[Boulder, Colorado, US] Quelque part à plusieurs milliers de kilomètres de son propre cœur...

La nuit tombait sur la ville et l'atmosphère était comme ouatée au moment où Danielle s'était mise au volant de son vieux pick-up fatigué.

La radio programmée sur une station un peu rétro, elle fredonna quelques instants un air un peu ringard, un peu désuet...

Cela faisait quelques mois déjà qu'elle se demandait bien ce qu'elle devenait. Sa vie trépidante appartenait maintenant au passé. Rangés les souvenirs mutants, au grenier costumes et trophées ! Même Aile d'Argent avait fini par prendre son envol, quelque part au-delà du cercle de pins sycomores...

Sa jeunesse foutait le camp.

Envolés les amis, au lointain les Douglas, les Roberto, les Samuel et Rhane et Illyana...

Juste une jeune femme célibataire qui essayait de mettre un pied devant l'autre, un jour après l'autre.

Elle gara le pick-up devant son garage. La flemme de l'ouvrir. La flemme de faire quoi que ce soit. Il ne faisait pas encore très froid mais ses mains étaient gercées.

Elle marqua une pause. Regardant devant elle. Son avenir. Direct. Descendre. Un pied puis l'autre. Ouvrir le coffre et prendre les courses. La clé dans la serrure. La lumière. Poser les sacs. Retirer ses chaussures et ranger les courses. Préparer à manger. La télé. Au lit. Debout. Des gestes répétitifs. Encore et encore. Le lit. La télé. Le lit. Encore et encore...

... et soudain on se lève et on a l'impression que sa vie a défilé sans qu'on ait eu le temps de dire ouf ! Une vie vécue comme si on l'avait rêvée.

Dani remarqua qu'elle était toujours dans son pick-up. Elle poussa un grand soupir. Et ouvrit la portière...

Les kilomètres défilent.
L'asphalte avale le temps aussi sûrement que la gomme des pneus.
La moto roule depuis plusieurs heures déjà. Le soleil a eu le temps de briller, de décliner et de commencer à disparaître à l'horizon. Le grondement du moteur et les vibrations aident à moins penser. C'est agréable, plus que se retourner le cerveau en conjectures inutiles.

Mine de rien, cela fait longtemps que Jimmy Hudson n'a pas eu un pur moment de calme comme ça, depuis... ce qui s'est passé. Avec la Terre-1610. Avec sa mémoire défaillante. Avec l'arrivée douloureuse de cette espèce de cyborg messie 2.0. Alors, il profite, même s'il ne connaît pas réellement le chemin qu'il doit prendre jusqu'à son objectif.

Au loin, les Flatirons se colorent des mille couleurs du crépuscule. Et à leurs pieds de géants, la très éduquée Boulder, Colorado fait de même. Le mutant se gare alors sur le bas-côté pour observer, pour juger, moteur laissé ronronnant. Ouïe, odorat et vue se focalisent totalement sur la lointaine bourgade, à la recherche de quelque chose, quoi que ce soit qui pourrait justifier un détour. Mais, si ce n'est une sensation de menace persistante à l'arrière de sa nuque, rien de rien. Alors, jetant un œil à sa jauge de carburant dont le besoin d'essence se fait sentir, Jimmy repart, droit vers le siège du comté.

Dans l'ombre des bois alentours, des ombres se déplacent dans le plus total silence. Camouflées, elles avancent à grande vitesse entre les arbres, avec le calme du chasseur; chaque seconde voit l'avance de leur proie inconsciente se rétrécir, la traque se rapprocher de son terme.


Boulder n'est pas une grande ville.
Si cela conviendrait parfaitement à Jimmy en temps normal, là, ça pose souci.
En ce début de soirée, et dans ce quartier, rares sont les gens à se promener dans les rues.
Rares sont ceux qui acceptent d'adresser la parole à un inconnu en moto. Ca sent les mêmes vieilles habitudes craintives que partout ailleurs, quand on s'éloigne des grandes mégapoles.
Et encore plus rares sont ceux qui connaissent le lieu qu'il recherche. Pour ne pas dire personne, même si ce serait effectivement bien plus correct.

Après une énième tentative infructueuse laissant un goût amer dans la bouche du jeune homme, ce dernier vient arrêter son véhicule à hauteur d'un garage devant lequel un vieux pick-up défraichi s'est arrêté. Une jeune femme, à l'odeur... étrangement familière... en sort, ravivant une lueur d'espoir chez Jimmy.
Contact coupé.
Pied à terre.
Posture tranquille.
Capuche baissée.
Il agite doucement la main.

