Fort Érié.
Petite ville située à l'Est de l'Ontario juste à l'extrémité du lac Érié, en bordure de la rivière Niagara. De faible densité, à peine trente milles résidents permanents, elle fait partie des patelins sans intérêt, idéaux pour une planque. L'une des nombreuses que Natasha possède, disséminées à travers le monde et les pays, selon les besoins de ses missions.
Lorsqu'elle pénètre la petite masure qui, d'un point de vue extérieur, menace de s'écrouler à chaque minute qui passe, quelle n'est pas la surprise de l'espionne de voir trôner sur son canapé le célèbre Hawkeye.
Clint Barton de son petit nom. Ancien amant, actuel meilleur ami depuis des éons.
-
Barton ? Qu'est-ce que tu fais là ? -
Ravie de te voir aussi Natasha. Lance t'il d'un air piquant, un sourire en coin.
Elle ne cache pas son étonnement, car il ne l'a pas prévenue de sa venue et, qui plus est, il est en civil. Deux éléments essentiels qui entraînent invariablement la question qui suit.
Y a un problème ? Clint passe brièvement la main au sommet de son crâne en extirpant un léger soupir.
-
Non et... oui.Les sourcils de la rousse se froncent instantanément. Pile le genre de trucs qu'elle n'aime pas. C'est oui ou c'est non. Pas de demi problème, de demi solution, de demi réponse. Romanov déteste cordialement les approximations. Et dans la mesure où il le sait sans doute mieux que personne, cela n'engage rien de bon.
D'un geste du menton, il lui indique la large fenêtre qui donne à l'arrière de la planque de Black Widow, celle-ci étant relativement loin de la ville.
Intriguée, elle s'avance jusqu'à la fenêtre et sa mâchoire s'affaisse lorsque ses prunelles se posent sur le pré.
Visiblement surexcitée, une petite créature ressemblant à un requin miniature joue parmi les fleurs dans un boucan de tous les diables, alors que s'il y a bien une chose dont ses planques ont besoin, c'est de discrétion et de SILENCE.
-
Attends... je le connais lui... comment il s'appelle déjà ? -
Jeffrey, mais on l'appelle Jeff le plus souvent.Nat ne comprend strictement rien à ce qu'il se passe, ni la raison pour laquelle Barton débarque avec un requin en peluche qui, bien que très mignon il faut le reconnaitre, fait plus de bruit qu'une scie sauteuse.
Elle se détourne de la fenêtre et toise l'archer d'un air de plus en plus perplexe, alors que ses bras se croisent sur sa poitrine.
-
Tu te décides à m'expliquer ? C'est précisément le moment que recule Barton depuis son arrive : la fameuse explication.
Il se redresse légèrement, posant les coudes sur ses cuisses tout en fixant la table basse comme si c'était la plus belle oeuvre d'art qu'il ait jamais contemplée.
-
Ok alors, l'idée serait... que tu le gardes quelques temps.Natasha le toise d'un regard fixe, presque stoppé net par une magie quelconque. Puis, finalement et assez vite, elle éclate de rire.
-
Ouais, ouais, très drôle. Bon allez, lâche le morceau Barton. L'Avenger, ou plutôt les Avengers, se toisent en silence alors que Clint la dévisage avec l'air du môme qui a piqué dans la boite de biscuits juste avant l'heure du dîner.
A cet instant... lui vient l'idée saugrenue et autrement plus stupide qu'il ne plaisante pas... en fait.
-
Tu te fiches de moi. Ce n'est pas une question. Même pas rhétorique. C'est une affirmation et elle est implacable.
Il ne peut pas lui demander un truc pareil. Il a perdu la raison, il s'est fait martyriser le cerveau, il ne peut en être autrement.
Mais devant la mine qu'il affiche, plus les secondes passent et plus Natasha sent le rouge lui piquer les joues.
-
Ce n'est pas Kate qui s'en occupe normalement ? -
En mission. Répond il platement en fixant le bout de ses chaussures.
-
Gwen ? -
Injoignable. -
Non mais sérieux Barton ! Lâche t'elle en explosant comme un volcan.
J'ai pas l'option nounou de peluche avec aileron qui bouffe comme douze hein ! J'ai pas le temps pour ces conneries ! Et puis qu'est-ce que je vais en foutre moi de ton bébé requin à quatre pattes ?! Alors qu'elle balance sa verve en vociférant comme un dragon que l'on aurait réveillé un peu trop tôt de son hibernation, une porte claque doucement et une petite chose passe à un mètre d'elle en traversant le salon.
