[Manitoba] La Chasse Sinistre [PV. Cable]

Grand Nord Canadien


Ces immenses royaumes forestiers, que nulle main humaine n'ose encore réellement toucher, n'ont pas pour habitude de recevoir de visiteur humain. D'ordinaire, les signaux envoyés sont suffisamment percutants pour dissuader même les plus fous d'y pénétrer.

La sécheresse.
Parmi les effets du froid, c'est bien celui qui marque, et étonne, le plus. Elle assaille la peau, les yeux, le souffle, allant jusqu'à s'infiltrer au cœur des poumons, faisant de chaque respiration une tâche un peu plus difficile.
La neige.
Aussi loin au nord, l'environnement tout entier s'est adapté au poids constant de ce manteau blanc, qui étouffe les sons et ralentit les mouvements. Les prédateurs doivent redoubler de prudence pour ne pas faire fuir leurs proies. La discrétion est de mise, sans quoi le risque terrible de rentrer bredouille ne va que crescendo.
Les arbres.
Ces conifères aux larges troncs trompent, bien plus qu'on ne pourrait le penser. Leurs positions, au premier abord chaotiques, semble plutôt faites pour brouiller les pistes, brouiller les sens, et tout faire pour éloigner le malheureux égaré de son salut.

Mais aujourd'hui, une silhouette encapuchonnée se faufile entre ces nombreux pièges, comme s'ils ne signifiaient rien pour elle. Des fourrés, les bêtes les plus curieuses l'observent, sans attaquer, quand bien même l'intrus serait sur leur territoire. Il n'est pas une menace. Pas pour elles. Elles le savent. Elles le sentent.


Il est en chasse.
Depuis de nombreux jours déjà.
Son attention toute entière est concentrée sur cet unique objectif.
Sur sa proie. Sur sa cible. Sur son gibier.
Il vaut mieux ne pas l'en détourner.

- Snff snff.

Les ombres de sa capuche lui font un étrange masque lorsqu'il relève la tête pour humer d'invisibles fragrances. Un léger vent vient caresser son visage, agiter sa barbe, et lui fournir des informations. Beaucoup d'informations.


A cinq kilomètres de là, à l'est, un troupeau de caribous se repose paisiblement dans une clairière lumineuse au bord de laquelle serpente un ruisseau à l'onde claire.
A l'ouest, quelques piètres lambeaux de chair finissent de pourrir sur la carcasse dénudée d'un cerf. La senteur lupine caractéristique, vieille de plusieurs jours, indique sans qu'aucun doute ne soit permis la cause du décès de l'animal. Les loups, eux, sont partis plus loin, toujours plus loin vers le couchant. Et pourtant, le chasseur s'oriente comme il peut, selon ses souvenirs défaillants; malgré ses sens extraordinaires, cela fait plusieurs jours qu'il sillonne la forêt de long en large, sans une miette de succès.
Cela l'enrage.
Cela le pétrit de colère.
Mais moins que la subtile nuance qu'il perçoit dans l'air.
Moins que l'arrivée imminente d'une menace bien réelle, à ses yeux.
Un prédateur qui, lui, ne saura pas rester discret, dans les fourrés.
Un ennemi, qui va nécessiter des mesures drastiques.

Ramassé sur lui-même, dissimulé dans l'ombre d'un sapin, le chasseur retient alors son souffle et...
... serre...
...ses...
...poings.

Une bête sévit dans ces bois.
Un chasseur, un monstre primal. Qui aurait pu être humain.
Qui l'a été, autrefois. Qui l'est moins, désormais, surtout à la nuit tombée.
Un corps et une âme divisés entre l'adaptation à la jungle urbaine et celle, primale, à la survie du plus fort.
Tué ou être tué, se nourrir, perdurer, voilà ce que hurle son code génétique accidenté.
Un Mutant. Ou à minima, un individu modifié avec des gènes supérieurs.

Bien que le nom fût déjà pris, on l'entendit comme une Gargouille.
Un esprit rôdeur, glissant sous l'air vicié de New York.
Cela avait été de courte durée, mais il avait rôdé dans la ville qui ne dort jamais - et prouvé que celle-ci peut baisser sa garde.

Il avait massacré Lori Baumgartner, une new-yorkaise de souche avec de faux papiers. Une criminelle, sans aucune doute.
Une mère, aussi.
Qui l'avait mis en fuite.
Qui l'avait amoché, dans une lutte aux conséquences pyrrhiques.

En l'absence de documents de sécurité sociale, la femme douteuse mais grièvement blessée avait fait appel à la pègre.
On l'avait soignée.
Le crime organisé la soignait, en ce moment-même.

Pour un lourd tribut.

Contre une dette, contractée au nom de sa fille, Lana Baumgartner. Sans existence légale, pareillement à sa mère.

Et la pègre l'avait trouvée. Des hommes de main avaient retrouvé la petite, pour la forcer à travailler pour eux.

Elle ne s'était pas rendue sans combat, fidèlement à celle dont elle était la chair et le sang.

Elle avait lutté, avant de se rendre face aux dialectiques rodées des porte-flingues du racket organisé.

La jeune Lana s'était défendue bec et ongles, mais fini par accepter.

Accepter, de faire plusieurs jobs pour eux afin que les patrons des gangsters assurent le rétablissement de sa maman.

Sauf que la bête avait pansé ses plaies, de son côté.
Car la Gargouille, tel que l'a nommé la rumeur de la rue, ne se contenterait pas d'une défaite.

Que son propre instinct de chasse sans relâche seule ou un double-jeu des malfaiteurs en soit la cause, aucun job n'eut lieu.
Pas pour Lana.
Pas pour Lana Baumgartner, une adolescente, désormais portée disparu.
Une Mutante, comme la chose. Ou quelque chose d'approchant.
Les flics avaient été peu zélés à la chercher, au-delà de la fausse adresse renseignée par le district scolaire.
Si elle n'avait pas d'existence légale, elle avait déjà l'équivalent d'un casier, et les mauvais gènes pour la compassion humaine.
Et ça, Dayspring, né Nathan Christopher Summers, l'homme d'après-demain et Général de la Confrérie, ne pouvait pas laisser passer.

Oui, le combattant de la liberté surnommé Cable était en colère.

Il l'était toujours, en fait.
Constamment.
Pour tout porteur d'espoir qu'il était pour le présent, il n'en était pas aveuglé par une quelconque candeur.
Seule, l'action décisive motivait son rêve pour un monde qui change. Et qui tarde beaucoup trop à son goût.

Qu'importe, il aidera ce monde à changer.
Toujours.
Sans relâche.

L'armée de résistance contre la pensée unique qu'il a rassemblée, de simples citoyens, lui ont donné les faits.
Les premières miettes sur la piste d'un méfait accompli sans une once d'humanité.
Lorsqu'on lui a apporté au QG de Hell's Kitchen les affiches vandalisées, il n'a pas su les ignorer.
Cable, contrairement aux humains en charge, a refusé d'ignorer la détresse de cette gamine.
Il a rassemblé les éléments, alors.
Il a glané les témoignages - écrits, oraux, mémoriels aussi directement à la source des témoins et des sachants.

Lorsqu'il a eu rassemblé les éléments, retracé le fil des événements, Nate a pu ajouter une priorité à sa colère.
Lana Baumgartner a été impliquée dans plusieurs casses, depuis.
Il le sait, quelqu'un dans cette ville utilise des Mutants à des fins aussi secrètes qu'elles peuvent être supposées dangereuses.
Nathan a dans son collimateur des agents renégats de la Couronne britannique et le Club des Damnés.
Il sait, il sent - il savait, il sentait - que ces éléments nocifs préparaient quelque chose de lourd.
Cable, sans connaître les sorts réservés à et par ses frères Mutants dans la communauté, savait qu'on les utilisait.
Il entendait prouver par qui.
Il devrait élucider pour quoi.
Désormais, sa juste colère le conduisait sur une piste.
Celle du comment ces organisations plus que douteuses se procuraient leur main-d'oeuvre soumise et supérieure.

La bête, la Gargouille, était une créature d'instinct.
Elle n'agissait que la nuit, dès lors que ses atouts de prédateur étaient les plus forts.
Dayspring l'avait traquée, incapable de déceler son esprit Mutant par détection mentale.
Coincée dans une traque inexorable, le monstrueux homme-gargouille décrit par les rumeurs avait entrepris de fuir.

C'était mal connaître l'esprit entêté du digne fils de Cyclope. Cable ne se laisserait pas décourager.
Jamais.

Car aucun repos ne saurait lui apporter la tranquilité de l'âme tant que le monde continuera de s'auto-dévorer.

La poursuite sera aussi longue qu'inlassable.
Nate est un soldat, un mystique, un homme avec une mission - pas un chasseur.
Même s'il s'en faut de peu qu'il en clame les compétences.
Son éducation a versé dans le survivalisme et les tactiques de guérilla.
Il a littéralement grandi dans un culte du futur apocalyptique.
Nathan ne démérite pas de son titre de guerrier Askani.
De peu, il manque toujours sa proie.
L'agresseur de Lori Baumgartner et responsable du rapt de sa fille reste supérieur, par pur instinct primal.
Pas une fois le Fils de Demain n'a-t-il même pu croiser son regard - sinon dans les souvenirs déformés par l'esprit des témoins.

Nathan le talonne toujours de près.
Ses moteurs, à savoir sa colère, son bien-fondé et son indécrottable incapacité à renoncer, ne calent jamais.
Malgré le froid.
Malgré le doute.

Jusqu'à aujourd'hui, dans la contrée de Manitoba.
Après une traque sinueuse au Nord de l'État puis à travers la région des Grands Lacs, il n'a jamais été aussi près.

Pourtant, quelque chose cloche.

