et toute petite journée. De son côté, elle avait espéré que ce lapse de temps plus long, mis à sa disposition, lui permettrait de relativiser, de s'apaiser et, sur un malentendu, de trouver le courage d'expliquer la situation à son époux.
Il convient de préciser que les objectifs n'ont pas du tout été cochés, et que la sorcière est revenue dans un état peu ou prou similaire au moment où elle avait laissé Khonshu, seul, dans le petit salon du Sanctuaire Sacré. Par ailleurs, elle avait commis une gaffe énorme en envoyant ce message télépathique à son époux sous le coup d'une colère qui ne semblait pas vouloir s'apaiser. Au lieu de noyer le poisson dans la mare, elle avait éveillé son inquiétude et un questionnement somme toute légitime.
B-r-a-v-o Cléa.
Or, le problème qui se pose majoritairement dans ce genre de situation, quand on a à faire à un être au caractère de Cléa, c'est qu'elle ne sait que très difficilement prendre sur elle. Devant Bats, passe encore. Faire illusion n'est pas si complexe. Mais devant Stephen... ce n'est plus du tout la même histoire. Car Cléa est ce genre d'être qui ne sait pas mentir aux personnes qu'elle aime. La seule personne pour qui elle éprouve de l'affection prenant littéralement la place d'une famille de douze personnes, autant dire que garder la face devant lui est mission impossible.
Pourtant elle essaie... oh que oui... avec un succès des plus... mitigé. C'est donc dans un sourire radieux, tellement large qu'il en est effroyablement suspect, qu'elle l'accueille dans la petite cuisine, où la table a été mise comme annoncée, et où elle l'attendait jusqu'alors avec une anxiété grandissante.
- Mon amour bienvenue à la maison ! Un dessert ? Quelle bonne idée ! Merci ! Lance t'elle d'une voix un peu trop forte et enjouée, qui ne fait qu'accroître son malaise car elle s'en rend immédiatement compte.
Voilà un autre problème dans ce genre de situation. Les émotions de Cléa défilent sur son visage comme les mots composant les pages d'un livre grand ouvert. Oh... elle peut paraître de marbre face à n'importe qui, n'importe quand et n'importe où, ne montrant que ce qu'elle veut bien que l'on voit. Oui. Mais pas avec lui. Pas avec Stephen. Est-ce bien là tout le noeud du problème.
Ainsi, la grimace de dépit, même légère et qui ne flottera sur ses traits que l'espace d'une brève seconde, parle t'elle d'elle-même lorsqu'elle conclut sa tonitruante tirade.
Elle lui rend son baiser du bout des lèvres dans un demi sourire, la culpabilité fulminant dans sa poitrine lui coupant presque le souffle. Mais ce n'est rien comparé au moment où sa main se pose sur la sienne et, surtout, n'en bouge plus. Elle tressaille légèrement à ce contact qui se prolonge, comme parcourue par un frisson.
La question est posée. Mais, surtout... il lui fait le coup du regard. LE regard. Celui qui dit tout bas "Ton attitude m'inquiète, mais je te respecte alors je n'insisterai pas si tu ne veux pas en parler". La bouffée de culpabilité qui l'étreint empourpre violemment ses joues alors qu'elle se met à... bégayer.
- Ou... oui... oui... ça...a... ça va. Et hum... et toi ?
Pathétique.
A l'autre bout de la pièce, le petit sucrier agite frénétiquement ses bras dans le dos de Stephen. Perché sur un vaisselier, il s'agite comme un beau diable, comme s'il poussait Cléa à dire la vérité -ce qui le soulagerait du poids du secret par la même occasion, il a déjà bien du mal à ne pas gaffer-. La sorcière lui jette un regard noir zébré d'éclairs violines. Une réaction tout sauf discrète, si besoin est de le préciser.
Elle ne peut pas lui dire. C'est impossible. Trop de honte, trop de culpabilité. Elle ne peut pas.
- Allez, mangeons ! Lâche t'elle en se levant d'un bon.
