Broken Arrow

" Venez à New York, qu'ils disaient ... " ruminait la chatte noire, " ... Il y a des héros partout, il y a les Avengers, la ville est sûre qu'ils disaient ! "

Elle ruminait, oui, quelque part à 300 mètres de hauteur, sur les grandes baies vitrées de la Tour Stark. Il fallait dire qu'elle avait bien gagné le droit de le faire, à force de l'escalader avec à chaque fois toujours plus d'ennuis à la clé !


Une demi-heure auparavant

" Bien reçu Centurion 5, coordonnées reçues, Caracal en route. ETA : 30 minutes. " le mercenaire casqué et cagoulé raccrocha la radio alors que le SUV démarrait sous les habiles coups de volant de son collègue, et il se retourna vers Felicia Hardy, " Pas d'inquiétudes Madame, vous serez à la Tour Stark en un rien de temps ... "

Avoir une armée privée avait ses avantages, il fallait bien le dire. Les mercenaires de Taskmaster étaient autrement plus expérimentés que les simples crétins mafieux qu'elle avait récupéré au long du chemin. Ils avaient bien fière allure, aussi : avec sa bouteille de champagne, ses sièges chauffants, tous les écrans et la paire de véhicules qui la suivait et ouvrait le chemin, ça lui donnait des airs de cheffe d'état. Ou alors de dictatrice.

Ou de patronne de multinationale lambda partie signer un contrat en Afrique, parce que c'est comme ça que ça se passait, non ?

Oui, ça avait du panache, et elle était à peu près sûre que Mysterio envierait sa position, juste par le potentiel cinématographique d'une telle armada ... Oui, rien que ça, c'était grisant.

" Vous savez, je m'inquiète pas vraiment. Je me demandais surtout pourquoi on pouvait pas juste utiliser le GPS " rétorqua la cambrioleuse/nouvelle reine de la nuit/ennemie publique numéro un sur un ton ironique, " ... ou juste en suivant les panneaux et en regardant le "Stark" énorme sur le bâtiment. Enfin, je sais pas, c'est vous les pros. "

" C'est le protocole, madame. On devait s'assurer de la sécurisation de l'itinéraire. " répondit le copilote avec un professionnalisme confondant, " Avec votre notoriété, c'est un processus lent et compliqué, madame. "

" Ah. "

Oui, il fallait saluer le professionnalisme, quand même. Elle pouvait leur sortir toutes les saillies les plus abominables, ils restaient d'une composition parfaite et ne dérogeaient jamais à leur poste. On pouvait en reprocher, des trucs, à Taskmaster, mais certainement pas la qualité du service rendu.

Il avait reçu son cinq étoiles sur le Yelp des organisations mercenaires interdites par l'ONU, le Taskmaster, et par rien de moins que Felicia Hardy ! Il avait réussi à la faire tenir en vie sans qu'elle n'ait à se cacher dans une cave au fin fond du New Jersey et sans même que la police ne vienne toquer à sa porte ... Et pourtant, il fallait voir les conneries qu'elle avait faite, la Hardy !

Des messages bourrés à Hulk et Tony Stark. Rien que ça. V'là le niveau !

Enfin, même dans l'adversité, ça lui avait permis de sécuriser un ... "deal" avec cette tête de nœud de Stark.

Bon, il était autant dans la merde qu'elle.

Il fallait dire qu'un petit coup de griffe de Black Cat n'avait pas aidé. Toutes les crapules du monde à ses trousses ... Tout l'arsenal juridique du gouvernement américain à celles de Stark.

Il y avait eu un terrain d'entente à trouver. Et Black Cat faisait donc la route avec un attaché caisse vers le Tour Stark pour sceller un accord mutuellement profitable... Dans la catégorie "survie".

"Survie", un truc assez fragile, pour tout dire.

Ce que vint très vite lui rappeler une explosion sur la route, devant son convoi. Attaqué à peine le pont de Brooklyn franchi ! C'était malin !

" Code Argent ! Code Argent ! Caracal est attaquée ! Dispatchez des renforts vers Reade et Lafayette ! " lança distinctement le copilote dans la radio en ôtant la sûreté de sa carabine et en se retournant vers son employeuse, " Suivez-moi Madame, nous allons vous mettre en sûreté, on va devoir s'assurer que la zone est sécurisée avant de pouvoir repartir ! "

De son côté, le chauffeur ouvrit la porte à la volée, son arme à la main, et se joignit à ses petits camarades pour canarder dans tous les sens - mais avec des rafales courtes et contrôlées, s'il-vous-plaît ! -. Cela dura quelques secondes à peine, le temps pour Black Cat de finir sa flûte cul sec, mais le chauffeur s'effondra sur place. Non sans prendre le soin de retapisser le tableau de bord en rouge et rose, malgré son casque.

