A Man of the Claw [Cyclope - Jimmy]

Hell's Kitchen.

L'un des - nombreux - quartiers mal famés de New York, de ceux dont on dit qu'il ne sort jamais rien de bon. Où l'espoir n'est rien de plus qu'une fleur poussant difficilement au milieu de l'asphalte et menace chaque jour de se faire écraser. Un endroit où il ne fait pas bon vivre. L'on pourrait croire que le nombre de super-héros habitant à New York et plus particulièrement dans ses environs auraient suffi à le rendre plus habitable, mais c'est le phénomène inverse qui semble avoir lieu. Plus il y en a, pires sont les choses ; de là à dire que c'est lié...

Mais ce n'est pas pour émettre ce genre de théorie que Scott est ici ce jour, même si creuser le sujet une autre fois ne lui déplairait pas forcément. Mais pour le moment, il est surtout pressé de quitter les lieux avant que le terme de « coupe-gorge » - qu'il serait facile de leur prêter - ne prenne tout son sens. Ce qui, toutefois, ne l'empêchera pas de remplir sa mission comme il l'a toujours fait, si peu glorieuse soit-elle cette fois. Si faire partie des X-Men l'a habitué à porter secours aux enfants perdus, il est plus rare que ceux-ci fassent tout pour ne pas être retrouvés.

▬ Excusez-moi, demande-t-il, arrêtant un passant pour la huitième fois en une heure - il n'y a pas grand monde dans les rues, et tous ne sont pas prêts à se laisser aborder. Depuis le bracelet qu'il porte au poignet, il projette une image holographique, récupérée parmi les dernières qu'ont pu enregistrer les caméras de l'institut avant sa destruction. Est-ce que vous connaissez cet homme ?


Il est mutant, comme eux. Comme eux, il a dû entendre l'appel ; Jean s'en est assurée. Personne dans le monde - pas un des leurs - n'a dû pouvoir l'ignorer. Alors pourquoi n'est-il pas sur Krakoa ? Si, pour des raisons qui leur sont propres, certains ont choisi de ne pas rejoindre leur nouveau pays, son cas est particulier. Il semblait, après tout, se sentir concerné par la survie de leur race lorsque Cassandra Nova a attaqué - et la familiarité de ses pouvoirs n'a pas manqué d'attirer leur attention.

Hélas, à peine le combat achevé, il avait disparu sans laisser de traces, suggérant qu'il ne voulait en effet pas être interrogé. Et si frustrant que ce soit, ils avaient respecté sa décision.
Mais les choses ont changé, depuis.
Non seulement l'attention qu'a porté sur eux la naissance d'une nation n'est pas que positive, mais leurs nouveaux projets suscitent aussi certaines tensions. Laisser certains des leurs dans la nature et sans protection pourrait s'avérer dangereux - et surtout ceux qui semblent liés à des membres historiques des X-Men.
Quant à savoir si c'est le cas ou non, c'est l'occasion ou jamais de le vérifier.

Et la raison pour laquelle Cyclope se retrouve à errer dans la Cuisine de l'Enfer, c'est parce que c'est ici qu'ils l'ont perçu pour la dernière fois - même si Cerebro s'est montré remarquablement peu précis dans ses recherches. Non seulement le peu de données obtenu à son sujet n'a été que difficilement extirpé de la carcasse de sa précédente itération, mais en plus quelque chose semble interférer avec les tentatives de le localiser - comme si cela sortait du cadre de sa programmation. Pour autant qu'il sache, ce n'était encore jamais arrivé. Une question de plus sur la liste.

Ainsi donc s'échine-t-il à interroger les piétons qui acceptent de lui accorder quelques minutes de leur temps - ou même ne serait-ce que quelques secondes.


En tenue civile, il tâche d'être discret, mais ce n'est pas utile : les disparitions - et les recherches qui s'ensuivent - sont monnaie courante dans le quartier, trop pour que les gens daignent encore s'en étonner. On se contente de lui répondre par la négative, de hausser un sourcil face à sa technologie pour qui n'en a encore jamais vu de telle, d'y adjoindre une formule de politesse pour les mieux éduqués, et de reprendre sa route - d'aller s'abriter le plus vite et le plus loin possible de ce voisinage maudit.

▬ Excusez-moi, se lance-t-il à nouveau alors qu'un homme d'âge mûr passe à sa portée, rentrant sans doute chez lui, non sans avoir d'abord soupiré et rajusté sa casquette. Est-ce que par hasard...

Bis repetita, ad nauseam.

Une nausée que Jimmy Hudson pourrait percevoir si Cyclope n'avait pas été un de ces grands stoïques pour qui le devoir et la loyauté comptent plus que tout.