Sa main s'échappe de celle de son époux et, dans une brusquerie et une maladresse inhabituelles, Cléa renverse le pichet d'eau installé sur la table. Le liquide se déverse sur la nappe en une mare que Cléa fixe d'un regard plat avant... d'exploser littéralement.
- Non mais c'est pas vrai ! Qu'est-ce qui m'a fichu une carafe pareille ! S'emporte t'elle dans des proportions parfaitement inappropriées, alors que les murs vibrent sous les assauts de sa colère.
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Re: Moment d'accalmie entre deux catastrophes [Stephen Strange] Jeu 23 Mai - 19:30
Il y eut un bref moment de silence. Un bref moment pendant lequel tout le monde, dans la pièce, fixa le pichet sur la table, la façon dont la lumière du plafonnier s’emprisonnait dans son verre, la manière que l’eau avait de se répandre comme le sang d’un crime tout récemment commis. Bats, qui flottait dans un coin et mâchonnait un jouet. Le sucrier, perché sur son vaisselier, pétrifié par une soudaine peur panique. Stephen, qui ne regardait plus l’eau mais sa femme, puis Cléa explosa de colère. Elle radiait autour d’elle, comme la chaleur d’un brasier, menaçant de faire fondre les fenêtres, les murs, et peut-être les immeubles d’après pour faire bonne mesure.
Strange se leva, contourna la table et son pichet renversé, puis pris délicatement la main de la Faltine.
- Cléa.
Il mit un genoux à terre, porta sa main à ses lèvres et l’embrassa doucement. Elle brûlait de colère, mais il y avait autre chose en dessous. De la honte. De la culpabilité. Comme le cœur incandescent d’un incendie, blanc, aveuglant, vorace, qui refroidissait en vagues de colère orangée. Strange ne poussa pas, ne chercha pas à en savoir plus. C’était une chose étrange, que d’être magicien : le monde lui apparaissait en couleurs étranges, il y voyait les formes que laissaient les sortilèges derrière eux, et il entendait le chant des émotions dans le battement des coeurs qui l’entouraient. D’ordinaire, il lui fallait chercher, il lui fallait vouloir pour lire les états de quelqu’un. Pas avec Cléa. Plus depuis très longtemps. Leurs émotions passaient de l’un à l’autre comme s’ils n’avaient qu’un coeur, et il était difficile de baisser les yeux pour ne pas lire l’autre comme un livre ouvert. C’est ce qu’il fit, pourtant.
Il murmura quelque chose, et à l’étage, une porte cliqueta. La cuisine disparut.
Ils se tenaient au milieu d’une forêt. Les arbres avaient la couleur d’un coucher de soleil : le tronc et les branches passaient de l’orangé au mauve au doré au rose. Les feuilles ondulaient dans la brise, pourpres et rouges et bleues pâles. Ils étaient assis sur une gigantesque racine, émergeant du sol dans une petite clairière pour former une sorte de banc courbe. Il n’y avait pas de soleil, pas de lunes, pas d’étoiles. Seulement des sphères à la lumière douce, de diamètres variables, qui flottaient entre les troncs et les branches selon des itinéraires connus d’elles seuls. Un groupe de magicien avait tenté de les cartographier, une fois : ils avaient fini à moitié fou, convaincu que les sphères écrivaient la lente chanson du cœur d’Éternité en personne. Ils avaient tenté de le transcrire, et n’avait réussi qu’à écrire le mot « ocre » sur 1600 pages avant de s’endormir et de ne jamais se réveiller.
Stephen chercha son regard, et quand il l’accrocha, il sourit. Quelque chose apparu entre eux avec un petit plop : une bouteille de vin et deux verres, flottant dans le vide. Le bouchon sauta, et la bouteille se pencha diligemment pour leur servir à boire.
Le magicien se laissa aller un peu en arrière, se perdant doucement dans l’observation des orbes lumineux. Il n’y avait personne à l’horizon – sans ciel, sans cité, c’était un bois tranquille, suffisamment large pour que personne ne croise personne d’autre, même si tous les mystiques de la Terre s’y rendaient en même temps. Son service fait, la bouteille disparu, et Strange prit délicatement son verre. C’était un vin tout ce qu’il y avait de plus terrien. Pas de magie, pas d’étrangeté particulière ni de moisson sous les trois lunes d’une dimension quelconque. Juste un verre à boire. Le tintement clair raisonna sous les branches quand ils trinquèrent.
