Paumée au milieu de nulle part [Peter Quill]

Y a pas à dire. C'est vraiment... complètement paumé comme endroit.
Mon regard se pose sur les alentours comme une vache regarderait passer un train. Une plaine au centre d'une forêt. Le genre de forêt qui semble te dire, quand tu parviens jusqu'à ses abords : rentre pas, tu vas te paumer, jamais ressortir, tu mourras de faim et tu finiras dans la panse d'un ours.

Ou quelque chose du genre.


Perchée sur une branche, j'attends que Peter Quill me récupère avec son super vaisseau de l'espace et sa team pour le moins hétéroclite. Ils ne passeront sans doute pas inaperçus (un vaisseau spatial le peut-il seulement ?) mais ça n'a aucune importance. Déjà ils sont pas le genre à faire dans la discrétion, d'après ce que Flash m'a dit en tout cas. Et en plus c'est pas à eux d'être discrets, mais à moi. Ce n'est pas pour eux que j'ai choisi cet endroit comme point de rendez-vous, mais pour moi.

Mania est encore bien loin d'être acceptée par tout le monde. Quand les gens la voient, y a rarement deux poids deux mesures. Soient ils se méfient, soit ils paniquent carrément et c'est la pagaille.
Evitons-nous ça, hein.
Je me suis bien gardée de lui répondre quand il m'a demandé si je passais ma vie à arborer mon symbiote. La réponse est non, évidemment. Pour dormir c'est pas l'idéal, je vous assure. J'ai juste pas envie de lui révéler mon identité pour l'instant, c'est tout. La confiance ça se gagne. Et ouais.

Donc j'ai opté pour ce coin paumé à l'abri de tout, à l'écart de tout, bien loin de la ville. Comme ça je suis peinarde et j'aurai pas à expliquer pour la cent quarante douzième fois que non je ne suis pas un monstre et que non je ne suis pas non plus un démon sorti tout droit des Enfers.
Il y a juste une chance pour que je le devienne, mais pourquoi pinailler sur ce qui n'est pas encore arrivé.

Les symbiotes, c'est jamais une partie de plaisir.
En plus d'être gluants, ils bavent partout, aiment croquer des cerveaux et fusionner avec des hôtes peu ou pas consentants. Le genre de saloperie dont l'univers se passerait bien. Même si, au contact des humains, plusieurs d'entre eux ont appris à se tenir un tant soit peu. Venom, au moins de nos jours, fait plutôt partie des bons gars, notamment grâce à l'action héroïque d'Eugene "Flash" Thompson. C'est bien grâce à lui que la jeune Andi Benton a pu entrer en contact avec le séduisant, combatif, courageux, fabuleux, extraordinaire Star-Lord, leader des Gardiens de la Galaxie (aujourd'hui dissous, mais le cœur de l'information se situe pas là, hein; ce qui compte, c'est que ça a été, que ça a compté).

C'est donc grâce à lui, indirectement que le Bowie survole ce petit bosquet perdu dans le New Jersey, terre de mystères (non), d'enchantement (encore moins) et de rencontres impromptues (là, c'est un peu plus vrai, déjà). C'est plat. C'est un peu vert, vaguement. Y a quelques pâtés de maisons ci et là. Rien de bien transcendant pour quelqu'un d'habitué aux merveilles que peut offrir chaque planète de l'univers. Disons que c'est un peu le calme topographique avant la tempête klyntar.


Enfin, le vaisseau survole les coordonnées laissées par Andrea Benton. Plus paumé, tu meurs. Autant le coin que la fille, Peter a l'impression. Mais qu'il garde pour lui ses impressions, elles lui serviront sûrement plus tard, lorsqu'il faudra glapir "j'vous l'avais bien dit !" alors que le symbiote tente de lui boulotter le derrière.

Le feuillage des arbres et les hautes herbes sont secouées par le souffle des moteurs, tandis que de nombreux pétales de fleur s'élèvent pour retomber en une jolie pluie colorée. Le son est strident, mais pas insupportable... pour un humain.

Une fois les réacteurs coupés, une passerelle s'abaisse avec un chuintement satisfaisant, sortie que Peter Quill emprunte les mains dans les poches, pour poser un pied tendu dans la clairière. Voilà tout l'amour qu'il exprime pour ces petites saletés colorées que sont les symbiotes.


Mais la gamine sous le magma visqueux n'est pas en faute. En tous cas, pas à la sa connaissance. Peut-être aurait-il mieux fait de se renseigner avant d'accepter le rendez-vous, cela dit. Meh, trop tard, et puis le monde appartient aux audacieux.

- Heeeeeey, ce serait pas la petite Minia ?

Entrée en scène fracassante, s'il en est.

Comme s'il avait été traumatisé par un certain film d'extraterrestre avec des conduits d'aération, des oeufs flippants et Sigourney Weaver, Quill ne semble pas enclin à rétracter son casque pour le moment. Même s'il fait un peu chaud, là-dessous. Au moins, les scanners sont actifs; aucun risque d'attaque en traître.

- J'déconne. Star-Lord, enchanté ! Bon. J'ai laissé Rocket et Groot dans un bar. On a une heure avant que la situation ne dégénère. Alors go, hé hé !