De retour à Hell's Kitchen après une de ses désormais habituelles rondes de défense des rues, dans l'esprit de ce qu'un Moon Knight, exemple tout à fait prix au hasard, pourrait accomplir, le jeune mutant ne désire qu'une seule chose: une bonne grosse douche. Grincheux, endolori, ses vêtements abimés par les coups et le sang, et le dos de la main droite rougi par une force supérieure, il met un pied devant l'autre presque machinalement, sous les yeux encore suspicieux des locaux terrés derrière leurs rideaux miteux. Le regard dans le vide, les sens endormis par la fumée d'un paquet de cigarettes de qualité médiocre, son attention perd en précision.

Assez pour ne pas remarquer une odeur différente parmi mille autres, mais pas assez pour ne plus écouter l'irritant mélange d'encouragements, de percées d'orgueil et de saintes colères de l'étrange faucon tantôt juché sur son épaule, tantôt sur tous les perchoirs à sa portée. Cette envahissante présence télépathique pourrait bien le rendre fou, à force de clamer haut et fort tout ce qu'elle pense.


Oh ça oui. Le petit gang de toxicos qu'il vient d'expulser manu militari ne risque pas de revenir. Coupures, ecchymoses et régénération surpuissante ont servi d'avertissement. Définitif pour ces ordures, mais temporaire pour le prochain groupe qui viendra prendre leur place.
Pour autant, aucune réponse directe ne passe les lèvres du jeune mutant. Ni dans le monde matériel, ni dans le monde des esprits. Car un obstacle impérieux vient faire s'arrêter Jimmy Hudson sur sa route. Ni douche, ni repos dans le pied-à-terre qu'il partage avec Cable ne lui seront accordés ce jour, apparemment.
Enfin, après quelques secondes d'analyse de la situation, de sa bouche ne sort qu'un discret:

- Hé merde.

Un homme à la solide carrure semble bien occupé à diffuser une image via une technologie peu commune dans le quartier. Et cette image, holographique, ressemble drôlement à la figure que le jeune griffu voit à chaque fois qu'il se reluque dans un miroir. On le cherche. On le veut. Et ce on, il le reconnaît. Pas grâce à sa tenue ou à ses traits, tant passe-partout que dissimulés dans la semi-pénombre du lieu. Grâce à l'odeur, ô combien spécifique, de l'énergie sous ses paupières. Cyclope, le chef des X-Men, un des mutants les plus connus de la planète.

Il n'a pas la moindre idée de ce qu'on peut lui vouloir. Et comme il n'est pas du genre curieux, sa prochaine action est déjà toute définie. Et ça, Horus le sent d'office. Ce qui le hérisse complètement, alors qu'il se pose sur l'épaule de son élu.


- Bon courage pour m'en empêcher, le piaf.

Un battement d'ailes l'ébouriffe, signe de l'envol du faucon. Maintenant perché sur un néon, l'oiseau observe la suite des événements, passablement froissé par les manques de respect qu'il subit à répétition depuis le retour d'Egypte.
Tant pour s'éviter une désagréable discussion qu'un interrogatoire sur le fils Summers, Jimmy rabat vivement une capuche sur sa tête, pivote pour s'éloigner à allure raisonnable le long du trottoir, avant de tenter de disparaître dans une ruelle perpendiculaire, une des nombreuses qui compose le dédale infernal de Hell's Kitchen.

Malgré le peu de succès de son entreprise, Cyclope persiste. Il y a toujours quelqu'un qui a vu quelque chose ; il suffit d'avoir la persévérance d'insister jusqu'à trouver la bonne personne... Ce qui, hélas, peut parfois prendre un bon moment. Cependant, il est chanceux en cela qu'il n'aura pas à attendre aussi longtemps.
Le fin observateur qu'il est observe cette partie de New York -et les allées et venues qui s'y font - depuis des heures ; il lui est facile de faire la différence entre ceux qui ne font que passer et les gens qui ont quelque chose à cacher. L'étrange personne qu'il vient de voir se cacher sous sa capuche tombe immédiatement dans la deuxième catégorie, même avant qu'il puisse y regarder de plus près.
Et si ses yeux disparaissent derrière les verres teintés, l'on peut néanmoins deviner l'éclair de compréhension qui passe dans son regard.

▬ Hé, petit ! Attends !

Mais avant qu'il ait pu déterminer depuis quand il appelle qui que ce soit de cette façon, l'intéressé est déjà en train de s'éloigner d'un pas un peu trop pressé, ne l'ayant de toute évidence pas entendu - ou s'évertuant à le faire croire. S'élançant tout de même dans sa direction, Cyclope rechigna cependant à se mettre à courir. S'il ne fait pas bon se faire remarquer pour un mutant, c'est encore moins le cas dans un pareil coupe-gorge. Sans doute compte-t-il là-dessus pour le semer - ne pas lui laisser la chance de l'interroger. Mais probablement n'a-t-il pas lui-même prévu de se heurter à un autre obstacle en empruntant la ruelle la plus proche dans l'espoir de le distancer ; un obstacle haut d'un mètre soixante, particulièrement velu et drapé dans un costume jaune et bleu.