L'obstination du jeune Mutant, comme trop souvent, l'empêche évidemment d'en tenir compte.

Celui que l'argot new-yorkais a fait surnommer Gargouille est, comme son nom l'indique, pour tout primal essentiellement urbain.
Par nature ou par malice, il a toujours erré là où il pouvait mettre en danger l'homme.
Ici, point de citadins.
Seulement la forêt, à perte de vue.

Nathan régule par télékinésie sa température corporelle en agissant directement sur ses glandes et autres organes.
Ainsi, il souffre toujours du froid, mais le brave selon ses propres armes.

Tandis qu'il s'arrête pour monter un camp de fortune et prier les déités de le conduire demain à sa proie...


Celle-ci pourrait bien l'avoir trouvé la première.

Le temps de mettre un couteau de commando au clair, la bête humaine est déjà sur lui.
Ses griffes lacèrent d'une part sa large cape de voyage ; de l'autre, elles tranchent profondément dans son biceps métallique.
Trop tard pour un coup de schlass.

Nathan réplique instinctivement avec une onde télékinétique, pour repousser loin de lui l'individu bestial.

L'onde de choc est physique.
Elle n'a aucune proportion avec l'onde électrique qui assaille son propre système nerveux infecté par le virus cybernétique.

Un cri résonne, alors.
Celui de Nathan.
Celui d'un Cable qui ressent toute la douleur infligée à son membre métallique, qui la lui fait sentir.

"Rrrrraaaaaaiiieeeeeegh !!

L'écho de son cri traverse la forêt de conifères enneigée.
Les oiseaux s'envolent par nuées, tandis que l'étendue naturelle lui répond avec sa voix démultipliée.

"nghhh..."

Dans un gémissement qui a tout du râle guttural, le fils Summers tente de se relever.
Sa main de chair se referme sur l'éternel membre fantôme, tandis que celui-ci lâche la lame qu'il avait dégainée.

Dans cette immensité de blanc et de végétation, les yeux du jeune Mutant peinent à s'adapter.
Il tente d'identifier la position de celui qu'il n'a pu repousser sans s'épargner une souffrance gravée dans son bras chromé.

D'une pensée visant à le couvrir, sa télékinésie puise dans une de ses poches une grenade explosive.
Celle-ci lévite dégoupillée devant sa personne souffrante, prête à partir dans la direction qu'il aura choisie.

Trop tard pour réfléchir.
Trop court pour viser.
Les mâchoires serrées, Cable balance d'une poussée mentale la grenade au-devant de lui.
Quand celle-ci explosera, il se ruera vers le premier terrain protecteur apporté par un conifère.

Une nouvelle piste.
De nouveaux sons.
De nouvelles odeurs.

Quelque chose est entré dans le champ des perceptions du chasseur.

Un humain.
Un presque humain.
Le goût d'un étrange métal se répand presque dans sa bouche.
Ainsi que l'odeur de la cendre, du sang et de la mort.

Pas de visiteurs dans la forêt, normalement.
Un homme-bête, c'est improbable, pas impossible.
Un gars normal, il est là à dessein. Et quels desseins sautent immédiatement aux yeux de celui qui s'est fait traquer les dernières années de sa vie ? Regagner la base de sa proie. Ou pire, le retrouver lui, pour le capturer. Mais il ne se laissera pas capturer, jamais. Jamais.

Toutes griffes dehors, le chasseur s'avance dans le silence le plus total, en direction du trop bruyant, de l'habitué des jungles urbaines et des déserts post-apocalyptiques. La neige crisse à peine. Les branchages sont évités sans même un regard. L'instinct du prédateur guide chacun de ses gestes.


Enfin, au dernier instant, l'encapuchonné bondit, toutes griffes dehors.
La lumière se reflète merveilleusement sur le métal brillant dont elles sont recouvertes, mais ne parvient pas à dévoiler son visage ensauvagé. Il frappe, une fois. Une seule.
Cela suffit amplement: les lames organiques s'enfoncent avec un horrible bruit de métal déchiré dans l'épaule biotechnologique du jeune guerrier Askani. Premier sang. Si tant est qu'il en coule bien sur l'épais manteau blanc qui recouvre la forêt.
Mais avant de pouvoir réitérer l'assaut, une force invisible primale, puissante, vient repousser le chasseur à plusieurs mètres de là. Il a beau battre des mains, lutter, rien n'y fait, il ne peut y résister. Sa capuche glisse alors, dévoilant un visage... peut-être étrangement familier. Et effrayant.
Wolverine.
En jeune.
Et blond.
Qui grogne.
En même temps, ces griffes là ne trompent pas. Ni cette coupe improbable.
Pas bon signe. Pas bon signe du tout.

- Grrrrrrraaaaarh !


Vociférant, le chasseur ne laisse aucun répit, aucune trêve malgré les cris de douleur, et s'élance à nouveau vers sa cible. La neige crisse sous ses pas, alors qu'il bondit vers Nathan Summers, prêt à... prêt à quoi ? Le dépecer ? L'égorger ? Le découper en rondelles et le déguster ? Nul ne saura jamais; une grenade rondelette vient frapper le prédateur, une seconde avant l'explosion finale.
Le temps se fige. La neige fond instantanément.
La lumière se répand tout autour en même pas une seconde.
La chaleur grandit, et vient abimer les fibres: toutes les fibres. Vêtements et corps compris.

BOOOOM

Nathan peut sentir l'onde de choc se propager.
Normalement, toute menace finit liquidée, au propre comme au figuré, avec un tel équipement.
Mais pas celle-ci.
Propulsé plusieurs mètres plus loin par l'explosion, le chasseur heurte un arbre, qu'il fracasse, puis une souche massive qui se fissure de tout son long au contact.

- Aaaaaaaack...

Il n'est pas mort.
Mais il a dégusté.
Son visage, défiguré, dévoile une grande partie de ses dents. Son nez, en partie arraché, dévoile un trou béant. Un de ses yeux, le droit, est tout simplement mort, un fragment de grenade lui ayant transpercé un globe.


C'est douloureux, c'est handicapant.
Ce n'est temporaire.
Quelques secondes suffisent pour que les choses se mettent à bouger. La Bête ne se met pas à genoux pour prier. Elle ne craint pas la mort, ou s'en fiche. Sa face est cachée. Son corps, tordu, semble proprement innaturel. Etrage. Bizarre.
Horrible est le bruit de la colonne vertébrale qui se redresse, petit à petit.

K-K-K-K-KRAK


Fascinant et répugnant est le spectacle de la peau qui repousse à toute vitesse, recouvrant les innombrables blessures, alors que le fragment métallique dans l'œil s'éjecte tout seul, rendant une vision totale au chasseur.
Qui ressort ses griffes, l'air particulièrement en colère.

SNIKT

L'étourdissement de l'explosion passée en un rien de temps, il s'élance en hurlant et bondit sur Nathan, prêt à l'éviscérer, à l'ouvrir de part en part si la réponse ne lui convient pas. Ou si elle ne vient pas assez vite.

- OÙ ELLE EST ?!!

L'action du projectile explosif arrive à temps.
Juste à temps, en fait.
Pour repousser une nouvelle fois l'assaillant.
Pour casser sa dynamique.
Pour empêcher l'approche la plus naturelle et bestiale.
Pour le rappeler aux limites d'un monde, pas seulement sauvage, mais aussi humain, et surhumain.
Pour offrir, surtout, le temps nécessaire à Nathan afin de se jeter à couvert.

Alors qu'il a vu le visage du danger.
Il a pratiquement senti le souffle de la bête qui venait de le blesser.
Cable a pu profiter de la déflagration pour s'abriter.
Sa cape a brûlé, bien que la fumée aie changé de couleur au contact de la neige.
L'emplacement à couvert de Dayspring est révélé par l'adage.
Nathan le réalise immédiatement, bien que la fumée se dissipe, le feu a dévoilé sa position.

Le visage de Nathan Summers émerge de derrière un tronc calciné.
Le visage furibard et sinistré de la créature blonde le fixe, hurlant quelque chose.
Nate soulève un sourcil.
Malgré le danger réel et sérieux posé par la bête humaine aux griffes acérées, une forme d'étonnement prend le dessus.

À sa blessure inédite, infligée par un alliage organique inédit, vient s'ajouter la demande inattendue du fauve blond.

Nate Summers a été blessé.
L'épaule de Cable est réduite en rubans de métal infectieux par les griffes du sauvage mutant.
Le virus techno-organique a été atteint dans sa forme.
Mais pas dans sa fonction.

Alors, tandis que Cable souffre d'une telle blessure pour la première fois, une blessure infligée à la jointure corrompue de son bras malade, le virus techno-organique fait ce que fait un être vivant blessé. Il fait la seule chose pour laquelle il a été programmé, en effet. Il lutte pour sa survie. Il envahit et infecte les cellules saines, proches de son intégrité endommagée. Il ronge et grignote le territoire organique offert par une clavicule du jeune Mutant futuriste.

Puisqu'il est infecté par l'adamantium.

Puisque le poison de métal est empoisonné par la morsure de l'Adamantium.

Le virus techno-organique prévaut.

Le virus techno-organique ronge la chair et l'os de l'enfant soldat, autour de sa plaie.

Il renforce l'assise de son pouvoir sur Cable, étant blessé mais virulent par nature - par dessein.

Nathan refuse d'être dévoré par son virus.
Être affecté par une maladie mortelle, c'est se battre aujourd'hui pour ne mourir qu'après demain.
C'est une lutte pour la vie et contre toute raison.
C'est le combat d'une vie. Le premier, et le dernier.
C'est, pour Nathan Summers, une application constante de sa propre télékinésie mutante.
Une guerre de l'esprit contre le temps.