Je lève le nez vers le ciel quand je perçois un bruit sourd à l'horizon. Ah, mon rencard est arrivé.
Cependant... mon regard se plisse au fur et à mesure que le vaisseau se distingue dans le ciel et se rapproche de moi. Je sens déjà Mania qui boue dans mes veines comme si on venait de la chauffer à 100 degrés. C'est désagréable mais ça n'est pas vraiment douloureux, du moins pas encore.

Finalement ça en restera là, alors que l'immense tacot fumant et vrombissant se pose dans la plaine et qu'un énergumène avec un casque à l'esthétique relativement discutable s'extirpe de l'habitacle de métal.

- Mania. Dis-je en levant l'index.

Faisant fit de cette petite accroche du nom de la Klyntar ou plutôt du nom que je lui ai choisi parce qu'elle n'a pas donné son avis, ce qui peut arriver à tout le monde, je l'observe alors qu'il poursuit. Sans enlever son casque...
Il en a peut-être besoin pour respirer, allez savoir. Il me semble qu'Eugène m'avait dit qu'il était humain, mais peut être que non... et peut-être que j'ai oublié. Ce qui ne serait pas vraiment improbable à vrai dire. Enfin, quoi qu'il en soit... je m'en fous en fait.

- Merci d'être venu. Poursuivis-je en agitant la main, à défaut de pouvoir exprimer un sourire qui ne lui fera pas prendre ses jambes à son cou dans la minute.

Rocket... c'est le machin poilu je crois. Pas la moindre idée de qui est Groot par contre... Alors eh bien... je hausse les épaules. Car dans ces cas là, comme dans tant d'autres, je hausse toujours les épaules. Çà passe.

Une heure hum...

- C'est trop léger une heure pour aller jusqu'à la Galaxie d'Andromède ?

Le pire... c'est qu'il s'agit d'une vrai question.
Et oui, l'idée c'est d'aller sur la planète d'origine de Mania. Je ne l'avais pas précisé ?

UN TACOT FUMANT ET VROMBISSANT ?!
Si Peter Quill pouvait entendre les pensées d'Andi Benton, il bouillirait de colère. On parle pas de son bébé comme ça, non mais. N'en déplaise au raton-laveur miteux qui lui sert de copilote, il l'a assez fabriqué, peaufiné, bichonné pour en faire un petit bijou, une étoile parmi les étoiles ! Bon, parfois, y a la bagarre. Et quand ça bagarre avec Star-Lord, c'est du rude, du sec, du brutal, et ça laisse des traces. Presque comme des cicatrices de guerre, quoi.

Le Bowie, c'est un peu le meilleur des Gardiens de la Galaxie: il bosse dur, il ne se plaint jamais (ou pas trop) et il pète le style. Une âme sœur véritable, si on regarde bien ! A l'image de son formidable pôpa, n'est-ce pas ?

Un pôpa qui plisse les yeux sous son masque, lorsqu'il se fait reprendre un peu sèchement. D'abord le nouveau Spider-Man, puis elle... hrm. Peut-être que Terra est devenu un coin qui pue, et les costumes noirs ne font que refléter un état d'esprit dépressif ? A creuser, à creuser.

- Bah oui, oui, Mania, je sai..., bafouille-t-il surpris, avant de se reprendre, mais quand est-ce que vous avez perdu votre sens de l'humour, vous, les jeunes ? Si et seulement si tu es jeune sous ce blob. C'est trompeur, ces machins bouffeurs d'hôtes.

Faut dire qu'il a souvent du nez, contrairement à ce qu'en pensent ses détracteurs. Le style grosses bottes, clous et chevelure invraisemblable volontairement appliqué à la bestiole gluante, ça ne peut appartenir qu'à un ado/adulescent... ou à un gus coincé dans les années 90. Il penche quand même pour la première option.

Ce serait pas le pire qu'il ait vu, pourtant. Des trucs chelous, même au-delà des symbiotes, il en a à son compeur. Pourtant, ces petites mochetés à grandes dents font facilement partie du top des créatures qu'il aime le moins en ce bas monde. Et pas parce que sous une horreur stellaire peut se cacher un canon, et inversement, ça non. C'est juste que ces trucs ont la fâcheuse tendance de pas te demander ton avis pour jouer avec ton corps. Et le consentement, Peter Quill trouve ça super important. #BalanceTonKlyntar, et tutti quanti.

Surpris par la demande de cette Mania, le pilote de ton cœur pose les poings sur les hanches, et plisse encore plus les yeux sous son masque, au point de ressembler à un de ces fameux "djiffs" sur l'Internet terranien qui l'amusent beaucoup.

- Andromède ? En une heure ? T'es ambitieuse, dis moi. Maintenant, la question à dix millions: pourquoi ?

Bah oui tiens ? Pourquoi ?
Est-ce qu'elle voudrait... naaaan. Pas possible.
Naaaaaan, ça doit pas être ça. Nope. Faudrait être timbré.
Pis ils ont qu'une heure. Après, Rocket va lui faire un de ces cacas nerveux dont il a le secret.
Tout ça parce qu'il croit que le Bowie lui appartient. Grosses conneries. Presque aussi massives que d'aller faire un tour sur Klyntar.

- Ah d'accord.