▬ Tu vas quelque part, gamin ? l'interpelle ainsi Wolverine de sa voix grave, ayant préféré l'uniforme à un accoutrement plus passe-partout. Et aussi compact soit-il, il ne fait aucun doute que l'avoir en travers de son chemin vaut plus que n'importe quel mur de béton. Il hume l'air, fermement campé sur ses deux jambes - et ce qu'il y sent paraît ne faire que le rendre plus hargneux encore.

Dans les quelques secondes qu'il faut au fugitif pour réfléchir à la meilleure manière de se sortir de ce guêpier, Cyclope les rejoint - et lui bloque ainsi la seule autre sortie que pouvait possiblement avoir ce boyau exigu. Néanmoins conscient que Logan représente déjà un potentiel d'agression bien assez grand sans son aide, il se contente pour sa part de lever des mains vides pour montrer patte blanche, au sens littéral du terme.

▬ On ne te veut aucun mal. déclare-t-il en tout premier lieu. Les mutants ont beaucoup trop l'habitude d'être chassés, que ce soit par haine ou par jeu ; si rien ne l'oblige à le croire, au moins aura-t-il essayé de partir du bon pied, autant que faire se peut. Innocentes, évidemment. Nous sommes là pour discuter.
▬ Je te conseille de collaborer. renchérit Logan sitôt après. Avant que je sois tenté de vérifier à quel point tu me ressembles vraiment.

Et alors que ses griffes sortent de ses poings dans un bruit pour le moins caractéristique, il n'est pas difficile de savoir ce qu'il entend par là. Que ce môme soit ou non le fruit de ses entrailles ne l'empêcherait pas de déverser les siennes sur le pavé s'il l'y obligeait ; au moins seraient-ils rapidement fixés sur ce qu'il est vraiment capable de faire. Enlevant sa casquette pour révéler son identité, s'il en était encore besoin, Scott passe une main dans ses cheveux.

▬ Tu nous as aidé la dernière fois, reprend-t-il, non sans se faire la remarque que Logan et lui sont en train d'adopter une dynamique « gentil flic, méchant flic » sans même l'avoir cherché. Sans doute devrait-il s'estimer heureux qu'il lui arrive encore d'être du bon côté. Nous n'avons aucune raison d'en avoir après toi. Son regard croise celui de son compère, qui grogne pour toute réponse. Accorde-nous quelques minutes. Le temps d'élucider quelques questions. Après ça, si ce que nous avons à dire ne te plait pas, nous n'insisterons pas.

Ostensiblement mécontent, Wolverine croise les bras, mais parait se ranger à sa décision ; parait étant ici le mot à retenir. C'est déjà plus que ce qu'il veut bien lui donner en temps normal, aussi Cyclope s'en contentera-t-il. Se faisant avenant, autant que sa personnalité le lui permet, il tend une main dans la direction du concerné, espérant qu'il accepte de s'en saisir.

▬ Qu'est-ce que tu en penses ?

- T'es sûr de vouloir le découvrir, vieil homme ?

Echaudé par le traquenard, Jimmy mobilise tous ses sens pour trouver une issue à cette situation. Pas de bouche d'égout, des murs trop alambiqués pour tenter l'escalade, pas de fenêtres à portée... parmi toutes les allées de Hell's Kitchen, il fallait tomber sur celle-ci, simple corridor bouché d'un côté par le légendaire Cyclope... et de l'autre par quelqu'un qui hérisse immédiatement le jeune mutant. Soudainement moins disposé à discuter, il regarde droit dans les yeux son presque paternel, et laisse doucement sortir ses six griffes dans un chuintement aux étonnantes similarités, celui d'un fourreau de chair s'ouvrant sur des lames d'adamantium.



Malgré une tentative peu concluante de se la jouer bon flic, Scott Summers ne parvient pas à calmer le jeu, pas assez pour apaiser sa cible en tous cas. Hudson, crispé, énervé, presque en colère, garde bien à distance le mur d'un mètre soixante de chair et de métal qui lui fait face, conscient de ce qui pourrait se passer s'ils en venaient au corps-à-corps. Et pourtant, malgré cette impression, sans doute due à Hells Kitchen, A vrai dire, ni Cyclope ni Wolverine ne lui ont encore rien fait, mais la simple sensation d'impuissance, couplée à l'étrange impression d'être face à un miroir déformant suffisent à le perturber, suffisent à lui faire voir du mal là où il n'y en pas forcément.

- Grrrrrr !