Tête baissée, rasant le sol, traînant ses petites pattes comme si elles étaient trop lourdes pour lui, Jeff a l'air de porter tout le poids des malheurs du monde.
La rousse le regarde déambuler dans le salon de sa planque comme une âme en peine. Et EN PLUS il va la faire culpabiliser !
Elle jette un regard d'une noirceur diabolique en direction de l'Avenger, qui se contente de hausser les épaules en mode "
Pas ma faute s'il t'a entendue, c'est toi l'espionne".
Comprenant parfaitement le sous entendu de ce simple mouvement, Natasha se retient de lui faire avaler la lampe qui se tient à quelques centimètres de lui.
-
Çà serait pour combien de temps ? Clint se redresse d'un bond, une lueur d'espoir dans le regard. Si il n'arrive pas à la faire plier... il n'a aucune autre solution et il va devoir se coltiner le micro poisson, ce dont il n'a pas du tout envie, cela va sans dire.
-
Pas très longtemps t'inquiètes Nat'. Quelques semaines tout au plus. -
T'as pas plus vague comme timing à tout hasard ? Ironise t'elle dans une grimace.
-
Bon... il peut se débrouiller tout seul ? Parce que t'es bien placé pour savoir que j'suis loin d'être là en permanence. Faut qu'il se débrouille à minima. Je fais déjà pas la bouffe pour moi, alors pour un poisson, t'y penses même pas. EH PAF !
De nouveau le regard choupinesque qui tue, Jeff l'a dévisageant comme si elle venait de briser son petit coeur en douze, qu'elle l'avait piétiné de son talon, réduit en poussière et donné à manger à d'autres requins.
-
Faut... vraiment... que t'arrêtes de faire ça. Dit-elle en le pointant de l'index d'un air de maîtresse d'école.
L'animal baisse un peu la tête et monte sur le canapé près de Clint qui le gratifie d'une gratouille qui lui redonne instantanément le sourire.
A bien le regarder, Nat a vraiment l'impression de voir un gosse... il n'y a vraiment pas grand chose qui diffère, si ce n'est qu'il ne parle pas. Et la forme. Peut-être. Et encore...
-
T'en fais pas pour ça, il sait se débrouiller tout seul. Kate est souvent absente aussi. Natasha reste relativement dubitative et manque de lui dire qu'il pourrait se démerder tout seul CHEZ KATE dans ce cas, mais si ce n'est que pour quelques semaines... elle peut bien faire un effort. D'autant plus qu'il ne lui demande pas souvent de le dépanner (heureusement, pour le coup).
Et puis si elle dit non, Barton lui fera payer cher en culpabilité pour des siècles et des siècles.
Elle extirpe donc un soupir.
-
Okay... Bon qu'est-ce que je dois savoir ? Vous voyez un barrage ? Ces immenses murs de béton qui empêchent des milliers d'hectolitres de se déverser en inondant tout sur leur passage ? Confirmer à l'Avenger qu'elle le débarrasse de son fardeau était un peu comme si on ouvrait toutes les vannes d'un barrage au même moment.
-
Alors t'inquiètes c'est très simple Nat'. Il se propulse hors du canapé et commence à sortir tout en tas de bordel qu'il avait soigneusement planqué derrière le dossier de velours sombre. Deux sacs de tailles différentes, un coussin à franges, une gamelle... non... deux gamelles...
Les paupières de l'espionne se plissent tellement qu'elle donne l'impression de les avoir totalement fermées. Il s'est bien fichu d'elle...
-
Il sait se nourrir toute seul tant que tu lui laisses des choses faciles à manger. Je te conseille quand même d'éviter de trop remplir ton frigo et ferme le garde-manger au cas où. Évite les emballages plastiques, quand il a vraiment faim il bouffe n'importe quoi. Déformation professionnelle oblige, l'ancien agent enregistre scrupuleusement les recommandations et indications de l'archer, sans même y prendre garde car tout ce qu'elle se demande à cet instant c'est comment elle a pu se mettre dans une panade pareille.
-
Il adore la glace et le froid quand il a trop chaud, mais il y est très sensible en hiver, faut bien le couvrir. T'as son manteau en fourrure dans le gros sac. Un manteau.
Un manteau en fourrure.
Pour un requin ?
-
On est en juillet Clint. Fait elle remarquer en arquant un sourcil.
Mais Barton continue comme si de rien était, ce qui n'est clairement pas pour la rassurer.