Je réponds d'une voix plate quand il m'annonce qu'il sait comment je m'appelle. Enfin comment "elle" s'appelle. Enfin comment je l'ai appelée... Bref, vous avez compris. Non ? Pas grave.
Tout ça pour dire que, okay, ce devait être de l'humour. Déso, ça m'a pas percutée sur l'instant. Il me le confirme d'ailleurs.

Je m'apprête à hausser les épaules lorsqu'il lâche des mots pour le moins mal venus. Je me fige comme une statue et le dévisage comme s'il était la pire aberration qu'il m'ait été donné de contempler sur cette fichue planète bleue.
Ces machins bouffeurs d'hôtes ???!!!! C'est ça qu'il a dit ???

- Ouais... c'est sûr que ça doit pas être simple tous les jours. Dis-je d'un air presque désabusé, en conservant un calme olympien, tout en lui indiquant son masque de l'index qui, soit dit entre nous, est un savant mélange entre une fourmis géante et un poulpe.

Quand j'explique où j'aimerais qu'il m'emmène, il me sort une pause digne du dernier comics que je suis en train de lire. Un truc sur Spidey totalement débile. Je sais pas s'il l'a lu... mais je me demande si ça le ferait marrer. Bref.

Je le fixe d'un air de poisson rouge sorti de son bocal. C'est quoi le problème ? Si on n'a pas assez de temps on fera ça pendant les vacances, pas de souci. Même si j'aimerais bien avoir quelques réponses tout de même...

Pourquoi ?
Ah ouais. C'est en effet la question à dix millions.

Je le sens pas très réceptif aux Klyntars, ce brave garçon. Alors ouais, je pourrais lui expliquer pourquoi. Très largement et avec plein de détails en plus. Mais j'ai comme dans l'idée que ça ne va pas le faire rêver. J'ai déjà eu toutes les peines du monde à ce que ce foutu génie de Stark me laisse tranquille, alors on ne va pas remettre le couvert. Çà va finir par être lassant, à force.

Enfin, quoi qu'il en soit, va bien falloir lui répondre quelque chose.
Quelque chose d'autre que "En fait Mania agit bizarrement en ce moment et je voudrais la rapprocher de sa ruche pour voir si ça va déclencher quelque chose". Voilà. Pas ça, en somme.

- Bah en fait...

Et là, je sors mon plus bel air désabusé, légèrement contrit sur les bords pour ajouter une pointe de mélo. Un peu. Pas trop.


- Contrairement à Venom, Carnage, Toxin et autres membres de sa merveilleuse famille, Mania n'a pas de conscience. Elle me parle pas, communique pas avec moi, je perçois pas ses émotions...

Ce qui devient de moins en moins vrai pour cette dernière partie, mais évitons d'en parler à tête d'octofourmis.

- Je ne sais rien d'elle. Tout ce que je sais des Klyntars c'est ce que Venom a bien voulu m'en dire, et il a été plutôt radin niveau infos...

Tu parles, plus je me tiens éloignée de Mania et mieux il se porte, le Eugène. Ouais parce que là je parle pas du papounet de Mania, mais bien de mon prof, vu que j'ai encore oublié si le Gardien de la Galaxie connait son identité ou pas. Evitons les boulettes. Venom, lui, il m'a raconté plein de choses.

- Si c'est compliqué ou que vous ne voulez pas vous en approcher, je comprends. Mais j'aimerais bien, à défaut de la connaitre elle, savoir d'où elle vient... Vous trouvez peut-être ça stupide...

Et sur ces mots, j'extirpe un soupir à en faire pleurer toutes les ménagères du monde.
Un oscar Andi, un oscar.

Si Peter Quill trouve ça stupide ? Non. Du tout.
Il trouve ça suicidaire, oui ! Alors qu'il est le premier à fomenter des plans improbables pour, excuser du peu, garder la galaxie en un seul morceau plus ou moins stable. Non, non, non, c’est la pire idée qu’on a pu lui proposer depuis son retour sur Terra. Et Tony Stark et lui ont plongé la tête la première dans la Pierre d’Infinité de l’espace. Rien que ça.

C’est à se demander si cette Mania est bien au fait de ce avec quoi elle joue, là. Ce sont des super-prédateurs cosmiques, ces machins gluants. Pas des animaux de compagnie, ou des costumes technologiques dernier cri.

- Merveilleuse famille, Venom, Carnage et Toxin. Ouaip ouaip ouaip.

Allez, avec un peu de chance, c'est de l'ironie. Même aux confins de l’espace, on entend parler des horreurs qu’ont pu commettre les Klyntars de la planète bleue. Alors pitié, que ce soit de l'ironie ! S’ils sont réputés pour être de belles petites saletés, c'est pas pour rien quoi !

- Tu ne perçois pas Mania ? Tant mieux pour toi. Ça veut dire qu'il ne manipule pas encore ta biochimie et tes souvenirs pour servir ses intérêts propres. Mon conseil que tu ne suivras pas ? Te débarrasser de ça avant qu'il ne prenne le contrôle. Mon conseil que tu suivras peut-être plus ? Garde-le comme ça, vivant mais inerte. Pour ta santé.

Il soupire, finalement.
Au fond, et il le sent, il pourra dire ce qu’il veut, la plus pure des vérités, ça ne servira à rien.
Elle ne le croit pas, ou plutôt elle ne veut pas le croire. Ce qui peut se comprendre, ils viennent de se rencontrer. Et il doit pas faire méga-bonne impression avec son masque en métal, qui plus est. D’une pression sur un bouton dans le cou, il se dévoile enfin, dans toute sa splendeur.