L'affrontement approche avec certitude. Une certaine tension dans l'air électrise le jeune homme, dont les poings s'ouvrent et se ferment déjà à intervalles réguliers, comme pour délasser des phalanges meurtries. Il se prépare, il s'apprête à frapper en premier avant de fuir, avant de mettre le plus de distance entre ce coin paumé et lui. Un plan, mal foutu, mal fagoté naît dans les méandres de son cerveau, qui n'entend au final qu'une seule chose.

Un battement d'ailes.

Au dessus de lui, sur un néon, un faucon égyptien se pose, serein, majestueux. Ses yeux perçants dévisagent chaque visage, chaque crispation, chaque influence, comme si cela avait de l'importance pour lui. Et peut-être que cela en a. De longues secondes passent dans un silence relatif, finalement brisé par le bruit caractéristiques des griffes glissant à nouveau entre les phalanges.


Moins agité, plus prompt à écouter, Jimmy inspire, soupire et hoche doucement la tête. Rien n'a été dit, mais tout a été dit. Ses muscles se relâchent, tout comme le reste, alors qu'il rabat d'un mouvement simple les bords de sa veste.

- Hrm... ok.

Ses yeux d'un bleu très chaud, presque autant que la flamme qui brûle dans son cœur, dévisagent l'un après l'autre Logan et Scott, désormais plus renfermé qu'agressif. Avec une lenteur toute calculée, il se déplace vers un petit muret pour s'y assoir, histoire d'avoir bien en vue ses deux interlocuteurs.

- Vous me voulez quoi ?

▬ Laisse-moi t'apprendre une bonne chose... grogne Wolverine en s'approchant d'un air menaçant.
▬ LOGAN, STOP !

L'intéressé se fige et détourne les yeux de sa progéniture pour regarder son chef d'équipe. Pendant un instant, personne ne dit rien et l'air vibre de violence potentielle... Avant qu'il ne rétracte ses griffes et se redresse, quittant la posture d'attaque qu'il avait commencé à adopter. À contrecœur, mais il le fait, et le connaissant, c'est déjà beaucoup lui demander. Sans être au beau fixe, leurs relations sont meilleures qu'elles l'ont souvent été, assez pour qu'il prête attention à son plaidoyer. Au moins pour cette fois.

▬ 'faudra pas venir te plaindre quand il t'aura poignardé dans le dos... De toute évidence, personne n'a appris à ce gosse les bonnes manières.

À défaut de mieux, il crache au sol pour exprimer sa frustration ; la ruelle dans laquelle ils se tiennent n'est de toute façon pas à ça près.
De son côté, Scott est plutôt d'avis qu'aucun test ADN n'est nécessaire pour prouver la parenté, qu'importe les dimensions, mais se garde de tout commentaire.
Et alors que son comparse se recule pour aller se poster à l'entrée de la ruelle en grommelant, il se détend finalement à son tour.
Logan n'est pas exactement le partenaire idéal pour une mission à tendance diplomatique, mais sur le moment, ses talents de traqueurs avaient paru nécessaire à son bon déroulement - surtout pour retrouver la trace de quelqu'un qui fonctionne comme lui.
Or, il réalise maintenant n'avoir réussi qu'à se retrouver coincé avec deux fois plus de Wolverine que d'ordinaire, alors qu'en supporter un n'est déjà pas facile tous les jours.
Il soupire.

▬ Désolé si nous t'avons perturbé, ce n'était pas notre intention.
▬ Tu parles, ouais... maugrée Logan depuis son poste d'observation à quelques mètres de là, les bras croisés. Je t'en foutrai, moi, des perturbations...

Scott préfère ne pas en tenir compte et continue, se voulant rassurant tant dans sa façon de parler que dans son langage corporel. Ses mots sont choisis avec attention, son timbre de voix d'un calme absolu. Ce n'est pas la première fois qu'il doit gérer un jeune mutant effaré ; ce n'est sûrement pas la dernière.

▬ Tu dois déjà le savoir, mais nous sommes des mutants, tout comme toi. Nous sommes... Ou plutôt étions... Les X-Men. Tu as peut-être entendu parler de nous. Nous essayons d'aider les jeunes mutants qui pourraient avoir besoin d'aide, que ce soit pour apprendre à contrôler leurs pouvoirs ou... Il jette un rapide coup d'oeil autour de lui, contemplant une fois de plus toute la misère dans laquelle était plongée ce quartier de New York. ...Trouver un endroit où loger. Même si, en ce qui concerne tes dons... Son attention se dirige cette fois vers les mains de son interlocuteur. ...Tu as l'air de savoir à quoi t'en tenir. Pour ne rien te cacher, ça aussi, ça nous intrigue... Je pense que tu sais pourquoi. Alors pour commencer, est-ce que tu pourrais nous dire d'où tu viens ?

À l'autre bout de la ruelle, Logan relève subtilement la tête, plus intéressé qu'il n'y parait par le fin mot de cette histoire. Comment ne pas l'être ? Scott est bien placé pour le savoir : ce n'est pas tous les jours qu'on retrouve un membre de sa famille...