Son silence n’avait rien de pressant. Ce n’était pas un moyen d’extorquer des réponses, pas un moyen de forcer Cléa à lui dire ce qui n’allait pas. C’était un moyen de lui assurer qu’il serait là quand elle en aurait besoin, même si elle n’en n’avait pas besoin. Il espérait qu’elle lui parle, bien sûr : ça aurait été un sacré mensonge de dire qu’il n’était pas curieux de ce qui avait bien pu la mettre dans cet état.
Re: Moment d'accalmie entre deux catastrophes [Stephen Strange] Ven 24 Mai - 22:44
Cléa.
Un sourcil s'arque. Un coin de lèvre s'étire, puis se pince. Les petits nerfs autour de ses yeux se crispent. L'épiderme pâle de la peau de son front se froisse. Ses doigts s'agitent nerveusement. Ses narines se dilatent légèrement. Son regard s'agrandit.
L'incompréhension. L'étonnement. La tendresse. La contrariété. La crispation. Le soulagement.
Nous aimerions pouvoir présenter les choses simplement. Nous aimerions prétendre que ces expressions, que ces sentiments, se succèdent en un ballet peut-être virevoltant, ou encore comme les pages d'un livre que l'on tourne de l'index. Mais il n'en est rien. Car tous ces rictus, ces mouvements à peine perceptibles, ces ressentis, ces émotions... se manifestent en même temps en un capharnaüm visuel des plus étrange.
Elle brûle de l'intérieur. Brûle de tant de gentillesse, lui qui a été bafoué. Brûle de le voir ainsi agenouillé, lui qui ne mérite en aucune façon de se retrouver plus bas qu'un autre. Brûle de tant de pudeur, lui qui baisse les yeux pour ne pas lire dans son âme, comme il lui serait pourtant si facile de le faire.
Un voile de tristesse pare son regard clair, alors que le décor change sous la volonté implacable du Sorcier. Quand a t'il changé à ce point. Quand est-il devenu ainsi. Il l'a toujours été, plus ou moins. Ce serait mentir que de dire le contraire. Cependant... peut-être plus à cet instant qu'à n'importe quel autre. Une évidence qu'elle a peut-être oubliée, qui s'est égarée au fil du temps, des habitudes, du quotidien... s'impose. Cette évidence est qu'il y a deux Stephen. Le Stephen du reste du monde. Et le sien.
Il sait bien que quelque chose coince. Comment pourrait-il en être autrement... Il a bien compris que Cléa était en proie à de nombreux sentiments peu amènes. Il le sait, parce qu'il les sent. Et pourtant... il ne dit rien. Ne va pas plus loin. Il attend que cela vienne d'elle, ou ne vienne pas du tout, malgré la curiosité qui doit le ronger. Il se contente de... sourire. Et de lui servir un verre de vin. Oh il ne fait pas comme si de rien était. Il fait simplement passer un message. Je suis là. Je t'attends. Prends le temps qu'il te faudra.
Leurs verres s'entrechoquent. Ou, davantage, le cristal de celui de Stephen vient délicatement percuter celui de la Faltine qui n'a pour ainsi dire pas bougé un cil depuis de longues minutes.
- La Porte Rose a été ouverte pendant que tu étais avec Marc.
Elle lâche ces quelques mots d'une voix blanche, en évitant soigneusement le regard de son époux.
La Porte Rose, nommée ainsi par manque d'inspiration ou humour d'adolescente, autrement dénommée la Porte des sortilèges émotionnels interdits, fait partie des nombreuses pièces prohibées du Sanctum Sanctorum. Des portes s'ouvrant sur des espaces plus ou moins grands, dans lesquels sont entassés pèle mêle des rituels, fioles, artéfacts. Parfois répertoriés par dimension, par type ou par nature, ils ont tous une chose en commun : leur dangerosité et la nécessité d'interdire leur utilisation.
- Je pensais les avoir tous récupérés mais il en restait un.