Moins vindicatif.
Moins dans l’opposition.
Plus dans l’explication. Ce que Mania cherche, apparemment.

- Klyntar - la planète - est un monde hostile, violent, qui donne l'impression que tout a évolué à partir des symbiotes. La faune, la flore, même la terre, l'air et l'eau. Y a un p'tit air H.R. Giger un peu partout, si tu vois ce que je veux dire. Si t'es pas trop jeune pour savoir de qui je parle, surtout.

L’apparence presque mécanique mais en organique, et vice-versa, ça a de quoi terriblement résonner avec l’œuvre du génie suisse. A croire qu’il a eu un petit symbiote pour lui murmurer des choses à l’oreille, lorsqu’il créait.

- J'y suis allé une fois, et c'est vraiment... étouffant, en fait. Quand je te dis que ça se sent dans l'air... j'ai eu droit à mon lot d'enfermement aux mains d'Ultron, de Thanos et autres gus du genre... et voilà l'impression que donne Klyntar: d'être emprisonné. C'est un putain de piège, à l'image des créatures qui y règnent en maîtres.

Quill tente de sourire, malgré ce qu’il dit.
Le sourire sympa, de celui qui comprend la curiosité, car il la comprend vraiment.
Et pis… il n’a rien contre cette gamine – si c’est une gamine. A croire qu’il les attire, tiens, entre Nadia et elle.

- J'ai pas envie de te prendre le chou, découvrir des trucs extraordinaires c’est mon dada, c’est mon mantra, mais les symbiotes sont pas là pour être nos copains. Et même si c'était le cas, on est pas fait pour cohabiter. Regarde rien que sur Terre: Eddie Brock a fini à moitié psychopathe, Cletus Kasady est un foutu tueur en série, et j'ai cru comprendre que Venom a eu son lot de criminels comme partenaires sur Terra. Ça joue pas en leur faveur, tu trouves pas ?

- Hey ! Venom ça va. Toxin... bah... c'est selon... Et quant à Carnage, sur ce coup là c'est pas moi qui vais prendre sa défense. Dis-je en haussant les épaules, tout en extirpant un profond soupir autrement plus explicite concernant ce dernier.

J'écoute ce qu'il a à me dire sans ciller, mais je grogne un peu intérieurement. C'est donc sans effronterie que je lui réponds, en résumant simplement les faits. Oui j'entends parfaitement ses conseils, et dans un sens je peux comprendre qu'il pense ainsi. Mais en effet non, je ne les suivrai pas.

- Vous écartez une autre possibilité : celle que Mania et moi on puisse faire un bon binôme. Çà ne serait pas la première fois qu'un Klyntar et un humain arrivent à collaborer sans que l'un ne bouffe l'autre, au sens figuré pour une fois. Mais ça... j'ai l'impression que beaucoup de monde l'écarte, comme si ça vous déplaisait d'envisager que ouais ça peut bien se passer aussi.

Je plisse légèrement les paupières en le dévisageant quelques minutes.
Ouais, on en est là. On en est toujours là. Les Klyntars = michants. Les humains = gentils. Vous noterez à qui je mets une majuscule et à qui je n'en mets pas.

- Toxin peut être une saloperie. Je coche. Carnage est une totale saloperie. Je double coche. Par contre si vous voulez qu'on s'amuse à lister les humains de base et vos "super-vilains" qui cochent également cette case, je pense que la liste va être longue aussi. Je vais vous dire la même chose qu'à Tony Stark.

Inutile de préciser qui est le StarkTank, il semble que la planète entière connaisse le bonhomme, et ça se trouve Star-Lord le côtoie peut-être régulièrement.

- Çà serait vraiment cool que, une fois de temps en temps, genre une fois par an, j'en demande pas trop... ceux qui ont des certitudes aussi assises que les vôtres puissent envisager que la nature de l'hôte joue beaucoup dans les réactions du Klyntar.

Il enlève son masque et j'apprécie. Oui, clairement et absolument, j'apprécie. Mais je n'en ferai pas de même, faut pas compter là-dessus. J'ai vu ce que ça a donné quand j'ai renvoyé Mania face à Stark, c'était pas pumpelup du tout. Mais alors vraiment pas. Maintenant la confiance ça va se gagner et chèrement. Pas uniquement pour une petite main tendue ou un effort.
J'en ai marre qu'on me considère comme une gamine, comme une criminelle, ou au pire comme une gamine criminelle.

- Vous êtes mignon en fait. On aurait pas dit sous vos yeux de frelons. Dis-je dans un premier temps avant d'ajouter. Mais vous êtes trop vieux pour moi.

Ouais quand même. Et puis les mecs... comment vous dire.
Pas le temps. Pas envie. Et surtout pas quelqu'un qui considère Mania comme un parasite direct, sans préambule, avec un paquet tellement impressionnant de préjugés qu'il pourrait ériger une tour avec.
Pas. En fait. Voilà.

J'appuie mon menton dans ma main, et je l'écoute avec attention. Toutes les informations que je peux rassembler sur les Klyntars sont bonnes à prendre. Le souci... c'est qu'il faut faire le distinguo entre la véritable info, de celle corrompue par un point de vue. Et là... c'est nettement moins facile.