Assis sur son muret, Jimmy Hudson observe la dynamique qui anime les deux hommes. Une profonde défiance, une opposition des leaderships, des visions drastiquement différentes les pousse à se sauter à la gorge. C'est... amusant. De là où se trouve le jeune mutant, en tous cas. Il esquisse même l'ombre d'un sourire, alors que le conflit se désamorce enfin.

- J'comprends d'où vient mon caractère de merde.

Ce n'est presque pas de la provocation.

Un peu moins méfiant, car Cyclope ne ment pas dans sa démarche et Wolverine n'a pas dans sa manche l'atout d'être lié à une divinité, il accepte d'échanger quelques mots. Ces messieurs ont de la chance: quelques mois plus tôt, un combat sanglant est la seule réponse à laquelle ils auraient eu droit.

- Oui, je vous connais. On a travaillé ensemble. Si on peut dire.

Pas exactement eux, mais plutôt avec les jeunes X-Men, déplacés temporellement par un Hank McCoy bien trop joueur avec l'espace-temps pour son propre bien. Et bien sûr, Jean Grey lui a tapé dans l'œil. La pomme ne tombe jamais bien loin de l'arbre. Que ce soit pour les coups de cœur ou les coups de gueule, d'ailleurs.

- Je ne sais pas ce que je déteste le plus: les voyages dans le temps ou les voyages entre les dimensions...

Et pour cause. En plus de cette alliance avec les jeunes X-Men, il a été arraché à son propre foyer.
Être presque unique en son genre lui a permis de s'acclimater plus aisément que les quelques autres mutants récupérés par Miss. Sinister. Dans le Multivers, presque aucune autre terre n'a accueilli de James Hudson Jr, lui octroyant un avantage décisif pour son avenir. Se faire une place n'a jamais été plus difficile qu'en volant celle d'un autre. Même s'il lui faut composer avec Akihiro Howlett et Laura Kinney.

- Terre-1610. Ca, dit-il en désignant ses mains, s'est déclaré après que Magneto a gelé l'Europe et noyé New-York. Et quand mon monde s'est effondré, je me suis retrouvé ici.

Quant à ce manque d'éducation évoqué par le plus vieux des griffus de la ruelle...

- Les Hudson - des héros canadiens ici, je crois bien - m'ont élevé. La nécessité de survivre aux purges mutantes ont pris le relais, ensuite. J'ai jamais connu ma mère, Magda Lensherr, ni mon père. Tu as été tué par Magneto.

Il regarde Logan.

- Et tu as tué Magneto ensuite.

Il regarde Cyclope.
Il se gardera bien d'évoquer sa fin, abattu huit jours après lors d'une manifestation anti-mutants. Et que les leurs ont été traqués comme jamais après ces terribles événements. Le genre mutant n'a plus été accepté nulle part depuis, et s'est contenté de survivre tant bien que mal au cœur de l'hostilité.

À cette remarque, Logan gronde de façon un peu plus audible, ses poings se crispent, mais il a la présence d'esprit de ne pas sortir les griffes - pas encore.
Et surtout, pas là où quelqu'un pourrait le voir, son costume coloré le mettant déjà bien en évidence dans ce quartier où la grisaille est omniprésente.
Scott, pour sa part, aurait du mal à donner tort à leur potentielle jeune recrue, mais se garde bien de le dire à voix haute.

À l'entendre, il les connaît déjà, eux ou... D'autres eux.Malgré sa jeunesse apparente, il a manifestement eu droit à ce qui est le lot de tout mutant : la haine, bien sûr, mais aussi des mésaventures par-delà l'espace et le temps. En cela au moins ne risque-t-il pas d'être trop dépaysé.
Logan cille légèrement : son fils... Et pas le sien en même temps, d'après les conclusions qu'ils peuvent en tirer. Il ne sait trop qu'en penser.

▬ J'aimerais pouvoir te dire qu'on finit par s'habituer, mais je suis presque sûr que je déteste ça autant que toi. Ton nom, c'est... ?

S'ils ont fort heureusement toujours fini par rentrer chez eux, les X-Men ont connu nombre de péripéties par-delà les frontières de leur réalité. Entre son fils qu'il a été contraint d'envoyer au fond des temps pour le voir revenir plus âgé que lui et la fille qui lui vient d'un autre monde, il est loin d'être épargné... Mais en l'occurrence, cela lui permet de cerner mieux que d'autres la situation dans laquelle ce garçon se trouve.
Les révélations se poursuivent.
Lensherr ? Est-ce que par hasard... ?
Il n'est cependant pas au bout de ses surprises.
Lorsqu'il termine son récit, Scott et Logan échangent un regard, tout deux mal à l'aise.
Cette issue leur aurait sans doute convenu, fut un temps : qu'importe que l'un d'entre eux se sacrifie, si cela devait vouloir dire neutraliser Magneto... Mais de là à en mourir ? À le tuer ?
Il est un instant tenté de demander si le Charles Xavier de cette dimension a cautionné ce résultat, mais se retient. Ce qui se passe dans un autre monde gagne à y rester ; il ne fait pas bon étudier de trop près les embranchements de l'histoire. On finit par s'y perdre, il en sait quelque chose.