Ni le corps, ni l'esprit de Cable ne peuvent lutter contre l'éruption virale causée par sa blessure.
Il peut faire beaucoup de choses mais ça, non.
Son combat quotidien est de retarder la progression du virus techno-organique.
Le terrain de toutes ses batailles est le Temps lui-même.

Alors, Nathan n'arrête pas le virus.

Il arrête le temps.


L'orage tachyonique que Cable a déchaîné à partir des radiations de ses cellules brûle le temps en un instant gelé.

Seulement quelques fractions de secondes avant que son système nerveux lui rappelle combien il fait un avec le virus.

Quelques milli-secondes avant la fin du silence.

Il regarde l'homme en face de lui.
Une milli-seconde, puis deux, et deux-cents.

Il voit ce jeune homme hirsute.
Pas une bête, ou pas seulement.

Il se remémore la requête, l'exigence hurlée par cette bête humaine.

Où est-elle.

Cable ne comprend pas, tandis que ses synapses servent aussi à le rappeler au présent dans lequel le virus interagit.
Le virus échange des informations avec son système nerveux, en permanence.
Bloquer le temps ne peut le bloquer bien longtemps.

Nathan ne peut pas mener deux combats à la fois.
Pas s'il est blessé.
Pas s'il est face à deux assaillants si virulents.

Lorsque le temps reprend, James Hudson reprend lui aussi ses mouvements, le fil de ses sentiments.

À ce moment, Cable doit céder.

À cet instant précis, sans perdre une milli-seconde cette fois bien réelle, Nathan se jette sur le dos.
Il tend sa gorge au prédateur.
Il se donne, vulnérable, au mâle alpha.
Cela va contre tout son être. C'est à l'encontre de sa personnalité.
Mais il le fait. Pour la raison qui le pousse à user 20% de sa télékinésie chaque instant contre le virus.
Pour survivre.
Pour survivre à aujourd'hui et toujours sauver demain.

La progression du virus au-delà de l'épaule est le prix à payer pour sa blessure. Il n'est pas en capacité de s'y soustraire.

La soumission de Cable à la bête humaine en relance est forcée, stratégique.
Elle manque de sincérité, et cela pourra se voir. Se sentir.
Mais Nate ne feint ni ne contrôle la douleur infligée par son virus dévoreur de chair.
Alors, à terre, exposé et vulnérable, Nathan ne tend pas un piège - même s'il peut en paraître ainsi.
Il va à l'encontre de tout sens d'honneur en lui, et attend de l'autre la magnanimité.

Dans une situation qui ne fait pas sens, où il est en danger... Il attend que les réponses viennent, quitte à ce que leur vérité s'avère brutale.

Sauf que... Non.
Son esprit obstiné refuse d'offrir la domination.
Ni au virus - que sa télékinésie stoppe net à mi-parcours de l'omoplate.
Ni à l'adversaire organique, brutal, sanglant, auquel il a tenté de se soumettre.

Même si ce n'était pas un piège, Cable cesse consciemment de sacrifier sa gorge au jeune homme engagé.

Il ouvre un oeil, puis l'autre.
La flamme surgit de son orbite gauche.

NON.
Pas de reddition.
Pas de compromission, ici.

Alors que plus de la moitié de sa télékinésie occupé une lutte de territoire dans sa chair et ses os...
... Le reste de son puissant pouvoir kinétique mental se déchaîne autour, sur le blond bestial et son environnement immédiat.

Rien.
Il ne concède rien.
Pas la défaite, et pas un centimètre carré de plus à l'infection qui progresse sur son corps.

Pour un Mutant Oméga, l'impossible n'est rien - et la défaite, un non-sens.

La puissance déchaînée de son esprit déchire le tissu moléculaire alentours.
Le froid glacial se transmute presqu'instantanément en une fournaise nucléaire sur un rayon de plusieurs dizaines de mètres.
Dans le même temps, sa jeune stature s'élève dans les airs.

"Ta demande a été entendue !"

La voix de Nathan Summers ne déraille pas.
Elle résonne dans l'air chauffé à vif.
Elle ne défaillit pas.

"Entends ma réponse : RIEN !!!"

Ce n'est pas un soldat ni un visionnaire qui s'élève au-dessus de celui que son esprit s'applique - littéralement - à briser.
C'est un messie courroucé, une créature blessée dans sa chair mais surtout dans son orgueil - qui resurgit, ici, décuplé.

"Tes désirs sordides ne sont RIEN comparés à ma Volonté ! Tu tomberas. Puis, tes maîtres !!!"

Nathan, ici galvanisé, canalise la tempête de particules bouillantes en un tourbillon, une tornade brûlante. Une aura verticale.
Si la zone autour reprend son calme avec les dernières cendres qui retombent, Cable est tout aussi immobile au milieu du tube de molécules agitées.

Il n'attend plus aucune réaction du fauve à tête blonde.
Il n'attend rien.
Il affirme.
Sa supériorité, d'abord.
Sa puissance.
Sa volonté de vivre libre et invaincu, toujours.

Un Messie, donc ?

Capable d'altérer la trame même du temps, de manipuler le flux de particules qui compose l'univers pour l'utiliser à son avantage, de lutter contre un ennemi mortel et un virus tout aussi dangereux dans le même temps... oui, peut-être que Nathan Summers est le Messie de la Mutanité. Peut-être qu'il peut prétendre à ce titre, à cet honneur. Mais le seul Messie que la Terre ait connu n'a pas bien fini. Du tout. Et le chasseur n'a que faire des prétentions et velléités d'un jeune orgueilleux affublé d'un pouvoir bien trop grand pour lui. Devant lui se dresse un émissaire de sa proie, un obstacle supplémentaire, une menace qu'il doit abattre pour continuer.
Prendre cette vie ne lui fera rien. Ni peur. Ni regret. Ni remords. Ni tristesse. Tout au plus sera-t-il un peu ému de vicier d'un rouge vital le manteau blanc alentour. Mais pas bien plus. Ses instincts sont plus grands que tout, plus forts que tout.
Plus puissants que les démonstrations de puissance de cet inconnu.

Mais...
La douleur est réelle.
Le feu nucléaire déployé ravage les alentours sur plusieurs dizaines de mètres, faisant s'évaporer la neige et chassant la vapeur, arrachant l'écorce des arbres, puis les arbres eux même. Le chasseur se prend de plein fouet les décharges d'énergie, mais il tient droit, il tient debout; il tient bon, là. Ses cheveux sont balayés, sa peau également. De larges portions de chair sont emportées par le vent apocalyptique. Mais il tient droit, il tient debout; il tient bon, là.


Son visage se crispe.
Rares sont les êtres à avoir subi de telles conditions.
Encore plus rares sont ceux à s'en être sortis. Mais ce n'est pas tout.
Car il accomplit l'impossible: il fait un pas.
Puis un autre.
Puis encore un autre.
La colère nourrit ses muscles, pourtant privés de tout.
Son cri, long, intense, témoigne de la toute-puissante souffrance qu'il ressent.

- Aaaaaahoooouuuuck !

A chaque vague particulaire, un peu plus de son être se détache, pour se reformer l'instant d'après. Très vite. Mais ça y est.
Il vient de dépasser le point de non-retour.
Ses pensées ont tout simplement disparu. Il n'est plus qu'une volonté, tendue vers un seul et simple objectif: tuer. Tuer l'horreur qui fait si mal. Eliminer la source. Frapper jusqu'à ce que mort s'ensuive. Le chasseur n'est plus qu'à quelque pas, défiant toute logique. Pas bien longtemps, toutefois. Car après ces efforts herculéens, non loin du gamin à l'œil enflammé, il ralentit... jusqu'à s'arrêter.
Un voile noir passe devant ses yeux déjà vides de toute conscience.
Tomber à genoux.
Sa chair grésille avec une odeur abominable.
Puis s'évanouir totalement, sans demander son reste.

L'inconscience bienvenue le délivre enfin de ses maux.

Cable a... pété un câble.
Les mots sont faibles pour le dire.

Nathan Dayspring Summers, déchiré entre interrogations, danger, impasse tactique et un orgueil qu'il ne se connaissait pas, a été dans l'excès. Il a agi comme un dieu fier et colérique. Il a impacté le terrain et la végétation pour des décennies à venir. Il a purement et simplement massacré son adversaire.

Ce n'était pas son but.

La colère était sienne, amplifiée par la frustration de la traque et les méfaits qu'il lui attribue.

Mais s'il avait poursuivi la soi-disant gargouille de New York avec le châtiment dans le coeur, il cherchait d'abord des réponses.
Qu'il n'avait pas eues.
Qu'il aurait... Si l'autre survivait au degré de punition biblique que Nathan venait de lui infliger.

La véritable tempête moléculaire déclenchée par sa télékinésie de niveau omega se calme.
Les particules reprennent autant que possible leur place désignée, sur commande mentale du jeune Mutant.

Il repose délicatement le pied sur un sol fumant.

Il regarde la bête qu'il a terrassée - ce qu'il en reste.
Des os pratiquement décharnés, essentiellement.
Un squelette métallique et lourd, avec quelques blocs de chair épars et frémissants dessus.
Sa télépathie de niveau alpha repère de la vie, plus et pas encore réellement consciente, mais capable de prospérer encore.

Le puissant psychique ne peut qu'être impressionné par une telle vitalité.
Cette volonté de vivre de la chair blessée de son adversaire impose l'admiration - ou l'horreur, et sûrement les deux.

Il soulève cet être trop affaibli pour se relever - mais qui le fera, Nathan l'a déjà décelé.