Sa voix s'obscurcit tout autant que son humeur, alors qu'elle poursuit avec des explications les plus lacunaires possibles. Elle espère sans doute qu'il comprendra de lui même et ne posera surtout pas trop de questions. Pas de questions tout court, étant l'idéal.
- Je me suis endormie sur le sofa du petit salon. C'est sans doute à ce moment que le parchemin en a profité...
Arrive le moment qu'elle n'a pas du tout envie de lui narrer. Mais il va bien falloir en passer par là.
- Lorsque je me suis réveillée, la première personne que j'ai vue a été... Khonshu.
Si Cléa n'était pas aussi protocolaire et, à défaut de bien élevée -vue sa parenté-, aussi à cheval sur les principes, il n'aurait pas été plus surprenant que cela de la voir cracher par terre en même temps qu'elle prononce le nom du Dieu Lunaire. Car, de toutes les créatures mâles dont elle aurait pu croiser le regard à ce moment, nul doute qu'il faisait véritablement partie des pires possibilités envisageables.
A cet instant, Cléa s'enferme dans un profond mutisme. Stephen connait parfaitement le principe de fonctionnement des sortilèges qui se déclenchent sur l'instant T d'un évènement donné. Ceux qui s'activent à l'évocation d'un mot, d'un geste, d'un paysage, d'un objet ou... d'une personne. Parfois téléguidé, ce doit être quelque chose ou quelqu'un de bien particulier, mais, parfois, le déclencheur est simplement la présence en elle-même.
Les paupières de la sorcière se ferment, alors qu'elle n'a toujours pas osé tourner la tête en direction de son époux. Comme si elle implorait silencieusement qu'il ne lui demande pas de poursuivre.
Localisation : 177A Bleecker Street, Greenwhich Village, New York
Re: Moment d'accalmie entre deux catastrophes [Stephen Strange] Ven 14 Juin - 19:30
Le bois de la forêt craqua, imperceptiblement. C’était un grincement lointain, dans les branches hautes que les lumières ponctuelles n’atteignaient pas, comme si la forêt entière prenait une lourde inspiration, comme un grondement à peine audible entre les feuilles. Ou peut-être était-ce seulement le vent.
- Oh.
Stephen savait ce qu’était la Porte Rose. Il avait écrit une bonne partie des sortilèges qui en gardaient le battant, en avait commandité le reste. Certains des parchemins et des potions gardés à l’intérieur lui étaient parvenus déjà scellés par de la cire, des serrures ou même des chaînes. Le reste, il avait lui-même attaché aux étagères de l’étroite pièce. Assez soigneusement pour que, quand irrémédiablement un artefact ou deux se libérerait, les dégâts ne soient pas trop lourds. Selon toute vraisemblance, il n’avait pas été suffisamment soigneux.
Il observa Cléa un bref moment. Dans l’ombre, ses yeux étaient sombres, à peine bleus, mais brillants. Ils reflétaient la lumière mouvante de la forêt, comme une étoile dans un ciel d’encre. Il cherchait quelque chose dans son visage, dans l’inquiétude qui émanait d’elle depuis tout à l’heure. Pas nécessairement plus d’informations – il en savait assez pour combler les blancs. Quoi d'autre, alors ?
- Je suis désolé.
Les mots étaient sortis presque tout seuls, aussi naturellement qu’une expiration. Il y avait d’autres choses dans ses yeux, maintenant : de l'amour ; de la compassion ; de l’inquiétude. Et, quelque part, à peine visible sous la surface, les lents rouages du calcul simple. Stephen Strange n’était pas spécialement partisan de détruire des morceaux de magie, mais beaucoup de ses scrupules à brûler certains parchemins venaient de partir en fumée.
- Perdre le contrôle comme ça, je… je suis désolé que tu ais dû traverser une chose pareille.