▬ Je suis désolé, pour ton monde. pense-t-il bon de lui signifier. Qu'est-ce qu'il lui est arrivé ?

Même si le détachement avec lequel il en parle suggère qu'il a déjà fait son deuil, un peu de compassion n'a jamais fait de mal à personne - au contraire. Et c'est chez eux une denrée rare. 1610 n'est peut-être pour lui qu'un nombre sans grande signification, mais pour son interlocuteur, c'était toute sa vie, et même plus que ça : toute son existence.

▬ Et... Je te rassure : notre Magneto n'a pas pour projet de transformer New York en piscine géante, tente-t-il, pince-sans-rire, pour détendre l'atmosphère. Au contraire. Comme nous, il ne demande aujourd'hui qu'à vivre en paix.

Il a brièvement hésité à lui faire part de l'implication de Magneto dans le projet, au vu des sentiments mitigés qu'il peut avoir envers celui qu'il a connu, mais ce ne serait que retarder l'inévitable. L'île accueille tout et tout le monde, même ceux qui étaient autrefois leurs ennemis : quiconque n'est pas prêt à l'accepter n'y a pas sa place. Sans cela, comment coexister ?

▬ Et ensemble... Lui, nous et tous les autres... nous avons construit quelque chose qui pourra peut-être nous le permettre. Enfin, tu as déjà dû l'entendre, je suppose, dit-il en portant une main à sa tempe, ne voyant pas comment il aurait pu réchapper au message télépathique de Jean, réglé sur la fréquence du gêne mutant. Est-ce que tu aimerais qu'on t'en dise plus ?
▬ Fiche-lui la paix, Scott. grogne Logan depuis sa position, qu'il n'a pas quitté depuis - se contentant de jeter des regards noirs aux passants qui l'observeraient un peu trop fixement à son goût. Si ce morveux voulait venir avec nous, il aurait déjà trouvé le moyen de venir toquer à notre porte. C'est pas comme si elle était difficile à trouver. On perd notre temps.

Il peut difficilement le contredire : ils ont fait en sorte d'ouvrir des portails vers Krakoa dans la majorité des grandes villes, afin que tous les mutants - les seuls à pouvoir les franchir - puissent les rejoindre facilement. De par son ampleur et sa position géographique, New York en a sans doute plusieurs, disséminées ici et là.
Alors oui, s'il en avait l'intention, pourquoi ne l'aurait-il pas encore franchie ?
Mais ce n'est pas pour autant que la question ne vaut pas la peine d'être posée.

▬ Ne fais pas attention à lui, dit-il simplement, sans plus chercher à justifier l'attitude exécrable - et donc parfaitement ordinaire - de son collègue. Il est de mauvaise humeur parce qu'il n'a pas encore trouvé le moyen d'importer de l'alcool sur l'île depuis le Canada. Mais... Oui, si quelque chose te gêne, dis-le nous. Y a-t-il une raison pour laquelle tu préfères rester ici ?

Au grondement de Logan est répondu un autre grondement. Moins grave, moins velu, moins dense, mais tout aussi intense. Son fils venu d’ailleurs, d’un monde plus extrême, n’entend pas se laisser intimider. Heureusement que Cyclope vient apporter une tierce partie neutre, plus douce, dans cette rencontre. Une autre question est posée, concernant son nom. De quoi détourner l’attention d’une confrontation apparemment inévitable. Pour une fois que Scott Summers permet à un Wolverine de se calmer…

- James Hudson Jr. Ou James Howlett Jr. Je ne sais pas trop. Alors Jimmy, ça suffira.

Fils de James Howlett le Wolverine et de Magda Lensherr, demi-frère de Wanda et Pietro Lensherr, la Sorcière Rouge et Vif-Argent. Une identité difficile à se trouver au milieu de tous ces noms d’importance. Même s'ils viennent d'ailleurs, ils résonnent aussi sur Terre-616, où ils ont également causé leur lot de problèmes. Mais la question n’a plus d’importance, aujourd’hui… plus depuis les Guerres Secrètes. Plus depuis la destruction et la reconstruction du Multivers.

- Mon monde n'a pas survécu à sa collision avec le vôtre. J'en veux à personne.

Au point de passer sur la sécheresse du trait d'humour.
Une piscine géante, rien que ça. Chouette pour les millions de morts, dont sûrement les itérations de mutants qui sont ici ses amis.