- Salut.


D'ordinaire pas tellement bûcheron hirsute, il n'a pas trop eu le temps de se remettre à neuf depuis le Canada. Tout juste a-t-il trouvé des vêtements propres dans les sacoches de sa moto. Et encore, c'est ce qu'on appelle une vraie chance. Mais même comme ça, mal fagoté, pas rasé et blond, la ressemblance est vraiment frappante.
Le regard.
L'animalité.
La coupe, aussi.
Il ne manquerait plus qu'un cigare, peut-être ?

- Vous pourriez m'indiquer la route du... hum... du domaine Worthington ? J'ai pas le nom exact.

Dani dévisagea l'homme et se figea instantanément. Était-ce... un clochard, un rodeur, un violeur ?

Elle ouvrit la porte de son pick-up et descendit pour le toiser et lui montrer qu'elle n'avait pas peur.

Pas d'arme sur elle, elle avait la flemme (et ça faisait trop longtemps qu'elle ne s'était pas amusée à cela) de faire apparaître sa lance et puis...

... elle devait connaître une bonne demi-douzaine de prises permettant de se débarrasser du type s'il se révélait être menaçant.

Dani remarqua la moto et se dit que le type n'était donc pas un clochard. Mais alors que voulait-il ?

Campée solidement sur ses deux pieds, elle lança :

"Salut"

C'était glacial parce que - bon - elle comprenait pas trop ce que l'inconnu fichait là, devant chez elle...

"Le domaine Worthington ?"

Elle observa à nouveau, longuement, le type hirsute devant elle.

"Wolverine ?"

Mais c'était pas lui, il était bien trop jeune. Et blond. D'où Wolverine pouvait-il être blond ?

Ses souvenirs fichaient le camp. Elle se détendit et tenta d'y voir plus clair.

"C'est quoi, ça, le domaine Worthington ?"

Bien sur c'était le nom d'Angel mais une propriété lui appartenant, ça ne faisait pas tilt dans sa tête... Le seul endroit où elle avait posé ses affaires de mutante, dans sa vie, ça avait été chez Xavier, du côté de New-York.

"Et pourquoi tu t'es arrêté chez moi, hein ? Justement chez moi..."

Elle paraissait agressive mais elle l'était pas. Juste tourneboulée en sa mémoire.

"Je... J'ai du mal à me souvenir de tout... On se connait ?"

Puis, soudainement, elle leva les yeux au ciel. Il y avait un truc, là haut, une présence animale, trop grosse pour être un oiseau, qui venait - vers eux...

"Je... Je crois qu'on va avoir de la visite. Si tu veux entrer..." lança-t-elle, d'une voix étonnamment calme et apaisée.

Elle tourna le dos à l'inconnu barbu pour aller ouvrir la porte.

"Tu peux prendre les courses qui sont à l'arrière, ça m'économisera un voyage..."

Elle entra, alluma la lumière, fit valdinguer ses bottines d'un coup de talon un peu gauche et alla sortir des bières du frigo. Si ce qu'elle sentait en elle était exact, ils seraient bientôt plusieurs.

Dani fouilla sa poche, également, et en sortit un trousseau de clé.

"Tu pourras aussi être un amour et ouvrir le garage. Je pense que notre invité, quel qu'il soit, aura quelque chose à y ranger assez rapidement..."

Trois bières fraiches. Des petites chips. Il n'y avait plus qu'à attendre tout le monde pour causer.

Dans quel pétrin Jimmy vient-il encore de se fourrer ?
Parmi les cent mille habitants de Boulder, il est bien sûr obligé de tomber sur la seule personne qui connaît dans les moindres détails le visage de... de l'autre Wolverine. Pas Akihiro. Pas Laura. Celui de Logan. Le premier. Un fauteur de troubles, comme toute sa "famille", cela dit. Pas étonnant qu'on connaisse sa trogne.

Les poings du jeune homme se serrent sur les poignées de sa moto. Sous la fine peau entre les jointures trépignent les griffes d'adamantium organique, prêtes à jaillir à la moindre menace. Pendant de longues secondes, Jimmy se tait.
Il écoute.
Il attend.
Prêt à bondir.
Toute envie de retrouver Angel's Aerie s'est évaporée.