Un sourcil, ou ce qui y ressemble vaguement, s'arque pour toute réponse lorsqu'il mentionne un certain Giger. Jamais entendu parler. Ce doit être un truc de vieux ça.

J'agite les mains devant mon visage tout en secouant la tête, comme pour appuyer un peu plus ce que je m'apprête à dire.

- J'ai pas l'intention de vous demander de vous poser sur la planète pour aller faire coucou hein. Juste de s'en approcher un peu... c'est tout.

C'est tout... mais c'est déjà bien trop pour lui, sans doute. Enfin... si je me fie à mon ressenti selon ce qu'il vient de me dire.

- Faux.

Je réponds platement en haussant les épaules.

- On n'a peut être pas été créés pour cohabiter les uns avec les autres de base, mais on est tout à fait capables de le faire. Suffit de prendre l'exemple de Venom et le mien. Donc c'est possible et ça peut aussi bien se passer. Et justement, puisque vous parlez de Brock et Kasady, vous ne voyez pas la différence entre eux et nous ? Quand Eddie partait en vrille, Venom aussi. Et vous avez plutôt bien résumé le cas Kasady. Mais depuis que Venom a changé de partenaire il se passe quoi ? Oh mais oui, c'est vrai... rien ! Il a même fait partie des super-héros si je ne m'abuse, et des Avengers hum...

Je ne m'abuse pas du tout, je le sais, Eugène me l'a dit.

- Et moi alors ? Aucune vague. Donc le résumé me semble assez clair. Humain pas bien dans ses baskets = Klyntar psychopathe. Humain cool = Klyntar sous contrôle. C'est pas plus compliqué que ça d'après mon expérience. Venom est déjà parti en vrille, c'est vrai, même quand son coloc avait un bon état d'esprit. Çà je vous l'accorde, ça arrive. Et dans ces cas là y a pas trente six solutions pour calmer le Klyntar. Il faut 1/ que son hôte travaille sur lui-même et avec son Klyntar, et 2/ être entouré par des gens de confiance.

Et ouais... et c'est ça mon plus grand problème. C'est pour ça que je suis allée trouver Stark. C'est pour ça que j'ai contacté Star-Lord. Depuis qu'Eugène pointe aux abonnés absents, j'ai l'impression... non. Je suis seule. Toute seule. Je ne peux partager mes doutes, mes craintes, mes états d'âme avec personne. Parce que je suis toujours cataloguée parmi les menaces. Et j'en ai marre en fait.
Je veux juste... ne plus être seule. Est-ce trop demandé ?

- Hé, tu demandes à ce qu'on te fasse confiance, mais y a rien en réciproque, là. Tu me montres pas ton visage, tu campes sur tes certitudes en balayant les miennes... que tu sois prête à te barrer à tout instant m'étonnerait même pas, tu vois.

Sans déconner, comment est-ce qu’on peut construire une discussion viable sur des bases aussi pourries ? Non non non, pour que cet échange soit fructueux, il va falloir que toutes les parties acceptent de s’écouter, de valoriser les arguments de l’autre et d’y opposer des arguments. Pile ce que Quill ne sait pas faire avec ses Gardiens de la Galaxie. Rocket envoie tout balader quand ça ne va pas dans son sens, Gamora croit avoir raison sur tout (un peu comme cette p’tite Mania tiens), Drax ne comprend pas souvent, et Groot… c’est Groot. Elle est juste adorable cette brindille. Ouais, en y regardant de plus près, on a connu groupe plus propice pour causer. Et Quill là-dedans ? Il essaie un peu trop souvent de concilier les avis de tout le monde, ce qui, au final, énerve tout le monde.

Parfait parfait, ça, tiens…

Mais pour amener à un apaisement de la situation actuelle, quand la confiance ne peut venir de nulle part si ce n’est de la bienveillance, un premier pas doit être accompli. Un simple pas vers l’autre, à la fois rien et tout. Et qui de mieux pour accomplir pareil acte de grandeur que le légendaire Star-Lord ?

- Ok, ok. Partons de ton postulat là. Que l'environnement et l'hôte influent sur le Klyntar, une théorie prenant pour base UN symbiote complet et un léthargique, ok.

Est-ce qu'un cas sur tous ceux rencontrés ces derniers siècles suffit à servir de règle ? Difficile à dire. C’est improbable, au vu de l’agressivité innée de l’espace, c’est sûr. Mais qui sait ? Peut-être Mania a-t-elle raison ? Et si elle a raison… une menace venue des profondeurs du cosmos en moins, ça ne peut pas faire de mal.

A partir de cette idée, Quill déroule le reste de sa réflexion.

- Tu voudrais rapprocher ton "gentil" symbiote de la plus mauvaise influence possible en espérant que ça le fasse réagir ? Alors que tu es liée à lui, et que ça pourrait te rendre barjo, lui avec et donc finir en Venom ou en Carnage bis ? Ma seule certitude forte, c'est que je doute de la pertinence de l'idée, là. Pour ta santé comme la sienne.

Parce que si Mania est un doux petit agneau gluant, hypothèse bizarre mais pourquoi pas, il serait vraiment problématique, pour ne pas dire dangereux, de le faire passer dans le camp des loups. Des loups qui changent de forme, assimilent leurs proies et copient leurs capacités une fois cela fait.