Il allait falloir "s'assurer que la zone était sécurisée", hein ?

" Sans blague ? " riposta une Felicia désabusée, en lâchant sa flûte pour s'emparer de la mallette.

Ça gueulait, dehors, entre les pétarades, alors que Felicia se laissait entraîner par l'expertise des mercenaires qui évoluaient dans ce chaos urbain comme des employés de bureau à la sortie du métro, ou des vieilles filles au rayon lingerie fine en période de soldes, c'est-à-dire avec efficacité et précision. Il fallait dire que les zones de guerre, ça devait les connaître ... Et que Manhattan était plus souvent prise dans ce genre de fâcheux embouteillages plus souvent qu'elle ne connaissait de grèves des éboueurs, alors bon, il y avait un flegme dans le caractère des citadins locaux qui rendait l'opération plus aisé ! Pas de badauds pour récupérer les balles perdues, ici ! On se contentait de se poser sur les toits pour capturer le meilleur angle en vue d'espérer taper le million de vues sur TikTok ... Mais même ça, c'était compromis, vu qu'il fallait compter sur la concurrence de la dernière évasion d'Electro ou de la dernière course folle du Rhino, à côté. Une simple fusillade entre groupuscules paramilitaires ? C'était d'un ennui !

Et pourtant, ça beuglait, ça oui ! Et même dans des langues gutturales et bien martiales !

" Attendez, c'est pas du Symkarien ? " qu'interrogea Black Cat à l'adresse de son garde du corps.

Garde du corps qui confirma ses soupçons :

" Code Argent Madame, pour Silver Sable. Les hostiles font partie de Sable International. "

" Ah ben oui, c'est clair ... Code Argent " soupira la cambrioleuse reconvertie, " Je suis cruche moi, des fois ... "

Garde du corps qui n'eût même pas le loisir de réagir, puisqu'il s'effondra contre le capot d'une Toyota Camry encore sous tension, abandonnée dans le trafic par un conducteur vraisemblablement plus concerné par sa vie que par son automobile - Et qui aurait pu le blâmer ? -

De tout ce qu'elle venait de vivre, la Black Cat encore un peu sous l'emprise de la boisson ne sursauta qu'à ce moment, surprise par le décès inattendu de son ange gardien. C'était con, elle l'aimait bien, lui, avec son professionnalisme imperturbable !

Elle n'était pas au bout de ses peines, car une figure en tenue de combat blanche intégrale sauta sur le capot

" Обичам касуле ! Особено с наденички от Монбелиард ! " lui intima-t-elle avec vigueur et un gros fusil crépitant, " Обичам касуле ! "

" Oui, je sais. Moi aussi, moi aussi... " se contenta-t-elle de répondre, les mains levées sans vraiment montrer d'entrain à la reddition.

Le Symkarien beugla quelque chose derrière lui en agitant sa main libre.

Et puis il s'effondra à son tour, mort. Décidément, c'était une manie contagieuse ! Les moustiques étaient sacrément teigneux pour l'automne frisquet qui avait débuté !

" S.H.I.E.L.D. ! Tout le monde face contre terre ! Felicia Hardy, vous êtes en état d'arrestation ! "

Ça, c'était précisément ce que Black Cat voulait éviter. Pas vraiment l'impasse mexicaine entre les hommes de Taskmaster, de Silver Sable et du S.H.I.E.L.D. ...

Mais surtout ce que le S.H.I.E.L.D. lui voulait. Rien de bien.

Alors elle prit les choses en mains et s’éclipsa dans une contre-allée, déchirant sa robe au passage pour dévoiler sa tenue ...


De retour dans le présent, devant les appartements de Tony Stark :


Black Cat venait finalement d'arriver.

Pas par le lobby, pas vraiment à l'heure, pas vraiment dans une tenue adaptée à des négociation diplomatiques.

Mais Black Cat était arrivée.

Et elle avait sensiblement envie de rentrer, comme pouvait en témoigner son tambourinage légèrement alcoolisé contre la véranda. Et la mallette à ses pieds.