Et lorsque enfin l'inconnue finit, qu'elle annonce qu'il va y avoir de la visite, il gronde.
Gravement.
Un piège, évidemment.
Immédiatement, Jimmy met pied à terre, et hésite à lentement faire glisser ses griffes hors de leurs fourreaux de chair. Il n'a pas envie de se battre. Pas là, pas maintenant, pas comme ça. Mais si la situation ne lui offre pas d'échappatoire, il n'hésitera pas une seule seconde.

- Hrrrrrrm.

C'est alors que la jeune femme... se met à lui tourner le dos.
Elle rejoint tout simplement la porte de sa maison.
En se mettant en position de faiblesse.
Soit parce qu'elle maîtrise, et c'est très inquiétant.
Soit parce qu'elle se soumet à la situation.
Situation difficile à saisir pour quelqu'un qui ne sait même pas à qui il a affaire.
Et le calme dans sa voix ne permet pas de trancher entre les deux.
Jimmy soupire, laisse ses griffes là où elles sont, pour finalement s'assoir en amazone sur le siège de sa moto. Et renifler. Et écouter.

SNFF SNFF

Mille effluves et fumets l'atteignent alors.
L'odeur étouffée de produits alimentaires cellophanés, presque dissimulée par le bitume, le monoxyde de carbone et les pneus.
Le bruit subtil d'un battement d'ailes, au dessus d'eux. De grandes ailes. Etrange.
Le goût intense de la vérité émanant de la jeune femme. D'une forme de tranquillité retrouvée, également.
Le son parfait de gouttes de condensation roulant à toute allure sur... du verre, alors qu'il attend toujours dehors durant les premiers préparatifs de Danielle.

Ca ne peut vouloir dire qu'une chose
Des bières.
Bigre.
Que voilà un argument décisif.

- Ok.

Alors il accepte.
Il gare son véhicule dans l'allée devant la façade, face à la route, et s'empare des courses laissées dans le coffre. Qu'il ferme un peu fort d'ailleurs, une fois les sachets en main. Quelques pas plus tard, et le voilà à l'entrée d'une demeure simple, dévoré par la curiosité. Et frappé par l'improbabilité de ce qui se passe.
Qui est cette jeune femme ?
Est-ce une héroïne ? Ou une criminelle ?
Une lunatique, vu son comportement: les pieds sur terre et la tête dans les étoiles ?
Et surtout, qui risquent-ils de voir débouler pour que l'ouverture du garage soit une telle nécessité ?
Silencieusement toutefois,, prêt à réagir à tout instant, Jimmy s'acquitte de ses missions. Une fois celles-ci effectuée, il va retrouver son hôte inattendue dans le salon, les mains dans les poches de sa veste kaki.
Là, il va se poster entre deux sièges, debout, bras croisés.
Pour y réaliser qu'il ne s'est pas encore présenté.


- Hrrrrm... moi, c'est Jimmy.

Plus sobre, tu meurs.
Mais ça a au moins le mérite de poser un nom sur ce visage barbu.

Elle alla se poser sur le canapé, sa bière à la main, en tailleur, attendant tout simplement que la créature ailée se pose dans son garage.

"Jimmy" avait fait tout ce qu'elle lui avait demandé. Il s'était crispé, dans un premier temps, flairant le coup fourré mais avait vite réalisé... qu'elle ne lui voulait aucun mal, comme elle, elle avait compris qu'il en était de même pour lui.

D'ailleurs, cela faisait bien longtemps qu'elle ne voulait plus grand chose à qui que ce soit. Depuis... Mais, non, tout s'embrouillait encore dans son esprit.

Elle demeura silencieuse et ne se présenta même pas, dans l'attente de l'arrivée du cavalier qui venait de déposer sa monture dans une drôle d'écurie qui ne comportait malheureusement ni foin, ni paille.

Quand elle vit la main gantée, l'armure métallique, elle pensa... Valkyrie. Elle en était une même si elle se donnait l'impression d'être la vilaine petite cane de la bande. Qui disait Valkyrie, disait bordel asgardien à régler. Disait combat singulier avec la faucheuse pour éviter que des gens ne meurent. Disait prise de tête conséquente.

Mais non, un gars. En armure. Et même pas un Asgardien.

"Ouais, le Chevalier Noir, je connais... Je serai pas capable de te dire si on s'est déjà rencontrés mais ma mémoire c'est un peu comme jeunesse... elle fout le camp"

De la main tenant sa bouteille de bière, elle désigna tour à tour la troisième bouteille - celle qui attendait Dane - puis son autre invité.