La Porte Rose n’était pas scellé par simple trait d’humour ou de pudeur. La potion d’amour était surprenamment prisée du monde moderne, poussant l'un à étudier les arts mystiques, l'autre à contacter son enchanteur local. Cela lui donnait, faussement, un statut presque banal ou inoffensif dans l’esprit du chalant, qu’elle n’avait jamais vraiment mérité : son principe fondamental était celui d’un faux sentiment, distillé avec peu de scrupules et inoculé de force dans le cœur de quelqu’un qui n’éprouvait rien qui y ressemble, de près ou de loin. Et rares étaient les envoûtements assez subtils pour que la victime ne se sente pas salie et abusée, une fois les effets dissipés.
Il y eut un bref moment de silence. Strange prit une nouvelle gorgée de vin, pour rendre plus confortable le goût que laisseraient sa prochaine phrase sur sa langue.
- Comment a-t-il réagi ?
Ses mots étaient factuels, à peu ou prou. Prudents, au moins. Le sujet était sensible, et il ne tenait pas spécialement à forcer Cléa à le revivre dans tous ses détails : c’était la manière la plus délicate qu’il avait de demander les fragments du puzzle qui lui échappaient encore. Que Cléa ait été la cible d’un sortilège d’amour était déjà une mauvaise chose en choix, mais elle pouvait encore empirer selon la manière dont le dieu de la lune s’était comporté. Cachée au détour d’une phrase, brillant comme une lame accrochant brièvement la lumière de la lune depuis les ombres, une touche de menace flotta dans l'air.
Si Khonshu avait, par le plus grand hasard, manqué du minimum de décence que la situation demandait, ni divinité ni panthéon ne pourraient empêcher Stephen de décrocher la lune du ciel nocturne et de la réduire en lambeaux.
Re: Moment d'accalmie entre deux catastrophes [Stephen Strange] Lun 17 Juin - 14:48
- Tu es... désolé ?
Cléa dévisage son époux, ne dissimulant à aucun instant la surprise qui se peint sur ses traits. La culpabilité est un sentiment d'une extrême puissance. Capable de mettre à terre le plus puissant des êtres, capable d'induire des émotions qui ne sont pas pour autant justifiées. Tout cela entraîne invariablement des actes, des paroles, parfois lourds de conséquences et qui, surtout, n'ont pas forcément de raison d'être.
Chacun d'eux se sent fautif à son échelle.
Stephen ; qu'elle ait eu à vivre cela, sachant que la manipulation perverse de ses émotions n'est jamais agréable pour personne. Peut-être envisage t'il aussi une part de responsabilité, si sa culpabilité le pousse dans cette direction. Car peut-être envisage t'il que c'était à lui de s'assurer que ce genre de débordements ne survienne jamais, surtout dans le Saint des Saints.
Cléa ; un peu pour les mêmes raisons quelque part. Car, elle aussi, se sent fautive. Elle n'aurait jamais du se laisser avoir de la sorte. Elle aurait du anticiper. Sans doute a t'elle fait preuve de laxisme, sans doute aurait elle du vérifier plus soigneusement qu'aucun parchemin n'était encore en goguette, quelque part au détour d'un couloir.
Mais, indéniablement plus forts que la culpabilité, ce qui froisse l'esprit de la Faltine depuis cette sinistre histoire, c'est son égo et son orgueil. S'être ainsi laisser berner par un pauvre sortilège, aussi machiavélique et interdit puisse t'il être, blesse son égo de Sorcière Suprême. Et quant à l'attitude qu'elle a eu en suivant avec Khonshu... c'est son orgueil de Faltine et d'épouse qui accuse le choc.
- Tu n'as aucune raison de l'être. Je me suis faite avoir bêtement, quand ça n'aurait jamais du arriver. C'est plutôt à moi de te présenter des excuses. Dit-elle en accrochant vraiment son regard depuis le début de leurs retrouvailles.
Jusqu'à présent, Cléa évitait soigneusement de regarder son époux dans les yeux, ou de se laisser tenter de plonger dans son regard. La honte qu'engendrait la situation était bien trop forte pour cela. Et si ce point précis ne s'est pas vraiment arrangé avec les minutes qui défilent, qu'il s'excuse semble être assez puissant, provoquer suffisamment de remous en elle, pour qu'elle passe au-dessus de ses appréhensions.
Un silence flotte doucement dans l'air. Comme les prémices de la tempête qui pourrait subvenir. Un calme apparent, que brisent finalement quelques mots, une question.