" J'ai légèrement le S.H.I.E.L.D. et la Symkarie au cul, là ! Alors si on pouvait se magner, ça m'arrangerait ! "

" Ah non, je suis sûre que je suis pas enceinte Tonio, mais je t'en veux pas, vu tes valises sous les yeux, ça doit être la fatigue ... Et tu blanchis de la barbe d'ailleurs. Fais attention, tu risques de devenir mon genre en dépit de ton humour. "

Elle était entrée. Elle savait qu'il lui faisait une fleur. Elle savait aussi qu'il allait évidemment se vautrer dans cet abominable sentiment de supériorité propre aux têtes à claques avec beaucoup trop de zéros dans le portefeuille.

Felicia les connaissait. Felicia les côtoyait ... Mais Tony Stark devait être le pire. De loin.

Oui, c'était la situation présente qui devait parler. Ce qui était dommage, elle l'avait presque bien aimé. Et elle l'avait aidé plus d'une fois mais ... hé.

Une chasse à l'homme internationale, ça pouvait vous rendre peu réconciliables.

" Enfin ... Je suis heureuse pour toi, tu t'es trouvé une copine, et c'est une araignée ! Je t'enverrais ta carte de membre au club : tu vas faire des envieux, elle offre des super-réductions dans tous les magasins coquins de Manhattan et du Queens !

... Même si je doute que ça soit aussi drôle quand tu y vas avec quelqu'un qui sait de quoi il retourne ... "

Elle le regarde se servir son café, s'asseoir, balancer ses traits d'esprits. Rien n'y fait, ils tapent à peu près aussi juste que les siens. Aussi convaincants. C'est-à-dire pas du tout.

Dehors, un hélicoptère du S.H.I.E.L.D. s'aligne même sur la baie vitrée.


Oh, ils ne feraient rien. Pas pour l'instant. Pas sans mandat direct, pas dans la Tour Stark... Mais c'était comme s'ils étaient venus juste pour rajouter un peu de discordance à leur concert de quolibets déjà désaccordé.

Quelques minutes, hein ?

Elle avait tout un speech de préparé. Ou au moins une déclaration ... Mais il fallait se rendre à l'évidence, on était dans le fonctionnel, dans l'efficace. Il n'était plus question de style, de panache ou de rivalité flamboyante.

Tony l'avait souligné, mais ils devaient avoir à peu près aussi mauvaise mine l'un que l'autre. Ils étaient fatigués, ils étaient las. Ils voulaient que ça se termine.

Parfait.

" Non non, Tony-chou. C'est pas une offre, c'est un constat : Tout le monde veut me tuer, et tout le monde veut couler ta boîte. Si ça tenait qu'à moi, tout ça serait réglé depuis longtemps, mais j'ai pas vraiment les outils pour.

Alors ... voilà : "

Elle dégaina la mallette pour la poser sur la table, ouverte face au milliardaire, le baignant dans un pale halo bleuté.

" Les signatures électroniques de tous les dossiers relatifs à tous les super-héros. Tous les "gentils". Tous tes copains. Ainsi que tout ce qui tourne autour ... Et ça inclut aussi tes casseroles, et toutes celles qui poursuivent tes filiales et tes avocats ... Et tous mes dossiers aussi, évidemment.

C'est la pièce du puzzle qui te manquait.

Tu injectes ça dans tes joyeux algorithmes, et pouf, dans moins d'une heure, on est de retour à l'avant-Guerre Civile. Des années d'état policier et de surveillance de masse balancées à la poubelle de manière définitive. Pour tout le monde.

Le S.H.I.E.L.D., les criminels, moi, les autres. Plus personne n'aura accès à ces informations.

Et plus personne ne pourra venir nous chercher là-dessus. "

Un constat, oui. Car c'était ça, ou l'escalade et la destruction comme seule autre perspective. C'était presque poétique dans sa simplicité, d'offrir à l'artisan du plus gros boxon du monde des collants un moyen de faire machine arrière mais ... c'était nécessaire.

Ça tape dur ; de tous les côtés.

Déjà, le S.H.I.E.L.D. et les mercenaires mettent clairement les moyens pour retrouver et appréhender Black Cat.
Mais, hé, c’est le jeu ; et c’était le souhait de Tony.

Mais, aussi, le même Stark y va fort avec Felicia – qui réplique de la même façon, en évoquant la Guerre Civile.
Ça pique. Ça fait grimacer.
… mais ça ne relève pas ; pour cette fois-ci.