-
T'as son coussin, tu lui colles sur le canapé et tu t'en occupes plus. Il s'entend et communique très bien avec les autres animaux, ça peut servir... Un second sourcil vient rejoindre le premier. Çà peut servir ? Bien sûr !
-
J'envoie pas des bestioles en infiltration pendant mes missions Barton. -
Hum quoi d'autre... Poursuit-il alors que Natasha prie les dieux de tous les mondes pour que la réponse finale soit "rien".
-
Sans surprise il aime la mer. Si tu l'amènes nager sur une plage fréquentée, oublie pas de lui mettre son costume de dauphin pour éviter d'effrayer les touristes. Il adore prendre des bains avec plein de mousse et de jouets, ils sont dans le petit sac. Si tu veux lui faire plaisir donne lui un poisson cru ou fais lui rôtir un gros poulet... A l'évocation du mot "poulet", Jeff relève la tête et agite son aileron caudal comme un chien, tandis que la compagne d'un Tony Stark (qui ne va pas tarder à se prendre un message paniqué) se demande à quel moment elle est tombée dans la quatrième dimension sans s'en apercevoir. Elle devrait peut être appeler Strange en fin de compte...
-
Je crois que c'est tout... Ah non ! Il est très curieux et il adore jouer au super-héros. Fais gaffe à ton matos. -
Ouais, ça je sais... Lâche t'elle dans un grognement, en se remémorant le jour où la micro peluche lui avait piqué un bracelet.
Elle n'était pas la seule victime d'ailleurs. Si elle n'avait pas été aussi mal placée pour la ramener à cette époque, elle se serait moqué de Captain et de Strange, qui s'étaient tous deux fait voler, le bouclier légendaire pour l'un, l'Oeil d'Agamatto pour l'autre, par un requin trognon (s'il vous plait, Strange s'est fait PIQUER l'Oeil d'Agamotto quand même). Et elle les aurait raillés jusqu'à la fin des temps, au bas mot.
Le souci... était bien qu'elle s'était faite avoir comme eux. Donc... adieux les moqueries.
-
Autre chose ? Ironise t'elle alors que Barton se dirige déjà vers la porte d'entrée en mode poudre d'escampette.
-
Ouais. Sa main se pose sur la poignée qu'il tourne, et il balance, juste avant de la claquer derrière lui :
-
Il adore faire les boutiques et se déguiser. Pense à l'amener acheter un déguisement pour Halloween. Et sur ces mots, la porte claque sur une Natasha aux traits décousus.
Elle se précipite vers la fenêtre qu'elle ouvre en grand, constatant que le Clint ne se fait pas prier pour mettre le plus de distance possible entre lui et elle.
-
Halloween c'est dans quatre mois BARTON ! Hurle t'elle à son encontre.
-
Je sais ! Lui répond t'il en se retournant brièvement vers elle avec un sourire que Natasha lui aurait fait ravaler s'ils étaient face à face.
-
Tu me le paieras !!!! Hurle t'elle de nouveau d'une voix presque gutturale.
-
Je sais ! Renchérit-il d'une voix hurlante, mais amusée, alors que sa main s'élève en un salut lorsqu'il grimpe sur sa moto.
C'est... la... merde...
Elle referme la fenêtre et se tourne vers la petite chose qui s'est endormie et ronfle comme un sonneur sur le canapé du salon. En bavant en plus.
-
Mais qu'est-ce que je vais faire de toi...Natasha prononce ces quelques mots à voix basse, dans un sourire.
Il faut reconnaitre qu'il est vraiment mignon. C'est indéniable. Kate et Gwen y tiennent beaucoup, donc il va falloir veiller sur lui sinon elle va en entendre parler un moment.
Mais bon quand même... C'est vraiment la merde.
Deux messages envoyés plus tard, et alors que Nat est assise dans un fauteuil, la porte s'ouvre en grand sur un Tony qui a fait au plus vite, comme d'habitude. Il a sans doute imaginé qu'elle avait impérativement besoin de lui. Ce qui est le cas. Par contre en ce qui concerne la raison de l'impératif... il risque de se fâcher le playboy. Pas grave, un p'tit bisous, un gros câlin, emballé c'est pardonné.
-
Le code rouge en question. Dit-elle en indiquant le sofa de l'index.
Natasha a également contacté Rocket. Il aura peut-être un traducteur universel qui marche avec cette bestiole là. Sur un malentendu... sait-on jamais.