Le poids des restes partiellement métalliques est important.
Trop, sans doute, pour Cable après l'énergie et les efforts qu'il a déjà déployés.
Peu importe la fierté virile désormais, cela l'aide à choisir la voie la plus rapide. La plus sûre, donc, vu que la régénération agit déjà.
Sans lâcher de son étreinte le corps grouillant déjà des premiers tendons régénérés, il murmure hésitant :

"Bodyslide... Par... Un... Heu... Par deux... ?"

L'appareil mobile de téléportation à commande vocale réagit à la demande.

Cable disparaît dans une sorte de flou lumineux.
Mais, le processus familier lâche des bruits inhabituels.
Un éclair tout à fait inédit clôture la téléportation, et Nathan réapparaît dans une cabine de bûcherons non loin de là.

Il sait qu'il pourra y trouver des cordes pour ligoter son adversaire avant que celui-ci ne puisse reprendre forme humaine.

D'ailleurs, il jette un oeil sur ces cordes destinées à déplacer des arbres.
Il les voit plus clairement que jamais, chaque détail.
Sans même avoir déclenché son sens télékinétique, ses cinq sens en détaillent chaque aspérité.
L'odeur, le visuel, même le goût de l'air qui le sépare des cordages sont intenses. Présents, et intenses.

D'autres éléments sensibles divisent son attention à travers toute la cabane.
Son souffle se fait court.
Ses nerfs, pourtant solides et terriblement évolués, surchargés.

Il prend son visage dans ses mains.
Douleur intense.
Mais le cri refuse de sortir.

Lorsque finalement son regard désorienté se reflète dans le verre d'un miroir.


L'homme dans la glace est Cable... Et Wolverine.
Ni Nathan, ni son adversaire inconscient, mais une sorte de fusion des deux !

Un simple squelette.
Voilà tout ce qui reste du chasseur, après la tempête.
Les particules ont déchiqueté son corps, ses muscles, sa chair, presque entièrement.
Nathan Dayspring Summers n'y est pas allé de main morte, anéantissant complètement son adversaire. Et les arbres. Et le sol. Et tout ce qui peut se trouver aux alentours.

Mais le chasseur n'est pas bête facile à tuer. Déjà, des filaments de chair rampent sur les os brillants d'adamantium. Ils s'attachent à l'exact endroit où ils doivent être, pendant que d'autres émergent à nouveau, comme par magie. Comme par mutation. Ce n'est pas bien beau à voir, et nul doute que ça n'ira pas en s'arrangeant. Petit à petit, le corps se redresse, reprend forme, à une vitesse proprement stupéfiante. Plusieurs minutes, si ce n'est dizaines de minutes seront nécessaires pour reformer un corps viable, toutefois. Et le jeune Cable entend bien mettre à profit ce temps bienvenu.

Maladroitement, malheureusement.
Car s'il bénéficie d'un outil de téléportation ô combien efficace, les erreurs humaines persistent.
Elles persisteront toujours, comme l'atteste ce qui se passe dans la cabine de bûcherons.
La fusion totale des deux hommes.
Qui n'en forment plus qu'un.

Le chasseur, encore aux portes de la mort, ne réagit pas. Même si Nathan peut déjà commencer à ressentir des fourmillements étranges, comme si son corps ne semblait pas s'accepter lui-même. Comme si son propre ADN voulait jaillir à l'extérieur. Cela reste encore supportable, pour le moment.
Contrairement à ce qui se passe dans sa tête.
Des flashs, des souvenirs, nombreux. Quelques uns heureux. D'autres terribles. Et le reste, pires.

James "Jimmy" Hudson.
C'est le nom du chasseur. Un nom qu'il a oublié. Un nom perdu sous un épais tissu cicatriciel dans sa mémoire. Un gentil gars, fougueux, voulant croquer la vie à pleines dents, comme dans une pomme bien fraîche.

Mais si une pomme a bien compté, c'est la Grosse.
Et ce qu'elle a subi.

Des break news TV, en direct.
Nombreux.
Mjölnir subtilisé, et utilisé pour commettre l'indicible.
New-York submergée.
L'Europe gelée.
Des millions de morts, des catastrophes irréversibles.
Les mutants condamnés à la haine et au mépris éternels.
Et un nom, un seul sur toutes les lèvres, celui du fou furieux à l'origine de tout ça: Magneto.

La douleur, intense, d'un accident de voiture.
Puis, celle tout aussi rude, des premières griffes.
Et celle, plus sourde, de découvrir qu'il est le fils de Wolverine, un père sacrifié pour abattre Magneto.

La peur.
D'abord d'être haï.
Puis d'être une cible.
Puis d'être traqué.
La survie est dure, les mutants sont peu nombreux.
Et la haine se répand comme une traînée de poudre, engendrant des cultes et des monstres robotiques mortels.

Le désespoir.
Avec la mort d'un univers.
La mort de Terre-1610.
Et la survie, encore. Car c'est ce qu'est Jimmy Hudson.
Un survivant. En exil, perdu, isolé, mais un survivant. Un immortel.

Un immortel qui a attiré l'attention des mauvaises personnes.

La solitude.
Un laboratoire, froid, obscur.
Une cuve dans laquelle on l'a plongé, nu.
Des tortures, nombreuses. Des tests précis, scientifiques, horribles.
Et un nom: Miss Sinister.

Une touche d'espoir.
D'autres mutants, qui l'ont trouvé. Qui l'ont aidé.
Jean Grey. Scott Summers. Robert Drake. Henry McCoy. Warren Worthington.
Jeunes. Des voyageurs temporels. Des amis, désormais.

La vengeance.
Contre ceux qui lui ont fait du mal.
A commencer par Miss Sinister. Qu'il traque comme un animal depuis plusieurs jours, plusieurs semaines ou plusieurs mois; le temps n'a plus aucun sens dans l'esprit ensauvagé du chasseur.

Chasseur qui se réveille alors, dans un corps pour deux.
Mais qui n'est plus totalement le chasseur. Ce qui ne l'empêche pas de se débattre, accélérant encore une régénération cellulaire étrange. La sensation de fuite, de séparation devient proprement horrible, autant pour Jimmy que Nathan. Et Wolverine ne peut rien y faire, piégé qu'il est dans ce corps qui n'appartient à personne.

À la lisière de sa conscience, Cable est agressé par les messages.
Des messages contradictoires.
Des sensations qui ne lui appartenaient pas, une minute plus tôt.


S'il n'a pas une mémoire éidétique, Nate a comme tout un chacun des souvenirs.
Un vécu, qui le suit.
Qu'il a en mémoire.
Qui, ici, n'est pas le sien.
Qu'il ne se connaissait pas, et que son cerveau vient d'intégrer.
Que son corps, sa banque d'informations normalement issue de l'expérience, a, et n'avait pas.

Il y a un autre monde.
Un monde perdu.
Un monde... déchu.


C'était une autre terre.
Mais pas... un autre temps.
Pas un futur, pas une possibilité qui saurait être évitée.
Un souvenir. Réel, palpable. Terrible.
Une réalité.
Une autre réalité.
Qui n'est pas possible.
Qui est pourtant... tangible.
Qui est réelle, là, pour lui.
Qui l'a été.
Qui n'est pas possible. Mais qui est, ou plutôt était.
Qui a disparu, dans la quasi-extinction.
Plus qu'une décimation, un véritable déluge.
Que n'a pu arrêter aucun pouvoir.
Qui n'a pu qu'être relatée que par le cinquième pouvoir, la presse.


Une réalité tangible, et qui pourtant n'est pas.
Le mantra des Askani ne sauve pas leur Dayspring de croire à cette réalité, à ce vécu pourtant inconciliable.
Ce qui est, est... Ce qui a été n'est pas.
Ce qui a été, a été vécu. Mais n'est pas passé.
Mais s'est passé, finalement.
Définitivement.
Inéluctablement...
Avec les regrets qui vont avec.

La peine.
Le deuil.
Le chagrin.
La... colère. La rage.

Le goût du sang et des larmes.


L'odeur de l'amitié, une sensation de meute.
Et, alors...

Le goût de la glace dans l'air.
La sensation de plumes qui se meuvent proches à chaque respiration.
L'odeur corporelle d'une bête ; d'une autre bête.
Et... Son visage. Celui de Jean. Maman.
Et la douce chaleur rassurante d'un autre sourire. Une sensation inédite, celle d'avoir un guide, lui... père.

Cable se perd dans le regard de Jean, telle qu'il ne l'a pas connue... mais sent l'avoir vécue.
Il se perd, surtout, dans la sensation d'être proche, protégé, dirigé par ce mâle alpha, ce Scott qu'il n'a pas connu.



Pourtant, quelque chose pique.
L'amer sens de l'abandon est là, toujours là.
On les lui arrache encore.
Toujours, au fond de lui.
Il sera toujours leur orphelin.
Il l'est encore, dans ce vécu nouveau et si complet... Si complexe.
Il est celui d'un autre, aussi.
Un qu'il a déjà entrevu, alors possédé par un Klyntar... Logan : Wolverine.
Son identité se noie.
Le nom de son père, ce Logan, ce Howlett, ce... ce père qu'il n'a jamais eu, qui n'est pas le sien... se noie.
Pas dans la vague - Oui, il y a eu une vague - mais dans la masse.
Dans le nombre, dans la masse.
Dans le deuil, et dans les innombrables inconnus.

Des anonymes.
Des civils.
Des héros costumés, hauts et en couleurs.
Vibrants. Courageux. Vivants.
Balayés.
Détruits, pour seulement quelques survivants mortellement endeuillés.
Comme lui. Comme pour Logan.
Notamment par lui. Magneto.


L'homme qui lui tend la main dans Hell's Kitchen.
L'homme qui lève son poing rageur.
L'homme - le Mutant - qui écrase le monde comme un Dieu prêt à tout ensevelir derrière lui.