Brrrr…

Je le dévisage quelques secondes sans mot dire, puis je finis laborieusement par hausser les épaules d'un air détaché tout en répondant d'un air pas moins détaché :

- Je ne me rappelle pas avoir demandé qu'on me fasse confiance. Je vous demande un service. Et comme je l'ai dit, je ne vois pas ce qui vous empêche de le refuser.

J'abats une fine observation l'air de rien, puis j'ajoute.

- Et ne vous attendez pas à ce qu'il y en ait, de la confiance. Pas pour l'instant en tout cas. La dernière fois que j'ai donné ma confiance trop rapidement, je me suis retrouvée enfermée dans le labo de m'sieur Stark avec une armadas de drones prêts à me fusiller au premier battement de cils alors que j'avais rien fait d'autre que de montrer mon visage. Alors la confiance, merci mais maintenant je m'en passe volontiers.

Je lâche ces mots dans un soupir. Gros, le soupir.

- Je suis là uniquement parce que Venom m'a dit que vous étiez un gars bien. Il a visiblement oublié de mentionner l'alinéa "préjugés" dans son discours. Je donnerai ma confiance plus vite quand on cessera de me traiter en criminelle au premier regard et qu'on continuera de considérer Mania comme une simple bouffeuse de cervelle. Tout comme j'adhèrerai bien volontiers à vos certitudes quand vous aurez un Klyntar en viager comme moi. En attendant bah...

Une nouvelle fois, un bref haussement d'épaules. C'est mon sport favori, hausser les épaules. Le seul que je pratique. Enfin non... plus maintenant... Grâce à Mania j'ai des abdos en béton armé maintenant. Et ouais !

J'écoute ce qu'il a à me dire. Comme avant, comme depuis le départ. J'écoute un peu plus sereinement car il admet enfin que je puisse peut-être être dans le vrai.
Il a des doutes, c'est évident. A sa place ne réagirais-je pas de la même façon...? Probablement que oui. Donc je me détends un peu. Histoire de voir où ça va nous mener... tout ça.

Je retiens de justesse un sourire amusé quand il mentionne la léthargie de Mania. C'est l'info que je lui ai donnée, donc forcément... Mais en ce qui concerne sa pseudo léthargie... c'est de moins en moins vrai. C'est bien pour ça que je veux la rapprocher de la Ruche. Juste un peu... Un tout petit peu.

- Pardon de répondre à une question par une question. Mais... vous avez rencontré combien d'hôtes de Klyntar ? Du genre semi permanents et pas sur un malentendu l'espace de quelques jours... Vous m'avez cité Eddie, mon partenaire et Kasady. Dis-je d'une voix traînante, réfléchissant rapidement pour voir si je n'oublie aucun des noms mentionnés.

- Donc... sur quatre Klyntars cités, m'incluant dans le lot, nous avons un seul psychopathe, une qui gère et deux qui ont des moments fluctuants. Sur ces deux derniers mon Venom à moi...

Genre, mon Venom à moi... enfin passons.

- ...se tient à carreau depuis super longtemps et a aidé très souvent cette planète. Eddie aussi, finalement... mais ça fait un moment que je ne l'ai pas vu donc je ne vais pas trop m'avancer sur son état psychologique actuel...

Je lève l'index.

- Donc, techniquement, sur ces quatre là on a une proportion plus importe de gentils que de méchants, si on fait le ratio. Et puis... vu ce que vous me dites je suppose que vous avez entendu parler de leur charmant dieu psychopathe... Y a des Klyntar qui se sont élevés contre lui quand même. Donc... peut-être que vous avez raison...

Attention, je vais te l'accorder, ce point.

- Peut-être qu'ils sont pas en majorité. Peut-être que ce sont des exceptions. Mais... le principal... c'est qu'elles existent ces exceptions... non ?

Et là... je te lui jette un regard plein d'un espoir limite larmoyant et non feint du tout sur ce coup là. Parce que t'imagines même pas comment je me raccroche à cette idée. Mais vraiment pas...

Je ne peux pas lui dire que rien qu'avec la Hell-mark je devrais déjà avoir tourné barjo depuis un bail, même sans l'aide d'une Mania bien réveillée et déchaînée.

- Je comprends votre inquiétude. Mais j'ai un gros avantage par rapport à un autre hôte. D'abord ça fait un moment que Mania m'accompagne. Donc je connais ses facultés, ses particularités. Ensuite j'ai beaucoup parlé de tout ça avec Venom. Pas l'hôte, bien que un peu aussi bien sûr, là je parle du Klyntar. Et enfin, j'ai assez côtoyé d'hôtes pour savoir comment ça se passe quand ça part en sucette. Donc... contrairement à quelqu'un qui devient un hôte avec un Klyntar en conscience direct, sans préambule et sans formation, j'ai eu des mois pour m'y préparer.

Putain j'envoie les arguments là ! Non ? J'ai l'impression de passer le BAC. Pourtant c'est que dans.... MERDE !!! C'est dans une semaine !!! Oh misère...
J'ai soudainement l'air terriblement abattue. Si j'obtiens mon diplôme ça sera une faveur du saint esprit, je vous le dis. Je reste absente quelques longues secondes et je finis par revenir à la réalité.
J'allais dire quoi déjà... Ah, ouais.