La sorcière à la chevelure de neige toise son époux d'un regard où brille une certaine perplexité. Non pas qu'elle hésite sur quoi lui dire, quoi lui répondre ou comment dédouaner ou enfoncer Khonshu d'une manière où d'une autre, bien qu'il pourra peut-être l'interpréter de la sorte. C'est surtout... que c'est véritablement la première fois qu'ils sont dans pareille situation. Et, fatalement, cela ouvre des perspectives, notamment celles qui ne s'étaient jamais manifestées jusqu'à présent, et des facettes de lui qu'elle découvre ignorer.
Précisément, dans ce cas là... la jalousie.
Cléa, lors des différentes recherches et études qu'elle a mené sur les peuples de la Terre, quand elle avait plus ou moins élu domicile sur cette planète la première fois, s'était notamment renseignée sur les Mutants. D'après ce qu'elle avait appris de cette nouvelle race humaine aux capacités hors normes, l'un d'entre eux serait capable d'influencer la météo. On disait de cette "Tornade", si ses souvenirs sont exacts, que ses émotions sont en mesure de contaminer les conditions climatiques de l'endroit où elle se trouve. Si elle est triste, les nuages s'amoncèleraient et il se mettrait à pleuvoir. Si elle est en colère, un typhon serait capable de menacer la zone.
Cela lui revient en mémoire alors qu'elle sent un phénomène similaire flotter tout autour de son époux en ce moment même, et jusqu'à suinter de son aura. Bien sûr, Stephen n'est pas en train de rendre le climat des lieux insupportable. Non... Il se charge. Doucement, comme la menace qui plane et ne sait encore vraiment si elle va s'abattre ou non, mais qui se prépare dans l'attente du verdict.
De son verdict.
Car Cléa, bien que cette situation précise lui soit totalement étrangère, malgré les années de vie commune qu'ils partagent, en a la certitude absolue. Il suffirait d'un mot. D'un seul. Une parole et elle met le feu aux poudres.
Il suffirait qu'elle ne fasse ne serait-ce que sous entendre que Khonshu avait eu un seul geste déplacé à son égard. Elle le perçoit, elle le ressent très fortement. Il suffirait d'une toute petite chose, une toute petite étincelle... pour que Stephen se drape dans une froideur de marbre et que ce même marbre, fort et dense, ne percute le Dieu Lunaire sans la moindre clémence.
Cléa se targue de n'avoir besoin de personne pour se défendre. Même si cela n'est pas tout à fait vrai, si l'on en juge par le nombre de fois où Stephen l'a sauvée des griffes de son charmant oncle ou de sa tout aussi délicieuse mère. Mais, quoi qu'il en soit, la sorcière est suffisamment fière pour ne pas envoyer quelqu'un d'autre laver son linge sale ou gérer ses problèmes.
Cependant... que n'importe quelle créature féminine, qu'elle soit humaine, mutante, Faltine ou qui que se soit d'autre, qui a déjà été profondément amoureuse au moins une fois dans sa vie lui jette la première pierre. Car... il faut tout de même reconnaitre que de voir ainsi Stephen prêt à affronter un Dieu pour laver l'honneur de sa bien-aimée, ajouter à cela ce petit côté protecteur avec un soupçon de possessivité... tend à électriser la situation présente, et foncièrement en bien.
- Khonshu n'a pas eu un geste ou un mot plus haut que l'autre, sois rassuré sur ce point.
Ce qui est vrai et en même temps... faux. Car la mémoire de Cléa est, hélas, limpide sur les évènements qui se sont déroulés ce jour là. Les sentiments dégagés par l'Astre Lunaire égyptien étaient très ambigus. Sa retenue était réelle et sincère. Mais... Cléa a comme dans l'idée que cela a été principalement du à la cause, plus qu'aux faits. Khonshu a très vite compris que quelque chose clochait, que l'attitude de la sorcière n'avait rien de normal, ni de naturel. Cependant... ce jour a mis en lumière un élément qui est devenu de l'ordre du constat. Ce Dieu là... malgré son sale caractère, son tempérament de fourbe et ses mensonges... a un cruel et redoutable besoin d'être aimé.