« Mmh. »

Un léger sourire glisse sur le visage de l’inventeur alors que, par gestes lents, étudiés, il dépose son café – et s’empare, dans sa veste, d’un objet étonnant.
Des lunettes… de soleil.
Qu’il arbore soudain avec un style particulièrement détaché ; dévergondé.


« Oh, ma chère, chère, chère Felicia… dont la vie vaut bien, bien, bien cher, en effet. Je comprends ! J’entends ! Je vois !
L’embarras dans lequel tu es ; je t’ai mis.
Où… l’on s’est mis tous les deux, au fond. Va, je te comprends, oui ! Va… je te pardonne, ma belle !
Et oui, même si je vais certainement payer pour cette remarque sexiste – je l’admets. Je ne saurais résister à une belle aux yeux et pattes de velours. »

Un ricanement cynique accompagne ses mots.

« Trêve de plaisanterie et de beaux discours. Je prends.
Je prends l’offre. Je prends le deal.
C’est d’accord.
Je récupère les données me concernant, concernant mes proches… et toi. Et le reste. Okay.
Je prends. »

Avec des gestes étudiés, prudents, Tony s’empare de la mallette. Son bracelet rouge et or, à son poignet, se déploie – et vient se greffer à celle-ci.
Les nano-machines s’enclenchent. L’effet est immédiat.

C’est bon. L’information est confirmée.

« Mmh. Formidable. »

Il acquiesce, puis glisse la tablette derrière lui ; loin des mains de Felicia.
Au cas où.

« Quant à… ma part… de l’accord… »

Il prend une grande inspiration – puis glisse, de l’index, ses lunettes sur son visage ; devant ses yeux.
Ses paupières battent, soudain. Et les lunettes, reliées également à son esprit, s’activent… et lancent des ordres.
Rapides ; définitifs.

« … et voilà. La prime est levée. Plus personne ne payera pour t’avoir – et, plus encore, quiconque continuera sera poursuivi par mes avocats, et par d’autres mercenaires. Une prime inférieure est lancée, envers quiconque oserait t’embêter.
Sur cette base, en tout cas. »

Il sourit, puis se tourne vers la fenêtre – et se détourne de Felicia.

« Hey, les supers agents du S.H.I.E.L.D. ! Ouais, ça va ? »

Il abandonne complètement Black Cat, pour se poster devant la vitre – et confronter directement l’hélicoptère, et les agents à l’intérieur.


« Ceci est une propriété privée ; dont je vous refuse l’accès. Mes relations avec vos supérieurs sont tendues – mais Maria Hill confirme que je ne suis plus recherché.
Je suis désormais un citoyen comme un autre ; et vous n’avez pas mandat pour être ici.
Oust, alors !
Sinon… je suivrais mes droits constitutionnels, et je me défendrais. Avec les forces que j’ai… à disposition. »

Des hologrammes apparaissent derrière lui – ses armures. Beaucoup d’armures.
Vraiment beaucoup d’armures.

Le message, ainsi, est clair.

Après quelques instants, pour faire le lien avec leur hiérarchie, les agents du S.H.I.E.L.D. s’en vont – et une porte discrète s’ouvre, à proximité de Felicia.
Dans un mouvement ample, Tony se retourne vers elle, en enlevant ses lunettes ; et en souriant, avec son fameux air canaille.


« File. Ne me fais pas regretter – ni l’accord, ni le p’tit bonus que tu vas recevoir dans tes mails. Tu as tout à construire, pour l’avoir… mais, au moins, tu as les plans ; de la base.
Aucune arme. Aucune structure offensive. Juste ce qu’il faut, pour te défendre.
J’te dois bien ça… mais pas plus ! »

Felicia, en pleine fuite, peut certainement s’interroger sur ce discours surprenant – et ses messages électroniques la renseigneront.
Elle a reçu un élément. Des plans, oui.

Des plans… d’une armure.

Elle doit entièrement la construire, la forger ; la monter.
Et cette armure n’a aucune arme, uniquement des éléments défensifs ; basiques.
Mais… quand même.

Tony Stark offre l’opportunité à Black Cat d’avoir une armure… à terme.
Et elle est libre. Et elle n’a plus d’Epée de Damoclès.
C’est déjà ça. C’est déjà beaucoup.

Et, pour Tony… c’est bien. C’est fini. Il a réglé le problème ; qu’il a causé lui-même.
C’est fini, et c’est bien. Enfin !

(HJ/ Merci pour ta réponse ! Merci également pour avoir enclenché cette étonnante saga, qui nous a échappée mais a quand même livré de sacrés moments. /HJ)