Pour tout son esprit...
Pour toute son intelligence...
Pour tout son cerveau d'homo superior...
Pour tout son sens de l'identité, complexe, ancré, sûr...
Pour tout son entraînement télépathique, la distinction apprise entre son esprit et les autres...

L'autre réalité est plus forte.
Le vécu étranger, le nouvellement acquis, est trop intense.
Malgré sa propre expérience, ses propres pouvoirs, toutes les certitudes qu'il a pu construire...

Les sensations qui construisent ces souvenirs sont trop intenses.
Les sens exacerbés qui en ont bâti la solidité, le sentiment prégnant de réel est... Trop. Trop intense. Trop réel. Trop profond.

Trop... Lui.
Cet être inconnu qui s'est fait sien - leur, d'une manière irréconciliable avec la notion d'identité - prend le dessus.

Nathan n'a pas le contrôle.
Il n'a plus le contrôle de son être, de son vécu. De son identité.

Et donc, il plie.
Il ploie.
Il a cédé, dès lors que cette conscience double s'est éveillée.

Le monde extérieur n'est rien, pour Nathan, là.
Enfermé à l'intérieur, dans une vie intérieure qu'il n'a pas connue, et qu'il sent pourtant avoir expérimentée.
Même son mantra s'est effacé.
Ce qui est... est absurde. Et puissant. Et impossible. Et réalité.

Nate n'a plus le contrôle de ses sens, depuis que la vie intérieure est à lui à subir...
... Et le monde extérieur livré à un autre esprit, primal, abîmé, capable envers et contre tout de se protéger.
Un esprit libéré des chaînes de la conscience de son passé.
Une âme sauvage, perpétuellement affranchie de devoir gérer le traumatisme.
Un corps maudit de tenir, d'oublier, d'avancer.
Capable de se remettre de tout... Pas comme lui. Pas... par l'esprit. Mais par nature.

Et... Les griffes.
La douleur.
La puissance.
La bestialité.
Le pouvoir de déchirer, de lacérer, de libérer de... Tout.

Les griffes.
Leur pouvoir.
Leur violence.
Leur capacité à briser... Tout.
Même les prisons de l'esprit, ici.


Sa réalité se fractionne, alors, comme Cable se fie à la violence tant contenue par deux êtres.
Il détruit les barrières. La barrière. La croûte qui affleure, qu'il sent.
Cable la perce. Et voit.

Il le voit dans le miroir - un homme, un inconnu, deux inconnus, deux mais un - qui se lacère.
Deux violences faites une, qui se déchaînent.
La peau, le sang, l'étoffe.
Tout vole.
Tout est arraché.

Il impose sa conscience retrouvée, sa méthode, au phénomène.
Rien ne devient plus clair, mais Cable maintient le cap.
Il canalise sa violence, à lui.
Il frappe et percute et rassemble les électrons, les membranes, les cellules. Les synapses.

Au terme d'un incroyable déchaînement de violence du corps, de l'esprit, du triomphe de l'acharnement.

Deux redeviennent, chacun, un.

Deux corps, deux esprits obstinés reprennent leur unité respective.

Mais ils sont cernés.
Ils sont acculés par une tempête.
Non, pas une tempête : un orage de métal et d'échanges électriques.

Le virus techno-organique, qui a dû faire souffrir le corps lorsqu'il appartenait à l'autre.
L'entité symbiotique cybernétique qui a été rejetée brutalement, subitement, par la supériorité de la chair et de l'esprit.
Nathan n'avait pas réalisé son absence, l'absence dans son esprit à devoir le canaliser.

Il est là.
Il est pourtant là, ici, tout autour, prêt à refermer ses griffes sur les deux êtres reconstitués.

L'autre a dû le gérer, quand ils étaient un.
Le corps de l'autre, sa chair supérieure a pu permettre avec la télékinésie acharnée de Cable d'en prévaloir.

Tous deux le voient, maintenant, former des cercles de chrome et d'étincelles, autour d'eux.

Mais Nathaniel le connaît bien.
Il connaît bien cette chose, cette infection qui les veut.

Et il décide.
Il décide de la reprendre.

Il aspire chaque particule de métal techno-organique en lui, par un rayon tracteur de son énergie mentale.


Cable, Nathaniel Dayspring, reprend son fardeau.
Il en reprend le poids familier, menaçant. Presque rassurant.

"... Fait chier."

Il aurait pu espérer éviter cette balle.
Il la mord à pleine mâchoire.
Il laisse l'infection familière regagner son bras, ses doigts, ses terminaisons nerveuses.

Puis, Nathan Christopher Summers fixe l'enfant sauvage en face de lui.
Il érige une barrière télékinétique en-face de lui, pour s'en protéger et aviser. De façon létale s'il le devrait.
Il a effleuré ses blessures, ses joies, ses peines et ne saurait les oublier.
Nathaniel Summers ne saurait se protéger des expériences douloureuses de James.
Il ne sera pas prêt pour autant à faire la douloureuse expérience de James si celui-ci venait à se déchaîner encore.

Les griffes d'adamantium sont sorties, prêtes à déchiqueter.
Ces lames mortelles sifflent dans l'air, tranchant chaque atome avec une précision extrême.
Des armes de choix pour une bête. Pour un monstre chasseur.
Mais le chasseur n'est plus.
Il n'y a plus que James Hudson. Jimmy.
Monstre, peut-être. Sûrement même.
Mais monstre apaisé, là.
La vive douleur psychique, causée par la déchirure mémorielle, a ramené une conscience humaine dans ce corps de chair et de métal ballotté par les derniers événements. Il était temps, avant que le pire ne se produise. Avant que mort s'ensuive. Pas la sienne, évidemment.

Nu comme un ver, replié dans un coin de la cabine de bûcherons, Jimmy inspire et expire, avec une force toute régulière, comme pour calmer ses instincts premiers: le combat, la fuite, la violence constante. Ce qui serait loin d'être une bonne idée étant la faiblesse généralisée dans laquelle se trouvent muscles et esprit. Après tout, encaisser une désintégration nucléaire suivie par une fusion physico-psychique avec un messie techno-infecté venu du futur, ça a de quoi laisser quelques séquelles.
Et rendre chafouin.
Dans sa barbe, qui a d'ailleurs repoussé en même pas dix secondes, les yeux un peu fous, le jeune mutant gronde, grogne et marmonne des choses incompréhensibles. Jusqu'à ce qu'enfin son regard se calme, et se fixe sur Nathan:

- Fais mal. Fais chier...

Cette fois, les mots sont bien distincts et semblent être dirigés vers le mutant à l'avenir-passé post-apocalyptique. Pas particulièrement violents ou accusateurs, malgré la teneur des propos. Juste... grincheux. Un peu. Comment pourrait-il en être autrement, après tout ?

- ... mais merci.

C'est rauque.
C'est douloureux.
Ca lui arrache les cordes vocales.
Mais il peut parler. Enfin. Et cesser de grogner.

Se dépliant doucement du coin dans lequel il s'est réfugié, Jimmy montre les dents à chaque fois qu'un de ses muscles lui rappelle les deux derniers affrontements, et les rigueurs du froid canadien. Ce n'est pas encore bien fameux. Et pourtant, la seule chose qu'il parvient à se dire, c'est que "ça va mieux". Il a en tête une grosse partie de ses souvenirs et pas mal de ceux de l'inconnu -enfin, de l'ex-inconnu, vu le partage précédent- , mais ça va. Deux mémoires, c'est mieux que pas du tout.

Enfin totalement remis, et debout, il ne réalise pas immédiatement qu'il lui manque... eh bien les attributs vestimentaires humains classiques. Ce qui ne tarde toutefois pas, et entraîne un nouveau grognement, gêné cette fois.

- Avant qu'on se mette à causer, t'aurais pas des fringues à me prêter ?

Nathan regarde James dans sa tenue d'Adam.
Rien qu'il n'aie déjà vu en partageant ses souvenirs.
Mais, bon.
La requête est légitime.
Il fouille dans l'une des poches de son bandolier, et balance au griffu une capsule pas plus grosse qu'un pouce :

"Tiens c'est cadeau : inducteur d'image. Et si tu sais pas où le mettre..."

Kid Cable étend les bras autour de lui dans la maisonnette.

"C'est une cabane de bûcherons... Tu devrais trouver une chemise à carreaux et un futal robustes par-ci par-là !"

S'il y avait eu de la malice dans les propos du jeune Summers, il n'en montra rien.
Il avait initialement prévu de ligoter le jeune homme avec une corde, mais ça n'était plus d'actualité.
Ils avaient partagé... quelque chose. Une expérience mémorielle, un corps... C'était assez pour le traiter avec égard.
La tension était retombée, et Nate sentait que l'autre était sincère dans son apparent apaisement.

"Je crois pas que tu sois celui que je cherche."

C'était brusque, certes.
Les règles de la diplomatie et du thé de mise en place en prenaient un coup.
Il semblait à Nate que jouer la montre serait la pire des stratégies ici ; ça tournait à la course de désrientation jusque-là.
Pas le temps de briser la glace.
Mieux valait alors plonger les deux mains dedans, quitte à se brûler de s'y être risqué.

"J'irais quand même jusqu'à dire qu'on m'a mis sur ta piste à dessein. Je pense qu'on nous observe. Qu'on nous a observés là-dehors. Alors qui que tu cherches... C'est pas forcément celui que je cherche mais ils sont liés, j'dirais, et le fil d'Ariane est tout proche."

C'était beaucoup de mots pour un inconnu.
Mais Jimmy - James, Wolverine - n'était plus un inconnu, plus vraiment.
Or un étranger que l'on intègre c'est la définition pour Summers d'un Askani.