Peu importe. La question n’est pas là.
Alors Jimmy se contente de se recentrer sur le cœur du sujet.
Krakoa. L’île refuge des mutants, où chaque porteur du gène X est accepté, quelles que soient ses origines, quel que soit son passé, tant qu’il respecte les règles établies. Un beau rêve mis en application… mais qui ne convient pas au jeune homme.

- C'est joli Krakoa. Mais déjà, mettre tous les mutants au même endroit, c'est chercher la merde. Et puis je ne veux pas oublier ce que c'est, de vivre avec les humains. Si on veut un jour cohabiter pacifiquement ensemble, c'est pas en s'isolant que ça se fera.

Toujours posé sur son muret, il croise les bras, non pas pour se renfermer, mais plutôt pour affirmer sa position. Il n’entend en rien l’imposer aux autres, mais la défendre coûte que coûte. Sur une des toitures environnantes, l’étrange faucon hoche la tête, apparemment très satisfait des propos de son élu.

- Donc s'il y a besoin de moi, vous m'appelez. Je viendrai. En attendant, je reste ici.

▬ Jimmy, donc. C'est noté.

Howlett, ce qui ne fait qu'entériner le rapport entre Logan et lui, s'il y avait encore le moindre doute. Le flair de Logan lui a de toute façon sans doute déjà permis de déterminer qu'ils ont la même odeur - si peu ragoutant que ça puisse sembler. Et même sans ça, un simple coup d'œil aurait suffi à avoir des doutes, voire des certitudes.
« Leur » Wolverine ne l'a peut-être pas conçu lui-même à proprement parler - pour une fois -, mais ça ne change rien à leur lien de parenté. La situation aurait de quoi déconcerter, mais pour eux, tout cela est presque habituel depuis longtemps.
Après cette présentation, il leur fournit un peu plus de détails sur la manière dont il s'est retrouvé chez eux.

▬ Une collision... ?

Les deux mutants échangent un regard circonspect. Des mondes qui s'entrechoquent ? Ils n'ont jamais rien entendu de tel. Se pourrait-il qu'une telle chose soit arrivée sans qu'ils s'en soient rendu compte ? Cela paraît peu probable.
Ils ne remettent pas pour autant sa parole en doute - ils ont entendu des histoires plus abracadabrantes -, mais qu'ils n'en gardent aucun souvenir est... Troublant. Encore une conséquence de la réorganisation orchestrée par Tony Stark ?
Il ne demande cependant pas plus de détails, de façon à ne pas retourner le couteau dans la plaie.

▬ À vrai dire... Nous avons renoncé à essayer de cohabiter, au moins pour le moment.

À nouveau, Logan gronde, guère satisfait de cet état de faits. C'est pourtant la vérité. Scott, lui, l'accepte en silence, ne fait aucun commentaire sur la fin du rêve de Charles Xavier.
Fut un temps, c'aurait plutôt été l'inverse. La preuve, s'il en est besoin, que ce combat les a changé, et pas forcément pour le mieux ; qu'il était temps qu'il s'achève.
Même si c'est par une défaite.
Gêné, il fait mine de se recoiffer après avoir enlevé sa casquette.

▬ Je ne sais pas quelle était la situation là d'où tu viens, mais... Ici, il n'y a pas si longtemps encore, on était des millions. Et maintenant...
▬ On est loin du compte. complète Logan, sans lui laisser le temps de chercher ses mots. Il l'en remercie néanmoins d'un signe de tête.
▬ Comme tu as pu le voir quand tu nous es venu en aide... Les Sentinelles nous ont massacré. Nous ne sommes plus qu'une poignée. Et si tu crois que ça va nous permettre de nous intégrer plus facilement, laisse-moi te dire qu'il n'en est rien. Au contraire.
▬ Ils vont tout faire pour nous exterminer.
▬ Depuis l'apparition des premiers mutants, nous n'avons jamais été aussi proches de l'anéantissement. Alors, c'est malheureux, mais... Avant de penser à vivre ensemble, il faut que l'on pense à vivre tout court.
▬ Survivre, tu veux dire. complète un Wolverine amer.

À nouveau, Scott se contente de hocher la tête.
Pour avoir traversé les dernières décennies, son compère sait mieux que quiconque combien les mutants ont toujours été persécutés - chassés et tués, quand ils n'étaient pas des jouets entre les mains de scientifiques les considérant comme juste bons à être disséqués. Alors oui, devoir survivre, il sait ce que ça fait - et n'est pas pressé de se retrouver à nouveau dans cette situation.
Ils feront tout pour que ça n'arrive pas.