"Lui, c'est Jimmy. Jimmy, c'est le Chevalier Noir. M'est avis qu'on est tous membres de la même famille, plus ou moins"

Puis, enfin, pour Jimmy, elle précisa :

"Appelle-moi, Dani. Quand je me déguisais, on m'appelait aussi Mirage. J'ai fait partie des Bébés X-Men, comme j'aimais pas qu'on les appelle à l'époque. Puis, j'ai grandi, fait des choses, de ci, de là, et... me voilà"

Résumé en quelques secondes et deux gorgées de son existence. De Boulder à Boulder en passant par l'espace, le temps, l'esprit du fils dérangé de Xavier, les limbes et Asgard. Comme un gigantesque et vertigineux tour sur elle-même. Sa vie était une boule de flipper lancée dans l'espace qui avait fini par la ramener à la maison...

... mais était-ce encore bien sa véritable maison ?

Elle posa sa bière puis détendit ses jambes. Elle toisa les deux hommes puis reprit :

"OK, Dane. Tu voulais parler de quoi ? Et... Jimmy... je ne crois pas dans les coïncidences, du coup, si t'es là, c'est pour une bonne raison. Tu me la dit ?"

(HJ/ Suite à l’annonce de Jimmy/Thunderstrike, je “PNJise” Jimmy pour l’évacuer. /HJ)

« Hrm. »

Jimmy grogne.
Danielle Moonstar s’adresse directement à lui – mais l’autre est là ; l’autre, oui.
Un autre. Un autre type. En armure.
Qui sent… qui dit être un héros ; un super-héros.

Jimmy ne vient pas d’ici, mais… il en a connu ; quelques-uns.
Ça ne lui a rien amené de bien.

« Je… plus tard. »

Sa voix est lourde, caverneuse. Pas encore aussi habitée que celle de son père…
Mais ça viendra.

Tout comme les cheveux.
Le fils se rapproche du père… même si le fils n’apprécie guère cela.

« J’attendrais… que vous ayez fini. Dehors.
Merci. »

Jimmy lève légèrement sa bière – et s’évapore, rapidement.
Il quitte le salon. Il quitte la maison.
Et va se réfugier… dehors. Dans le froid, presque la neige ; dans l’isolement et le silence.

Là où il est bien. Au moins un peu.

« … ha. »

Dane Whitman a suivi sans cela sans rien dire – surpris, évidemment.
Il laisse Jimmy sortir, puis désigne la porte du pouce, en s’adressant directement à Dani.

« C’est… on est d’accords que c’est soit un mauvais cosplay, soit la preuve que le Griffu du Canada a définitivement bien trop de secrets, nan ? »

Un léger sourire glisse sur son visage.
Pas sa meilleure blague, mais… bon, ça peut le faire. Au moins un peu.

« Bon… allons-y, oui. »

Dane s’approche, et enlève lentement son casque, qu’il pose sur un meuble à proximité. Il passe sa main gantée dans ses cheveux mi-longs, et reprend.
D’une voix lente et calme.

« Je… ne saurais pas dire si on s’est vraiment rencontrés non plus, en fait. Sûrement dans l’un de ces gros bordels où il faut sauver l’Univers – ou se taper dessus. Ou les deux.
Toi-même-tu-sais, comme on dit, hein. »

Il hausse les épaules. Il n’est pas dupe de la folie des super-héros ; il sait que cela n’a que peu de sens.
Mais… cela permet au moins de sauver des vies. Et c’est ça l’important.

« Et… ouais, allons droit au but.
Je… ne sais pas si tu sais, mais… bon. C’est pas facile à dire.
Ouais. Bon. Voilà.
Thor… est mort. »

Il souffle, et détourne le regard. Le dire est douloureux.
Ils étaient… alliés ; proches.
Ils se sont battus ensemble… et ça laisse des traces.

« Thor est mort, parce que… Loki l’a tué. Loki était armé d’une… Nécrolame, une saloperie d’épée cosmique – et consciente. Et maléfique. »

Il ne peut empêcher son regard de glisser vers sa propre épée.
Elle aussi consciente.
Elle aussi maléfique.

« La Nécrolame a possédé Loki… et des Avengers se sont rassemblés pour le repousser. Bref.
Thor est mort.
Et… et Asgard bat un peu le rappel, en fait. Des… de tous ceux proches de Thor ; et d’Asgard.
Pour… un hommage. »

Dane croise les bras, et esquisse un sourire timide.