D'abord, seul le sifflement du vent canadien accueille le cadeau et les mots de Nate. Pas méprisant ou malpoli pour un sou, ce silence résulte surtout du besoin profond de Jimmy Hudson de reprendre ses esprits, d'assainir ses pensées, de remettre de l'ordre dans sa tête. Une entreprise bien difficile quand l'univers lui-même fait obstacle à sa réussite. Ce n'est qu'une fois convenablement vêtu d'un nouveau sweat à capuche vert et d'un jeans délavé qu'il se tourne vers l'Askani pour hocher la tête de remerciement.

- Hrm.


Puis, à nouveau, Jimmy le laisse parler, résumer brièvement la situation, mettre des mots sur le danger qui pèse sur eux. On se joue d'eux, on les berne, on les manipule comme des marionnettes pour accomplir de bien obscurs desseins. Une sensation ô combien désagréable, qui n'appelle qu'une conclusion: couper les mains du marionnettiste.

- Miss Sinister.

Le jeune Nathan Summers n'est pas à sa poursuite. Pas encore.
Mais pour une âme aussi chevaleresque que celle du jeune Messie de la Mutanité, de tels agissements ne sauraient sûrement pas être tolérés. Ni contre des humains, ni contre ses frères Mutants. Et ça, Jimmy le sait, Jimmy le sent; il l'a perçu dans l'esprit surpuissant de son allié.

- Je crois que tu l'as vue.

Là-dedans.
Dans l'esprit encore morcelé de Jimmy, la silhouette inquiétante de la clone de Mister Sinister est apparue entre deux flashs de douleur, entre deux images d'un horrible laboratoire, entre deux inspirations bienvenues après une longue plongée en cuve anesthésiante. Le sort des malchanceux qui viennent à tomber entre ses mains démentes. Celui du jeune survivant de Terre-1610 également, jusqu'à ce que les produits abrutissants injectés cessent de faire effet... jusqu'à sa fuite, donc.


Comme un loup découvrant un nouveau milieu, Jimmy longe les murs faits d'énormes rondins, comme s'il cherchait quelque chose... en reniflant. En humant. En recueillant les mille-et-une informations que recèlent l'air autour d'eux.
Et s'il ne capte rien de particulier, impossible de se détendre; un danger menace toujours de s'abattre sur eux.

- Elle joue. Avec les mutants. Expérimentations. Test. Tortures. Avec nous aussi.

Nathan et James. Dayspring Summers et Hudson Howlett. Utilisés l'un l'autre pour s'entre-éliminer, et affaiblir suffisamment le survivant pour faciliter sa capture. Le plus fort des deux ferait sans nul doute un ajout de choix dans la base génétique de futurs et bien sombres projets.

- Sa base est dans le coin. J'essayais de la retrouver quand...


Immédiatement, Jimmy se crispe, se contracte.
Le vent a tourné, au sens propre comme au figuré. Et il sent, entre les fissures du bois, au-delà des flocons neigeux, quatre odeurs. Celles de proies devenues des prédateurs. Des maraudeurs. Des survivants de la Terre-1610. Des gens qu'il n'était certainement pas pressé de revoir.
Et il entend, tout autour de lui, le chuintement subtil du métal qui frotte contre le bois. Comme si des dizaines et des dizaines de petites griffes en adamantium étaient retirées de planches, de poutres ou... de rondins. Une grimace de compréhension naît sur ses lèvres, alors qu'il se tourne vers Nathan, le regard empreint d'une urgence totale.

- BOUGE !

Il vient brutalement pousser son allié de circonstance jusqu'à la fenêtre la plus proche et, au dernier moment, quand les craquements cessent enfin, il l'y catapulte. Le bruit du verre qui se brise ne suffit pas pour couvrir le fracas des nombreux troncs qui s'effondrent soudainement vers l'intérieur de la cabane, ensevelissant sous eux le griffu resté sur place.

Dehors, le froid est maître.
Insidieux, il s'infiltre partout.
Et pourtant, Jimmy préfèrerait mille fois subir ces assauts glacials que subir le poids de ces tonnes de bois qui l'étouffent, qui l'écrasent, qui l'empêchent de bouger, d'agir alors que s'approchent les odeurs qui l'ont mis en alerte.

- Eh bien, eh bien, eh bien... tu t'es débarrassé du louveteau sans nous ? Dommage, j'avais des comptes à régler avec lui.

Une jeune femme en combinaison s'avance, poing sur la hanche, vers l'accident. Vers Nate.
Ses cheveux bleu électrique tranchent nettement avec la nature environnante... tout comme l'athlète aux cheveux argentés, l'afro-américain ailé et la japonaise à armure psionique qui l'accompagnent.
Nomi Blume, alias Mach-II la magnétokinésiste.
Pietro Maximoff, alias Vif-Argent le bolide.
Derek Morgan, alias Gardien le faucon.
Hisako Ichiki, alias Armor la protectrice.

Les Nouveaux Maraudeurs.
Les agents de Miss Sinister.

La théorie d'un complot d'opportunité contre eux semble se confirmer rapidement...

James résume à Nathaniel Christopher Summers le pourquoi de sa venue ici et de son hostilité.
Ou plutôt pour qui.
Miss Sinister.

Le nom lui évoque quelque chose, de son expérience dans les souvenirs de James Hudson Jr...
Mais aussi de par son Histoire personnelle.
L'alias, les méthodes et le teint de craie lui évoquent Nathaniel Essex, le sombre eugéniste dont l'ombre entache sa famille.


En effet quel que soit le lien, les similitudes sont frappantes.

Et puis, la réalité rattrape les conjectures.
Oui, Ms. Sinister est basée dans le coin ; l'intrusion de ses sbires ne peut qu'en attester.

D'abord, des bruissements, puis, le fracas ; et une vision qui fait voir rouge au fils de Scott Summers.
Le Gardien, le bourreau qu'il a poursuivi depuis New York ; lequel s'avère être loin du plus redoutable de ces Maraudeurs.


Nate ne s'attarde pas à détailler l'ensemble des forces mobilisées ici.
N'écoutant que sa colère, il fond sur L'afro-américain aux allures de gargouille pour venger les Baumgartner.

Il entend Nomi Blume, mais ne l'écoute pas.
Dayspring n'a que la brute Derek Morgan en tête ; il ne saurait garder la tête froide, confronté à l'individu qu'il entend punir ici.

Et de toute sa rage, de toute sa colère, Nathan Christopher Summers use de toute sa vivacité pour tâcher d'attraper le griffon.
Un réflexe purement humain ; il entend le confronter de la manière la plus personnelle qui soit.

L'autre fait une manoeuvre d'évitement.
Évidemment.
Il était préparé à l'affronter - à les affronter tous les deux.

À défaut d'avoir le jeune Wolverine à cibler, la quasi-totalité des Maraudeurs effectue une attaque coordonnée sur l'Askani.


Avec l'adrénaline, on pourrait penser que sa douleur ne viendrait pas tout de suite.
Il n'en est rien.

L'assaut des Maraudeurs missionnés par Ms. Sinister est brutal ; violent. Implacable.

Sous le voile de son sang qui coule déjà sur son visage, Nathan ne cherche toujours qu'une seule cible ; malgré l'évidence.
Il verrouille son regard sur Derek Morgan, même si celui-ci est loin de lui infliger les plus gros dégâts.
Il focalise sa concentration, surmontant autant que possible le calvaire déchaîné par le groupe impitoyable.
Il le repère, le visualise par ses sens de manipulation de l'esprit et de la matière...
Et fait pleuvoir le sang du croquemitaine.


À ces mots, Christopher Dayspring Summers fait littéralement éclater ce qu'il reste de la baraque dans une puissante onde psionique.
Finis les espaces restreints.
Finie la mêlée.
Seul le sang dans la neige arbitrera l'issue de cet affrontement, désormais.

Nathan Dayspring Summers est puissant.
Plus que puissant, même, il survole et de loin le niveau de chacun de ces Maraudeurs interdimensionnels. Son entraînement du futur l'a rendu apte à survivre, en tout endroit, en toutes circonstances, en tout temps. Et la résistance qu'il déploie ici a de quoi impressionner.
Mais ce n'est pas assez. Ce n'est pas assez, car il est seul contre quatre, seul contre des combattants rompus à la survie, eux aussi. Seul contre des pantins, des marionnettes animées par la volonté d'un monstre sinistre. Et malgré toute sa force, Cable est ici aveuglé, par ses émotions, par le sang qui coule sur son visage, par une rage guerrière implacable.
Seule cible des Maraudeurs, il ne réussira pas.


Nomi Blume active encore une fois ses pouvoirs, et vient agripper tant bien que mal le métal techno-organique qui recouvre l'épaule de Nathan. Ses doigts magnétokinétiques, engourdis par le froid, fatigués, peinent à saisir la carapace; ce matériau lui est d'autant plus étranger. Mais cela suffit pour retenir son ennemi, et le laisser à la merci de Vif-Argent, Gardien et Armor. Qui s'en donnent clairement à cœur joie.

- Arrête de remuer, ce sera bientôt fini.

Ils s'acharnent, avec une hargne impressionnante.
Pour autant, ce jour ne marquera pas la fin du jeune Nathan Summers, revenu d'un lointain passé pour absoudre tous nos péchés. Car un hurlement, un rugissement même, vient déchirer la nuit.

- RAAAAAAAAAAAAAAAAAAAH !

Immédiatement, les quatre mutants cessent leur tabassage en règle, pour observer autour d'eux. La peur leur saisit les tripes, l'angoisse les étreint. Leur cible initiale s'est réveillée, et constitue désormais une menace. Surtout en tandem avec le psionique endolori.