- Je ne vais pas pourtant affirmer que si elle se réveille ça va se passer les doigts dans le nez. J'ai bien conscience que la théorie et la pratique c'est pas la même chose... Mais contrairement à d'autres, je suis prévenue. Je veux juste m'en approcher un peu... un tout petit peu... assez loin même si vous voulez, juste le temps de l'avoir en vue. Et si ça dégoupille vous faites demi tour direct. Et puis...

Je vais devoir sortir le même argument qu'à Stark et ça me soule... mais tellement fort...

- ...un petit son strident et ça calmera tout le monde. Je suppose que vous le savez et que vous devez avoir ce qu'il faut dans votre vaisseau...

Ca y est, Quill met le doigt sur ce qui le dérange le plus dans cette conversation.
Il parle dans le vide. Ou plutôt, il cause à un mur. Un mur qui reprend, détourne, retourne chacun de ses propos pour servir son indestructible vision, sans réellement accorder de crédit à ses mots. C'est vexant, tout de même. Il fait l'effort de venir, de faire des compromis lorsque des points pertinents sont soulevés, pour finalement n'être que dans un échange unilatéral. Pas cool. Pas cool du tout.

Cette réalisation... ne va rien changer à posture que prend Peter. Il va continuer à débattre, jusqu'à ce qu'on lui cède un peu de terrain, assez pour installer un petit fort de certitudes. Toute têtue que soit cette Mania, il l'est encore plus. Si ce n'était pas le cas, il ne serait plus là aujourd'hui pour argumenter cette cause perdue d'avance. Ce sont les meilleures causes, celles-là. Il les préfère à toutes les autres.

Mais ce qu'il préfère encore plus, c'est embêter un certain génie, playboy, philanthrope, milliardaire.

- Ah oui mais en même temps tu es allée voir Tony Stark. Plus parano et control freak que lui, on fait pas. Enfin si, il y a un paquet de salauds dans le cosmos, bien pire que môssieur Iron Man. Mais parmi les "gentils" - permets moi les gros guillemets parce qu'on peut être sacrément cons aussi, parfois - il touche sa bille comme on dit.

A peine surpris de la réaction du maître ingénieur, Quill ne s'attarde pas plus dessus. D'autres choses, plus importantes (hé oui Tony !) sont encore à dire.

- Bon, j'admets que parmi les symbiotés de Terra, ça peut le faire. Dans l'ensemble. Ok, oui. Mais au final, qu'ils aillent bien ou non - sérieux, Carnage est abominable ! - je veux juste te faire comprendre que le son strident ne suffira peut-être pas. Si ça réveille des instincts de tueur chez Mania - promis, je fais des efforts pour pas me gourer de nom - il est fort possible que ce soit permanent. Franchement, je te crois quand tu me dis que ça se passe bien aujourd'hui. T'as l'air sincère. Ou alors tu mens hyper bien. Dans un cas comme dans l'autre, je suis gagnant, tu vois. Soit c'est vrai et ouf, soit tu me mènes en bateau et j'ai quand même la supériorité morale, hé hé hé.

Il s'égare, il s'égare, et s'en rend bien compte.
Si la jeune femme avait succombé à son charme d'aventurier de l'espace (en tout bien tout honneur), il se serait permis de blablater, de laisser ses idées sortir hors de sa bouche au fur et à mesure de leur apparition. Là, pas besoin de petit doigt cosmique pour comprendre que le courant ne passe pas. Juste, ça ne le fait pas, entre eux deux. Alors plutôt que d'aggraver une situation déjà tendue, il préfère taper droit au but, ou en tous cas essayer.

- Mais bref. Ce que je me demande, c'est pourquoi ? Pourquoi vouloir changer une équipe qui fonctionne si bien, au risque - très probable - de tout détruire ?

Je réfléchis un court instant aux propos tenus par le gardien de l'espace. Qui est par ailleurs un peu pompeux comme titre... non ? Enfin passons.
C'est vrai qu'il est du genre... particulier... monsieur Stark. Mais en attendant...

- Disons qu'il a quelques psychoses qui sont compréhensibles... Dis-je d'une voix pensive en levant le visage vers le ciel bleu qui nous surplombe.

Comme nous tous, je suppose, Tony Stark se traîne des traumatismes, dont certains ont l'air d'avoir laissé de sacrées traces il faut dire. Difficile de savoir comment je réagirais si j'étais à sa place. Mais, avec un peu de recul, même si j'ai moyennement apprécié certains moments de notre rencontre, il faut reconnaître que toutes ses inquiétudes n'étaient pas infondées. Comme celles de Star-Lord finalement.

- En attendant, il m'a filé un sacré coup de main, c'est le cas de le dire.

Joignant la démonstration à la parole, je lève mon bras gauche dans la direction de Star-Lord, alors que Mania le libère aussi délicatement que la mer se retire d'une plage de sable fin. Car oui, Mania peut être délicate ! (parfois...)
Un gant ultra technologique made in Stark Industries se découvre peu à peu sous le regard de mon interlocuteur.

