Jersey City, parfois appelée le sixième arrondissement de la ville de New York.
Le vide-ordures de New York serait plus exact pour des raisons entre autres juridictionnelles.
Par ici fuient les vilains, prospèrent les avocats et souffrent les honnêtes gens dans l'ombre des tours de Manhattan.
Par ici la sortie, dit-on parmi les super-vilains et les courtiers immobiliers.
Par ici, survivent de moins en moins bien les communautés de plus faible extraction, pris en tenaille entre inflation et insécurité.
C'est plus particulièrement vrai dans le quartier de Greenville, que peine à tenir le JCPD.
A Greenville, le crime paie les factures et les communautés les plus endurcies protègent les leurs.
Les modèles positifs y sont rares, et c'est le cas de Miss Marvel qui n'y fraie que rarement.
Aujourd'hui, Kamala a suivi son frère Aamir, qui venu jouer les discrets Cyrano dans le quartier.
Elle se doutait qu'un truc bizarre allait de pair avec ses déplacements ces derniers temps.
Il avait l'air heureux, surtout, un peu plus que les airs pieux d'imbécile heureux qu'il se donne d'ordinaire.
L'indiscrète Miss Marvel aurait été contente pour son frère aîné qu'il envisage le bonheur avec une fille, si elle n'avait pu à l'occasion constater le grabuge incroyable qui s'intensifiait dans les rues de Greenville ces jours-ci.
Par réflexe, elle s'était emparée de son téléphone et, honteuse de sa démarche indiscrète, n'avait pas contacté son meilleur ami Bruno.
Elle n'avait pas appelé à l'aide Captain Marvel, une personnalité publique qu'elle adorait, mais finalement... Spider-Man, un justicier masqué honni par la presse dont elle savait pourtant qu'il avait un grand cœur... et le fait qu'il soit masqué le rendait paradoxalement moins clivant dans des coins où les ethnies étaient cause de différends réglés à coups de batte.
Kamala avait contacté Spidey, oui.
Après avoir chaperonné discrètement le retour de son frère à la maison - était-il seulement inquiet de ces événements ou trop enamouré pour ne serait-ce que réaliser le danger pour sa Vénus afro-américaine et les siens - Miss Marvel avait attendu, comme le Tisseur le lui avait suggéré.
Elle avait pu voir de ses yeux - non sans se prendre quelques quand sa petite taille ne suffît à la dissimuler - la violence qui agitait Greenville, là.
Ses acteurs étaient nombreux ; mais il y avait des agents un peu plus influents que d'autres.
Deux vilains qu'elle reconnut comme un pseudo-Black Panther et un membre des Démolisseurs (un groupe ennemi de Thor et des Vengeurs, rien de moins) fichaient le boxon et attiraient les foudres de la police, notamment représentée par des escadres de mercenaires assermentés au visage couvert par un masque de métal.
Mais d'autres souffraient de la situation.
Des gens se faisaient lyncher, des groupes s'attaquaient entre eux, et certaines personnes commençaient à faire monter la température sur divers pâtés de maisons de Greenville.
Certains en profitaient pour piller ou se venger de leurs moindres frustrations.
Tous étaient en danger, même si c'était plus évident dans les coins les plus chauds nul n'était réellement à l'abri d'un débordement.
Face à ça, Kamala serait prête à admettre combien elle est dépassée.
Si elle n'était pas la jeune émule de la cabocharde Captain Marvel.
Alors, prendre de la hauteur, oui, mais pas pour ne rien faire.
Alors elle se rend à l'hôtel de police de la ville, proche de sa maison de Grove Street.
En costume, pour demander des comptes ; chacun sait que Miss Marvel est une citoyenne de Jersey City, bien que son identité demeure en effet un secret bien gardé.
Dans les meilleurs jours, la police respecte secrètement son engagement, ce qu'elle leur rend en passant outre le besoin de sortir masquée la nuit pour pallier à leurs lacunes.
"Bon sang, mais qu'est-ce qu'il se passe à Greenville ?!"Kamala ouvre les portes battantes comme si c'était son salon.
Masquée, elle est méconnaissable hormis en tant que Miss Marvel.
Et on la reconnaît en effet, comme telle.
"Miss Marvel, reculez de six pieds ou vous serez considérée comme hostile !"Avoir un air interdit, pour ne pas dire ahuri, est une activité qui prend beaucoup de temps.
Assez pour avoir empêché la brave émule de Carol Danvers de saisir les implications derrière ce ton de menace.
"Mais... Qu'est-ce que... ?!"Plusieurs agents s'avancent pour essayer de la maintenir et la faire reculer, d'abord à mains nues et sans forcer.
La voix d'un homme, probablement lui-même papa d'enfants d'environ son âge, tente de l'apaiser en se justifiant.
"C'est aussi pour ta protection, p'tite...
Même nous, on a peur, et nos familles... N'entre pas là-dedans."Cependant une certaine tension commence à se faire sentir.
Et... un reflet sur le canon d'un flingue.
Un policier trop nerveux pour garder la sécurité activée ?
Du coin de l’œil, Kamala aperçoit la chaleur saisir l'arme tandis que se déclenche l'instrument de mort.
Mais devant elle, elle finit par voir, par réaliser...
... Trop tard, peut-être...
... Les tenues HAZMAT et de démineurs portées sur-site par plusieurs membres des services.
L'alerte à la bombe a été donnée plus tôt, et Kamala trop occupée à se passer en boucle son impuissance n'a même pas eu la lucidité de voir les mouvements, ici curieux, ici apeuré, jusque dans sa rue.
Peut-être, effectivement, aurait-elle dû se laisser le temps de prendre de la hauteur.