« Bon… je suppose que tu vois où je veux en venir, non ? »

Il se doute que l’expérience Valkyrie n’est pas la meilleure qui soit. Il se doute que Dani Moonstar s’est réfugiée ici pour tout fuir – X-Men autant qu’Asgard.
Il se doute ; mais… il doit faire ça. Il le doit.
A Asgard.
… et aussi à Thor.

"Wolverine est papa, ce sont des choses qui arrivent... et plus rien ne m'étonne..."

Où était passée la jeune fille aventureuse qu'elle avait été ? A bondir dans les montagnes, à s'élancer à travers les limbes, le temps et l'espace avec Illyana ? A nager avec les piranhas et à vivre d'extraordinaires aventures avec les Nouveaux Mutants ?

Ou plutôt si... elle savait où elle était passée. Doug avait été tué d'une balle. L'aventure asgardienne avait tourné court. Les amis éternels s'étaient dispersés, éloignés et même Rahne... elle ne la reconnaissait plus.

Au fond, on était toute seule. Toujours toute seule.

Elle poussa un long soupir et commenta simplement :

"J'ai l'impression que ma mémoire a été réécrite comme si le Beyonder était revenu parmi nous. Tu te souviens, le Beyonder ? Ca, c'était un bordel monstre comme on n'en fait plus..."

Posant un regard vide au fond de sa bouteille, elle soupira une fois de plus. Et encaissa. La nouvelle. De la mort du Dieu du Tonnerre.

Un Dieu ça pouvait mourir ? Elle en savait fichtre rien et... ne perçut que la détresse dans la voix de Dane. Un truc qu'elle pouvait piger facilement.

"Eh ben... je crois que je peux difficilement me défiler... Je n'ai pas été la meilleure valkyrie qui soit mais..."

Sa main tremblait légèrement. Pas de la peur mais un soupçon... d'excitation ? Un truc qui rappelait à Dani sa folle jeunesse, quand rien ne lui faisait peur et qu'elle avait sauvé ce drôle de cheval ailé...

"... même si je n'ai été valkyrie que par erreur, ça ne veut pas dire que je n'ai pas conscience de mes devoirs et..."

Elle se leva et fit face à Dane.

"C'est officiel comment comme cérémonie ? Il faut que je ressorte l'armure et tout le toutim ?"

En fait, Dani n'attendait que le feu vert de Dane pour siffler Aile d'Argent et décoller vers un horizon gorgé d'aventures...

Danielle regarda ses pieds, à l'évocation du Beyonder un frisson parcourut son échine... mauvais souvenirs tout cela, souvenirs d'une mort - la sienne - injuste et arbitraire et une résurrection toute aussi cruelle...

Pendant plusieurs mois elle avait perdu tout élan vital et ne s'en était tirée, d'ailleurs, qu'avec l'aide de Thor.

Elle lâcha, de manière un peu abrupte et absurde :

"Tu te souviens quand Thor avait été transformé en grenouille ?"

Puis, elle leva sa bière, pour porter un toast :

"A Thor, qui m'a sauvé la vie, même quand il n'était qu'une toute petite grenouille..."

Dane allait certainement penser qu'elle était ivre ou aliénée mais... elle ne faisait qu'énoncer la stricte vérité...

... car quand elle n'était qu'une épave vidée de toute espérance en l'avenir, Thor lui était apparu sous cette forme grotesque dans laquelle il avait été fait prisonnier ; il avait trouvé les mots pour lui permettre d'exister à nouveau et c'était ce qui lui avait permis de résister de ne pas tomber entre les griffes de la Reine Blanche et de s'en sortir toute seule, contrairement à ses camarades...

Dani posa la bouteille dorénavant vide puis, sans ajouter mot, fila dans sa chambre, laissant Dane en plan. Le Chevalier Noir qui avait été laissé en plan, derrière une porte fermée, pouvait entendre que la jeune femme ouvrait une armoire, semblait traîner un truc lourd. Faisait du remue-ménage. Le tout pendant de longues minutes.

Avant que la porte ne soit à nouveau ouverte et révèle : Dani en costume des Nouveaux-Mutants, avec ses bottes d'indiennes en peau tannée, sa ceinture témoignage de l'artisanat cheyenne mais également ses pièces d'armures asgardienne : le casque ailé, les épaulettes métalliques.

Une valkyrie-cheyenne-mutante, le tout réuni dans le corps d'une jeune femme américaine de notre temps.

Une identité multiple et fracturée entre plusieurs origines.

En somme, Dani Moonstar.

Elle ferma les yeux, se concentra quelques instants et...