Si les choses n'avaient pas été celles-là. Si aucun sort n'était venu entraver le naturel de la situation du moment. Il est possible... que la fin aurait été bien différente. Mais... cela... Stephen n'a surtout pas besoin de le savoir.
Comme si sa simple question venait de retirer un poids de plusieurs tonnes de la poitrine de Cléa, cette dernière brise la distance, faible mais réelle qu'il y a entre eux, et enroule ses bras autour des épaules de son mari en le dévisageant d'un air qui ne présage rien de bon pour la pudeur du paysage et des êtres cachés qui les environnent.
- Je pensais te connaitre par coeur. Il semblerait que j'en découvre encore aujourd'hui. Commence t'elle, un sourire nettement plus serein étirant le coin de ses lèvres.
Sa joue se pose contre la sienne alors qu'elle souffle langoureusement dans son oreille, d'un air qui ne cache pas son amusement, voire une certaine once d'espièglerie.
- Tu vas te battre en duel contre Khonshu pour laver mon honneur...? C'est tellement...
La respiration de la Faltine se bloque inconsciemment au creux de ses poumons, avant qu'elle ne finisse par achever sa phrase en une longue expiration.
- ...Sorcier Suprême. Lâche t'elle en déposant un baiser à la base de son cou, un sourire se dessinant sur ses lèvres en contact avec sa peau.
Localisation : 177A Bleecker Street, Greenwhich Village, New York
Re: Moment d'accalmie entre deux catastrophes [Stephen Strange] Mar 25 Juin - 19:34
Chons n’était pas mauvais. Pas autant que Strange l’avait cru, pas même autant que ce que le dieu lunaire pensait de lui-même. Il avait démontré, à répétition, être plus valeureux et honorable que la créature d’ombres et d’os dont il portait le masque, et c’était une qualité qu’il fallait humblement lui reconnaître. Pour autant, Stephen Strange ne se serait jamais pardonné s’il avait minimisé ce qu’il lisait dans les yeux de Cléa : si sa femme avait été blessée, de quelque façon que ce soit, même l’homme le plus honorable du monde n’aurait pu échapper à la colère du magicien s’il se fut révélé coupable. Le docteur était donc heureux, sur ce point, de devoir concéder à Konshu des qualités morales.
- Tu savais déjà que je suis un homme plein de surprise, même si j’en garde une ou deux dans ma manche.
Un sourire fleurit doucement sur ses lèvres, alors que Cléa déposait un baiser dans son cou. Doucement, il lui prit le menton pour lui faire lever la tête. Une lumière passante accrocha ses yeux bleus, ses cheveux d'argent. Vishanti tout-puissant, ce qu’elle était belle.
- Ton amour vaut toutes les étoiles du firmament, la lune et le soleil. S’il faut que je les affronte un à un, soit.
Sa voix était à peine plus qu’un murmure. Il se pencha et l’embrassa doucement, du bout des lèvres, comme pour savourer l’instant. Comme pour lui faire goûter ce qu’il venait de dire, les mots dont la saveur flottait encore sur sa langue. Stephen Strange était amoureux - terriblement, terriblement amoureux. C’était une flamme délicate et vive, qui brûlait quelque part dans sa poitrine, qui venait mordiller ses lèvres, celles de Cléa. Un feu stable, et ravageur, et puissant, qui ne s’éteindrait pas. S’il fallait livrer duel avec tous les monstres de la Création pour le préserver, soit. S’il fallait simplement embrasser sa femme pour lui assurer que cette flamme brûlait toujours, pour lui en faire sentir la chaleur et les étincelles, pour lui montrer que cette lumière ne la quitterait pas, soit. C’était un amour qui était tour à tour torche dans la nuit, foyer dans le froid et incendie face aux loups. C’était un amour qu’il n’échangerait pour rien au monde. Stephen bougea, et le monde bascula alors qu’il entraînait Cléa au sol, dans l’herbe de cette forêt qui n’était qu’à eux.
Ils avaient, après tout, quelques surprises à explorer.