SNIKT

Personne n'entend les lames de métal organique jaillir de leurs fourreaux de chair. Personne ne sent le subtil changement dans l'air, qui annonce l'assaut du prédateur. Personne ne capte le bruissement de la neige que l'on écrase pour avancer. Personne ne réagit, car personne n'a le temps de le faire. De nouveau bête, de nouveau chasseur, Jimmy Hudson jaillit et vient percuter Nomi, qu'il envoie bouler quelques mètres plus loin. Les lignes ennemies sont brisées, enfoncées, il est désormais temps de faire un carnage.
Avant que Vif-Argent ne puisse réagir, trois griffes d'adamantium viennent lui transpercer la jambe de par en part, sectionnant muscles, tendons et raclant l'os. Pas de pitié, même pour son demi-frère. Son cri de douleur résonne dans les environs. Le chasseur le frappe ensuite en plein plexus, et se redresse, la bave aux lèvres.


- Je vais vous crever. Tous.

Et ce n'est pas une menace.
C'est une promesse, qu'il entend bien tenir. Seul... ou à deux.
Faisant confiance à son allié d'infortune pour s'occuper d'Armor et Gardien, Jimmy vient bondir toutes griffes dehors sur la seule qui peut désormais se dresser en travers de sa route: Mach-II. Il sent immédiatement le contrôle magnétique venir ralentir ses mouvements... mais pas pour bien longtemps. L'adamantium organique commence à refluer, à disparaître, au désespoir de la jeune femme qui voit l'heure de son trépas approcher à grands pas.

Nate Dayspring Summers était conquérant.
Il était furieux, et déchaîné ; focalisé sur un parmi quatre opposants féroces.
Seul contre eux tous.
Ou presque.
Sa compagne d'infortune, l'infection techno-organique, demeure... et se fait la cible d'une coriace adversaire.

En effet, Nomi Blume, la magnétokinésiste Mach-II, se saisit des éléments métalliques du corps de Cable.
Difficilement, malheureusement pour elle.
Suffisamment, malheureusement pour Nate.

En lui et sous le joug de Mach-II, le virus réagit ; il veut vivre.
L'infection techno-organique de Nate Summers veut conquérir - non pas être arrachée.
L'intelligence primitive de la maladie futuriste supplie son hôte... en vain.


Cable quant à lui n'a pas le temps de reconnaître ce qui lui arrive qu'il est déjà roué de coups.
Les poings hypervéloces de Vif-Argent.
Les serres sauvages de Guardian.
La force psionique incroyable d'Armor.

Les émotions de Nathan vont à deux-cent à l'heure.
Douleur. Terreur. Colère. Impuissance. Souffrance. Rage.


Il tente de se recentrer.
Il ne voit que son sang, arraché avec les morceaux de la bogue de métal.
Car Nomi Blume le maintient, comme du bout de ses ongles magnétokinésistes... et les trois autres se le partagent comme un sac de frappe.
La chair, le métal, la concentration du Mutant... volent en éclat.


Il sent les impulsions nerveuses du virus bionique s'agiter pour le co-opter, pour que lui le protège.
Son mal est conscient. Et refuse de quitter sa biosphère : Nathan lui-même.
Mach-II n'a pas la capacité de l'arracher, seule ; mais elle n'est pas seule et l'hôte pourrait ne pas survivre.
Le virus techno-organique sent la fin de Nathan comme possible et imminente, dans ce combat inégal.


Dayspring ne fait que subir.
Le virus perçoit cela et s'en affole, envoyant des joules dans ses terminaisons nerveuses...
... Mais Cable Dayspring, lui, n'y peut rien.
Le moindre de ses talents dépend de sa capacité à se concentrer ; ce qui lui est impossible, ici.

Et puis, quelque chose change.


Mutatis mutandis - ce qui devait être changé, l'est.

Nathan sent le vent changer sur tout son épiderme.
Ou plutôt, il est un souffle qu'il ne subit plus ; Vif-Argent est hors-course.
Ce qui change tout.
Ou ne devrait pas tarder.

Car à travers ses propres cris d'agonie et l'écho des coups qui lui sont assénés, Nathan Summers entend une promesse.
Celle de Jimmy Hudson, le Wolverine nouveau et différent, avec qui il a partagé beaucoup pendant un instant.
Une promesse donc, celle de les saigner, comme Dayspring leur a lui-même juré...
Alors, oui, tout va changer.

Le temps que Nathan relève les yeux d'un coups de serre brutal, son regard croise celui de Derek Morgan.
L'homme - le Mutant, si c'en est un - est déjà amoché de l'attaque sanglante délivrée par Cable auparavant.

Par-dessus son épaule, le guerillero du futur remarque Vif-Argent, lourdement blessé.
Il repère la cause d'un effet qu'il ne réalisait pas encore : Nomi Blume est prise d'assaut par Jimmy.

Ce qui, instantanément, le libère du joug magnétique de la jeune femme.

L'infection techno-organique, sa triste compagne - en un sens, sa croix - est toujours là.
Il en est le gardien, aussi étrange que cela puisse être.
Ce mal qu'il porte depuis enfant pourrait faire bien plus de dégâts hors de son corps, et il y est réintégré.
C'est... étonnamment, un soulagement.
L'un et l'autre n'ont pratiquement jamais connu d'autre vie qu'ensemble, tenus en respect.


Nathan Dayspring se relève, pour faire face à la menace conjointe d'Armor et Guardian.





De manière surprenante, le virus techno-organique s'élève avec lui... sous la forme d'une unique griffe de métal organique.

D'une pensée, il soulève la neige sur les deux silhouettes de ses assaillants pour éblouir leurs sens.

Puis, à travers un brouillard kinésique de neige, enfonce la lame d'acier techno-organique là où il croit déceler Guardian...

Or, un immense pied de champ de force psionique vient appuyer dans le creux de son dos, envoyant le jeune homme dans la neige.



Le sang de Derek Morgan est projeté dans la neige, mais cela ne console pas Dayspring, qui patauge dedans sous le coup des attaques coordonnées du Gardien blessé et d'Hisako Ichiki.

Wolverine se redresse.
Les cris de peur de Nomi Blume ont cessé. Ses sanglots endoloris s'étouffent dans un gargouillis sanguin.
Le bruit de son cœur s'amenuise peu à peu, comme ses souffles d'ailleurs, de plus en plus espacés, de plus en plus faibles. Son corps se fait froid, difficile à mouvoir, et un voile noir recouvre peu à peu son regard effrayé. C'est la fin, songe-t-elle. Et elle a raison. Elle se meurt. Avec, comme dernière vision, le visage bestial et barbu de son bourreau.

Vif-Argent, à côté, rampant dans la neige comme un vermisseau, tente de s'éloigner tant bien que mal, à super-vitesse. Son instinct de survie lui hurle qu'il est le prochain, qu'il doit s'échapper ! Et il a raison. Sauf qu'il n'est pas assez rapide. Pas assez fort. Pas assez hargneux. Il est une proie, ici, dans ce grand nord glacial. Surtout face au chasseur. Surtout face au Wolverine.


Derek Morgan, lourdement blessé, prend quelques secondes pour reprendre son souffle. Ses plaies le lancent, et chaque mouvement d'ampleur vide un peu plus ses veines de leur précieux liquide. Hors de question de mourir ici, chez ces ploucs de canadiens ! Alors repos. D'autant plus qu'Armor gère très bien toute seule leur ennemi commun, épuisé, mis à terre par les premiers assauts. Cable peine, et souffre des frappes violentes de ses adversaires.

A aucun moment Guardian ne vient à douter de l'échec de ses alliés, tout soumis qu'ils sont à la volonté de leur cruelle maîtresse.

Pourtant, quelque chose de dur vient heurter l'arrière de son crâne.
Une grosse balle moite, ou un rocher plutôt massif, sûrement. Mais lorsqu'il pivote illico pour faire face à la menace, l'horreur le saisit: une tête. Humaine. Féminine. Grimaçante. Aux cheveux bleus.
Très vite suivie d'une autre. Masculine. Grimaçante elle aussi. Aux cheveux d'argent.

- Je suis là.


Le rouge vient encore salir le blanc, gouttant à intervalle régulier depuis les griffes brillantes du chasseur blond. Un chasseur échevelé, couvert de sang chaud, aux fripes déchirées, sans aucune gloire si ce n'est celle bien suffisante de survivre. Et celle de tenir la promesse proférée il y a quelques minutes déjà.
L'odeur ne trompe pas: Derek Morgan s'affole face à cette vision de cauchemar. Ses ailes, abimées, ne parviennent qu'à s'agiter bêtement, alors qu'il tente de faire volte-face pour fuir entre les arbres de Manitoba.

Dans un grondement, Jimmy Hudson s'exprime:

- Et ça va être votre tour.


Délaissant la proie assez stupide pour laisser une piste de sang derrière elle, le Wolverine bondit sur l'armure psionique d'Hisako Ichiki pour la lacérer à grands coups de griffes indestructibles, créant failles, trous, ouvertures, et libérant surtout Nathan Summers de l'acharnement de la jeune exilée dimensionnelle.

L'Askani'son réalise à peine de quel monde intense est débarqué le jeune Wolverine.
Le barbu n'a pas vingt-cinq ans, mais sa sauvagerie est celle d'un guerrier millénaire.
Il tue, mutile et décapite... pour leur survie commune. Pour laisser libre cours à une rage qui n'a d'égal que dans un environnement hostile... Ultime.


Les griffes affûtées en adamantium sont le seul matériau capable de transpercer le champ de force de la Mutante de Terre-1610 - mais l'ultime Wolverine de cette réalité ne se contente pas de traverser l'enveloppe psionique : il la lacère. Un exploit qui sur ce monde-ci n'a jamais été que théorique, mis ici à l'épreuve de la réalité.