- Je lui ai demandé un coup de main pour réguler le besoin de phénéthylamine de Mania. Vous savez, ce truc qu'on ne trouve que dans le chocolat, et dans le cerveau... ce qu'adore boulotter Carnage notamment. Monsieur Stark a inventé un procédé qui me permet de fournir à Mania ce dont elle a besoin, quand elle en a besoin, précisément pour éviter qu'elle ne pète un boulon et se mette éventuellement à tuer tout le monde. Vu que je ne peux pas communiquer avec elle... C'est pas toujours évident de savoir quand elle a faim et quand ça va. J'arrive de mieux en mieux à percevoir quand un truc cloche, mais je ne vais pas vous mentir, c'est pas toujours limpide.

En espérant que cette précaution supplémentaire va un peu rasséréner Star-Lord, car sinon je sens que l'on n'est pas prêt de quitter cette fichue plaine.

- C'est pas moi qui dirai le contraire...

Je lance ces quelques mots en réponse à son appréciation de mon "frère" Carnage. Bien sûr qu'il est horrible... de tous les Klyntars que j'ai rencontrés à ce jour, il est sans conteste le pire de tous. Il n'est clairement pas l'ambassadeur Klyntar rêvé.

Lorsqu'il évoque qu'il fait des efforts pour bien prononcer le nom de Mania, histoire de donner un petit coup de main à notre relation chancelante, je lève bien haut le pouce dans un immense sourire de félicitations silencieuses.

- Très sincèrement, je comprends que ça vous inquiète. Pas besoin d'un Klyntar dégénéré de plus sur cette planète hein...

Et c'est bien là le noeud du problème. Tout le monde les considère comme des nuisibles. Mais tout le monde a visiblement bien vite oublié tout ce qu'Eugène et Eddie ont fait pour ce fichu caillou en lévitation dans l'espace.

J'extirpe un soupir et passe ma main sur mon front, oubliant une brève seconde que Mania me recouvre et que je n'ai aucune frange à rabattre vers l'arrière. Notre symbiose devient tellement naturelle que j'en oublie presque qu'elle me recouvre parfois.

- Je sais que c'est la coutume chez les "super-héros" de raconter des bobards pour faire passer les choses en douceur, mais ce n'est pas ma façon de faire. Dis-je en me fermant un peu. Je ne vous balade pas. Si Mania et moi ne nous accordions pas, si on causait des problèmes, si elle pétait les plombs tous les quatre matins, vous ne pensez pas que vous en auriez déjà entendu parler depuis un bail, même dans l'espace ? Un Klyntar qui fait des siennes ça se sait vite, d'après mon expérience...

Je me détends un peu en extirpant un nouveau soupir.
C'est fou comme ça peut être salvateur, cette grosse bouffée d'air qui se disperse hors des deux poumons qui l'accueillaient jusqu'alors, gonflés à en exploser.

- Je ne peux rien vous assurer pour le futur.

Allez, jouons carte sur table et soyons honnête avec ce brave garçon, même s'il est quand même un peu chelou.

- Je sais comment ça se passe aujourd'hui. Je ne peux qu'espérer que ça continuera comme ça. Peut être que ce voyage se passera bien. Peut-être qu'il se passera mal.

Et quand il me redemande encore pourquoi je veux y aller à tout prix, pourquoi j'insiste, pourquoi je suis prête à courir le risque de changer la nature profonde de Mania, quitte à ce que cette nature penche pour le pire et pas pour le meilleur... Mania me quitte instantanément.
Les longs filaments noirs ondulent, se rétractent, filent sous ma peau et cette vision n'est étonnant pas incommodante pour celui qui y assiste.

J'apparais dans toute la superbe de mon adolescence, m'exposant une fois encore à un tonitruant "Mais t'es super jeune en fait !!!". Peu importe...

- Voilà celle que je suis. Dis-je simplement en balayant mon corps de mon visage vers le bout de mes pieds d'une main légère.

- Et voilà ma ou mon partenaire, vu que je ne suis même pas fichue de savoir si les Klyntars femelles existent.

A ces mots, un petit tas noir grouille dans la paume de ma main droite, celle qui ne porte pas le gant Stark. Quelques filaments gluants s'extirpent de la masse pour s'élever vers le ciel, ondulant comme des serpents miniatures, jusqu'à former l'esquisse d'un long cou et d'une tête légèrement ovoïde, mais cela s'arrête ici.

- Mania n'est pas mon objet, ni mon arme. C'est un être vivant, un être qui peut être capable de penser, d'avoir son libre arbitre, comme tous les Klyntars que j'ai rencontrés jusqu'à aujourd'hui. Mais Mania est différente... elle est comme le poussin qui ne peut pas sortir de son oeuf. Elle a besoin d'un coup de main. Et c'est ça que je veux lui offrir. D'être complète et d'avoir le choix. Le choix de rester à mes côtés ou de retourner sur sa planète avec les siens.

Une nouvelle fois, cette immense chaleur envahit chaque parcelle de mon abdomen et je baisse les yeux vers mon ventre auquel j'adresse un sourire tendre, comme celui d'une mère envers son enfant, ou encore d'une soeur, d'une amie.

- Je sais que c'est risqué. Et je sais que rien n'est certain. Je ne veux pas vous entrainer dans quelque chose qui pourrait vous mettre en danger. Si vous refusez, je comprends, comme je l'ai dit. Mais je trouverai un moyen. Avec ou sans vous, je lui offrirai ce choix.

Mais je sais déjà ce qu'elle choisira. Je crois que je sais déjà... qui elle choisira.