Soirée pyjama ¤ Sharon Carter

Il n'y a rien de plus exaltant que d'être tranquillement attablée en terrasse, lunettes de soleil sur le museau, caramel macchiato glacé en main, à regarder défiler les passants. Et c'est encore mieux lorsque l'on est équipé d'une oreillette qui défie jusqu'au plus faible murmure de rester secret.

Dommage qu'elle ne saisisse strictement rien d'intéressant.
Conversations téléphoniques monstrueusement platoniques, barbantes ou utilitaires du type "Pense à acheter du pain", ce qui revient exactement au même, regard qui se délite selon ce qui l'attire ou lui plaît sur le moment. Absolument rien, mais alors rien d'intéressant.

Natasha jette un coup d'oeil vers sa montre. Onze heures moins cinq minutes.
Sharon est toujours à l'heure, déformation professionnelle oblige, qualité qu'elle apprécie à sa juste valeur chez elle. Il reste donc environ cinq minutes avant de la voir s'approcher de sa table, marchant discrètement mais fermement sur le trottoir.

Elle lui fera sans doute enlever son oreillette dès qu'elle arrivera, journée plaisir a t'elle dit, mais pour l'instant elle n'est pas là et il faut bien s'occuper comme on peut. Ah... quel dommage qu'elle ait oublié son exemplaire de Gala sur sa table de nuit.

Sharon a annoncé une tonitruante "grande nouvelle".
Pile le genre de trucs que Natasha déteste cordialement. Les surprises sont rarement bonnes. Ou, si elles le sont sur le principe, il y a invariablement quelque chose ou quelqu'un qui vient tout foutre en l'air.
Souhaitons que la grande nouvelle de l'Agent XIII soit épargnée par cette malédiction.

D'après ce que la blonde lui a expliqué par téléphone, elle a besoin d'une journée pour décompresser. Après les derniers évènements qui ont agité la vie de Natasha, et sa perpétuelle fuite en avant qui n'a pas tout à fait été solutionnée pour l'instant, elle a reconnu, plus ou moins de bonne grâce, que ça ne lui ferait sans doute pas de mal non plus. Cela a suffit à régler l'affaire, le planning de base de la journée fut décidé en un tour de cuillère à pot.

Café papotage en terrasse en premier lieu.
Puis shopping, longuement, très longuement, avec pour objectif de faire péter une carte bleue qui prend la poussière depuis que Rogue a décampé de New-York et, avec elle, ses frénétiques besoins d'aller acheter des fringues. Un restaurant à caser au milieu de tout ça et, bien entendu, un super apéro pour solder cette journée qui restera parfaite, sans quoi la Veuve Noire va commettre un massacre, à n'en point douter.

Pour tout cela... quoi de mieux que Manhattan ? Rien.

Si elle avait parié, elle aurait remporté un peu de pognon. Dommage, la prochaine fois peut-être.

- Oui maman. Dit-elle d'un ton amusé tout en obtempérant bien gentiment et en retirant son oreillette qu'elle enfouit rapidement dans la petite poche qui trône sur le revers de sa veste en jean.

- A ma décharge, il fallait bien que je m'occupe en t'attendant. Se justifie t'elle en levant les bras au-dessus de son visage en guise de pseudo rédemption.

L'espionne dévisage longuement son amie d'un air attentif, alors que cette dernière s'enquiert de savoir comment elle se porte. Un sourire espiègle se dessine sur son visage, alors qu'elle lui rétorque en une pique bien sentie.

- Pas aussi bien que toi visiblement. C'est quoi cette tête que tu me fais ? Ne me dis pas que c'est l'idée de dépenser quelques billets verts qui te met dans cet état.

A vrai dire... c'est qu'elle resplendit, la Sharon. Comme si elle sortait d'une semaine de vacances entière dans un SPA, ce dont Natasha doute très fortement. Il est déjà difficile d'obtenir deux jours de congés d'affilé lorsque l'on travaille pour le S.H.I.E.L.D, alors une semaine entière... c'est de l'ordre de la douce utopie.

Il est hors de question que l'ex-agent du S.H.I.E.L.D lui parle de ses problèmes. Oh, pas tant parce qu'elle ne lui fait pas confiance, bien qu'elle préfèrerait que son agente d'amie ignore certains détails qui pourraient la mettre dans une position difficile vis à vis de l'organisation. C'est plutôt qu'elle n'a que... eh bien que des merdes à lui raconter à vrai dire. Et ce n'est ni le lieu, ni la journée pour cela.

Ce moment de détente est à l'initiative de Sharon. C'est limite si elle ne le lui a pas imposé par un bon gros chantage affectif des familles. Et, finalement, si Natasha a grommelé tout son soûl les heures qui ont précédé, elle sait qu'elle ressortira probablement de cette journée heureuse et plus détendue que lorsqu'elle y est arrivée. Ce qui ne sera pas très difficile.

- Bon alors. C'est quoi cette grande nouvelle que tu es censée m'annoncer ?

Elle la dévisage en arquant un sourcil, tout en buvant une longue gorgée de café.

- Parce que n'espère même pas prolonger le suspens indéfiniment. Les espionnes n'ont aucune patience pour les révélations, tu le sais ma chérie. Lance t'elle d'un air machiavélique, un sourire terrifiant flottant sur son visage.