▬ Mais... Oui. On a décidé qu'il valait mieux se concentrer sur nous jusqu'à nouvel ordre. Le temps de reprendre des forces. Et...
▬ Écoute, gamin. soupire Logan en revenant vers eux, tout en enlevant le masque de sa combinaison pour révéler son visage. Scott hausse un sourcil en le voyant faire ; son « identité secrète » n'en a jamais été une, mais il est néanmoins rare qu'il se dévoile de la sorte. Il se plante devant son fils - ou homologue, ou quoi qu'ils soient l'un pour l'autre - et pose l'index sur son torse. On ne t'oblige pas à venir avec nous. Mais si tu sais ce qui est bon pour toi, fais attention où tu mets les pieds. Maintenant qu'ils savent qu'on est affaiblis, certains risquent de vouloir finir le travail. Alors, si tu sens que ça va barder pour ton matricule... Tu ne te poses aucune question et tu sautes dans le premier portail. Compris ?

Sans attendre de réponse, il rompt le contact et s'éloigne, quittant la ruelle, et avec elle la conversation.
Le leader des X-Men se racle la gorge pour dissiper toute confusion.

▬ C'est un peu particulier, mais... C'est sa manière à lui d'exprimer son affection. Il réajuste ses lunettes et, à son tour, fait mine de s'éloigner, sur les talons de son compatriote. Je ne sais pas vraiment comment tu te considères par rapport à lui, si tu veux apprendre à le connaître ou autre chose, mais... Même s'il ne le montre pas, je pense qu'il serait content de discuter avec toi. Arrivé à l'entrée de la ruelle, il se retourne pour ce qu'il pense être une dernière fois. Moi aussi, j'ai des enfants qui viennent d'ailleurs, et... Je ne peux pas te dire que c'est tout à fait la même chose, mais... Ça s'en rapproche. Il se risque à afficher un léger sourire, qu'il espère rassurant. Tu peux venir nous rendre visite quand tu veux. Ça ne t'obligera pas à rester. Et si, après avoir essayé, il te prend l'envie de pouvoir faire des allers-retours... On devrait pouvoir te fournir un portail personnel. On te doit bien ça, après le coup de main de la dernière fois. Sois prudent, d'accord ?

Il se tait, encore.
Et écoute. La logique et l'empathie de Cyclope. La rudesse de Wolverine. Et Horus, bien sûr. Qui maintenant ne se gêne pas pour commenter, et apporter sa pierre à la discussion. Parce que son élu a accepté de partager avec lui ce moment, et les réflexions associées. Au début de leur relation, ni le dieu ne se serait ainsi tu, ni Jimmy n'aurait ainsi ouvert son monde à lui. Leur lien s'est renforcé, et se renforcera encore au travers de leurs différentes aventures, à n'en pas douter.

S'il y en a d'autres.

Car à entendre les deux émissaires de Krakoa, la pression humaine sur leur espèce n'a jamais été aussi forte, et ne pourra pas être traversée seule. Cette escalade lui rappelle sombrement celle de son propre monde, avec la création de monstrueux robots des mains d'hommes tout aussi monstrueux. Bien qu'il pense pouvoir s'en tirer tout seul, comme toujours, le fait est que ce n'est pas le cas. Ca ne l'a jamais été. Seul, son esprit et sa volonté ont été grignotés petit à petit par les drames, par l'horreur, jusqu'à ne plus laisser de lui qu'un pauvre gars paumé. Ce n'est que depuis qu'il a retrouvé des proches, une famille presque, qu'il se sent de nouveau entier, ou du moins solide sur ses pieds.

Alors, fort de cette pensée, encouragée par un dieu qui veut le meilleur pour son frère d'armes et le monde, il regarde Scott Summers et lui répond:

- Va pour le portail.

Une réponse étrange, compte tenu de sa fuite initiale. Et du fait qu'il n'a encore jamais mis les pieds sur l'île des Mutants. Mais l'enfant venu d'ailleurs entend s'expliquer, un peu. Encore une nouveauté, avec laquelle il n'est pas complètement à l'aise.

- Il y a quelques mois de ça, j'aurais juste refusé. Aujourd'hui... bien conseillé... mieux dans ma peau... j'veux dire, ce serait con de pas pouvoir venir lui casser les pieds, hein.

Un petit mouvement de tête désigne le coin vers où est parti Logan.
Se livrer ? Il a commencé à le faire, oui. Mais Hudson peine encore à l’exercice. Alors plutôt que de buter sur un silence ô combien désagréable, il préfère innover dans ses habitudes. Avec de l'humour. Pas si mal dosé que ça, en plus. Pour un débutant. Pour quelqu’un qui se force un peu.

Après un petit temps sans rien dire de plus, car pour lui tout a été dit, il vient tendre une main au chef des X-Men. Ce geste se voit accompagné d’un mot, unique, simple, courant, mais définitivement sincère.

- Merci.

D'avoir essayé de le trouver dans ce bouge.
De lui avoir causé quelques minutes.
D'avoir tenté, rien que ça.