... sourit à Dane :

"Voilà, d'ici quelques minutes mon taxi ailé va se manifester. Et nous pourrons y aller... à moins que cela ne soit trop rapide pour toi ?"

L'idée de chevaucher Aile Argenté dans les cieux et au-delà des dimensions la faisait frissonner d'excitation. Comme quand on enfilait une paire de vieilles chaussures que l'on avait tant aimée...

S'élançant dans les airs avec Aile d'Argent, Dani se rendit compte d'à quel point... tout cela lui avait manqué !

Alors, oui, pas forcément le fait d'être la valkyrie qui voit planer la mort au dessus de ses camarades, ou la mutante qui - par excès de confiance - s'en veut toujours de la mort de Douglas Ramsey, ou la jeune cheyenne rebelle qui ne voulait rien entendre qui concerne de près ou de loin l'homme blanc...

Mais elle. Pour être elle, il fallait qu'elle soit tout cela à la fois. Et bien plus. Et volant bien au-dessus de la ville, aux côtés du Chevalier Noir, elle comprit que...

... mutante, scientifique, grenouille, héros, dieu, valkyrie, vengeur...

... tout cela n'était que des étiquettes.

Aujourd'hui elle était elle. Voilà.

Elle se prit à sourire comme la première fois qu'elle avait rencontré sa monture, prisonnière d'infâmes fils barbelés qui l'avaient rendue captive et endolorie. Comment, elle avait spontanément aidé en Asgard ce cheval, ignorant bien quel tournant sa vie allait prendre à cause de tout cela...

Asgard, Thor... elle y retournait pour lui, par-delà le Bifrost, à l'endroit où avec les Nouveaux Mutants elle avait vécu d'extraordinaires aventures... tombera-t-elle sur le beau prince des loups qui avait charmé Rhane ? Et cette dernière, se souvient-elle seulement de lui ?

Revenant un peu à la réalité, elle lança à Dane :

"Il y a des risques que Loki vienne gâcher la cérémonie ? Ou l'Enchanteresse ? Je n'ai pas que des bons souvenirs de ces deux là..."

... ni d'Héla, d'ailleurs. Et elle redoutait - à vrai dire - d'être confrontée à ses soeurs...

- Hrm.


Assis sur le bord de sa moto, Jimmy profite du calme de la zone résidentielle alentour. Le bruissement des feuilles. Le souffle de l'air. L'odeur de bitume chaud. Les gaz d'échappement. Les murmures lointains du centre-ville. Tout est vif, tout est fort, et cela le perturbe un peu. Boulder n'est pas une petite cité, mais à l'échelle des mégalopoles américaines les plus démentes, elle fait figure de grain de poussière. Et pourtant, cela lui semble déjà un peu trop, comme si ses sens n'étaient plus tellement habitués à tant d'activité... Ces longues semaines dans le grand nord canadien, avec comme seuls compagnons le crissement de la neige fraîche et les craquement du bois des conifères n'y est pas étranger. Mais cela reviendra, il le sait.

Ce à quoi il ne s'habituera jamais, en revanche, c'est la magie.
Des chevaux ailés galopant dans les cieux... des ponts arc-en-ciel menant à d'autres mondes que le plus imaginatif des humains ne saurait concevoir... des guerriers légendaires dont les exploits retentissent jusqu'aux tréfonds de l'éternité... cela l'étonne toujours, cela l'amuse, cela l'inquiète aussi, car cela signifie que l'impossible n'existe pas, et qu'il faut toujours s'attendre à tout.

Jimmy lève les yeux, et contemple le départ épique de Dane Whitman et Dani Moonstar, direction... impossible à dire. Ailleurs, en tous cas, car ils ne reparaissent pas une fois les lumières célestes atténuées, disparues.
Une mauvaise piste, donc.
Peut-être vaudrait-il mieux continuer ce long voyage vers la côte est, et cette adresse qu'il tient de Jean Grey même, lorsqu'ils se sont côtoyés il y a plusieurs mois de ça, au sein des jeunes premiers X-Men, déplacés temporellement. 1407 Graymalkin Lane, Salem Center. L'Institut Xavier. Un lieu de paix pour les Mutants. Une école, surtout. Car où peut-on trouver des réponses à ses questions si ce n'est dans une école ?

Alors d'un mouvement né d'une longue pratique, Jimmy enfourche sa moto, et avec un dernier petit regard vers l'ouverture dans le ciel par laquelle Mirage et le Chevalier Noir sont passés, met les gaz direction le comté de Westchester, son passé et son avenir.

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