Comme ses deux autres coéquipiers tombés au combat, Hisako-1610 réalise qu'elle a survécu jusque-là uniquement faute d'avoir trouvé un adversaire à la démesure de ses propres talents mutants.


Et, pour la première fois dans ce monde, cette Hisako Ichiki est terrorisée.

Dayspring Askani'son assiste à une véritable danse mortelle entre les deux Mutants issus de thérapie génique.
Un tel affrontement serait du petit lait pour le tyran darwiniste En Sabah Nur.
Nate, pour sa part, y voit toute la souffrance d'un monde impitoyable, nécessaire mais qui n'aurait jamais dû voir le jour.


Le sang reflue dans la bouche et les poumons du Messie futuriste.
Il se relève péniblement.
Son dos lui fait un mal de chien.
Autour de lui, les têtes et les organes tranchés de Pietro et de Nomi Blume tiédissent la surface du sol enneigé.

Il sent la mémoire et la fureur des ancêtres de l'Armor d'une autre réalité à travers le bouclier psionique de celle-ci.
Si elle n'a pas de parenté directe avec les autres Mutants de sa Terre, elle n'en est pas moins gonflée de force psychique en tant que l'ultime bastion de la mémoire de ses ancêtres.


Condamnée comme ses ascendants à la mort et à l'oubli, l'enfant de Mothervine se bat avec l'énergie des désespérés.
L'esprit sensible de Nathan, le télépathe qui a aimé le Monde, en est presque submergé.

Il lutte, comme sans propre sang bouillonnant, pour pouvoir refaire surface.


Au milieu du sang versé, il perçoit la piste ferreuse et unique de celui de Derek Morgan, l'homme qu'il a poursuivi inlassablement jusque dans ces terres isolées.

L'esprit psionique du jeune homme poursuit alors la piste, envoyé semblable à une tête chercheuse dans le sillage du fuyard ailé.

Il en oublie Ms. Sinister, le monstre qui a fait plier le genou à ces désespérés.

Il ne pense qu'à l'idée fixe qui l'a fait avancer à travers le froid glacial et les fausses pistes, dans cet affrontement qui ne peut être qu'un piège.

Il impose sa volonté de fer à son propre corps en pleine hémorragie, pour amener son être et sa matière jusqu'à la position à couvert du Mutant de cet univers si intense, un pas douloureux après l'autre.


Le sang continue de s'écouler dans le corps et dans la bouche du jeune homme, qui fixe son esprit sur la position changeante de l'homme de Claudine Renko.

New York était sa ville.
Celle des X-Men, celle où jadis Magneto avait fait pression sur l'ONU.
Celle, rebaptisée Applecrust, qu'il avait rêvé d'arpenter deux mille ans dans le futur.
Le melting-pot et l'épicentre de ce qui s'efforçait de compter dans ce monde.
Un lieu-saint, faute d'un terme plus adapté.

Alors que le corps de Nate courait à l'agonie, son esprit plus déterminé que jamais s'était emparé de celui de Derek Morgan.
Leur conflit n'aurait pas seulement lieu dans la neige, où ils s'échangent des coups d'animaux blessés ; mais sur le plan astral.


Où l'esprit de Nathan est sans égal... du moins, face à un simple Maraudeur.
La puissance mentale d'un jeune Cable au corps près de rompre y plie la psyché de Guardian tel un papier froissé.
Il tord et compresse l'esprit du Mutant de Terre-1610 jusqu'à ce qu'il n'en reste qu'un disque effacé, à jamais corrompu.


À la lisière du paysage mental où il vient de triompher sans équivoque, il sent dériver la mémoire des ancêtres Ichiki, qui alimentaient l'armure de leur héritière.
Il laisse leur essence s'écouler près de lui, et avec elle la détermination contre la mort.


Les hallucinations ont commencé.
La lumière est intense, semble-t-il, au bout du tunnel ; il ne la suit pas.

Le jeune Mutant psionique reprend le contrôle de sa matière physique, usant de ses dons de télékinésie de rang oméga pour réparer, retisser, filtrer ou coaguler là où c'est nécessaire.

Il se relève, apparemment guéri, mais avec une emprise limitée sur ce qu'il se passe au-delà de son organisme.

Il ignore le vrai du faux, dans cet instant vulnérable où les visions de l'agonie persistent au-delà de la réalité tangible.

Il croit la voir.
Jean - ou Madelyne, ou peut-être sa soeur Rachel, Mother Askani.

Il s'avance dans la neige maculée, le corps réparé mais endolori...


Et l'esprit confus.

Une migraine de tous les Diables, pour couronner le tout ; non pas qu'il s'en préoccupe en cet instant.

Ca y est.
La Gargouille est morte.
Dans l'esprit, en tous cas. Dans l'âme.
Son corps, libéré de toute contrainte comportementale, se recroqueville pitoyablement dans la neige, baignant peu à peu dans une petite flaque de sang. De sa bouche coulent d'apathiques gémissements, un signal clair aux prédateurs de la zone: une proie sans défense n'attend que d'être cueillie. Si, et seulement si ils n'avaient pas tous fui avec le vacarme causé par la lutte des mutants.

Pourtant... Nathan Summers n'est pas en paix. Cette victoire lui a coûté, temporairement du moins. Hanté par d'étranges visions, il fend à pas lents le voile blanc qui couvre la lisière des bois, vers les profondeurs de la forêt. Grâce à ses formidables dons d'Omega, force et solidité lui reviennent; mais que peuvent-elles faire quand c'est l'esprit lui-même qui joue des tours ? Sûrement rien.

Ou peut-être pas.
Mais la main qui vient se poser sur l'épaule endolorie de Nate vient couper court à tout cela. Une main amicale, bien que salie de rouge.

- Mon gars.

James Hudson est là. Echevelé, épuisé, couvert de haillons déchirés témoins de la bataille qu'il a dû mener face à l'Armor venue d'ailleurs, le Wolverine se tient debout dans le froid du grand nord. Son âme frissonne encore, rendue extatique par la fureur du combat, et la simplicité apparente de la situation: les ennemis sont passés de vie à trépas, les alliés ont survécu. Point. Pourtant... l'amertume vient mordre aussi sûrement que des griffes le pauvre Jimmy. Pietro, Nomi, Derek, Hisako... tous les quatre sont des fils et filles de la Terre-1610; parmi les derniers, même. Leur avoir ôté la vie, c'est avoir détruit un petit peu plus les derniers souvenirs d'un monde disparu.


C'est pourquoi sa voix est lourde quand Hudson tire un peu Nate vers lui, pour le ramener à la réalité.

- C'est fini.

Oui, c'est fini.
Hisako se repose également dans la neige, d'un sommeil éternel.
Comme tous les autres. Comme tous ceux qui ont ou qui vont s'opposer à eux.

L'œil humide, bien que certain de sa plus totale légitimité, le fils de Mothervine reste planté là, sans savoir trop quoi faire d'autre avec cet étrange inconnu, ce nouvel ami, ce rival intime, ce frère de fusion. Avec la plus grande difficulté du monde, par manque d'habitude surtout, il tire sur les muscles de sa joue pour former un vague sourire en coin... qui dévoile une canine extrêmement pointue, fille solitaire d'une dentition irréprochable quoique pas méritée.

- Ca... va ?

Elle est là.
Juste devant lui.
Il la voit, et sent sa propre enveloppe, l'enveloppe du soi, la membrane spirituelle qui retient son être, chauffée à blanc.

Il la voit. Il la sent. Elle est là... L'a-t-elle toujours été ?
La divine mère. Elle. Le Phénix.
La force, la vitalité et la finalité.
Celle, qui conspire à la vie, son épanouissement, son chaos et son accomplissement.

Elle.
Sa mère égarée. Sa mère prodigue. Sa sœur vénérée.
Elle tout entière. Elle intemporelle.
Elle... Celle qu'il ne connaît pas. La part d'entièreté qui échappe aux érudits de la chronologie.

Blessé, humilié, relevé il l'a trouvée.
Inconnaissable, elle l'a trouvé.

Il pourrait la toucher du doigt.
Sous cette forme, il n'y survivrait pas.
La membrane de son être s'efface à mesure que sa conscience se rapproche de la sienne...
Puis, il sent une main sur son épaule.
Et tout change.

L'esprit de Nathan Christopher Summers, le Dayspring, l'Askani'son, ne peut soutenir la profusion de lumière...
Puis, le vide. Ou presque.

Le souffle des commencements est désormais changé à sa perception.
Il n'a pas soutenir le regard face à des millions d'années de vie et de renaissance... Pour en arriver là.
Face au Phénix encore...
Le murmure à la fin des temps.


Lui... Qui ?

Le calme de l'explosion n'était que confort et familiarité ; la violence de l'achèvement n'est que souffrance et dévotion.
Au doux sein enveloppant succède le grondement sourd, la cendre amère, la perte de sens.

Lui... Qui ?
Le Phénix ?

Les griffes brûlantes noient son enveloppe dans un bouillonnement qui n'a pas de fin - qui est la fin.

Il sent les griffes l'approcher...

Lui...? Lui ?

Il sent les griffes, rétractées, embrassées par les chairs chaudes de sang et de lutte.
Le souffle asséché...
Jimmy.

Nate sort de transe.
Il entend le jeune Wolverine l'appeler à lui - sous le tambourinement de son palpitant qui lui envahit les tympans.
Un appel... un tambour de guerre.


D'un geste bien humain, Nathaniel essuie le sang à demi-séché sur l'arête de son nez, d'un revers de la main.
Il sort d'une étrange communion - d'une expérience inédite, malgré les années de méditation.


Il sent la violence et la fureur, brûlante et froide, présentes, persistantes.
Il se tourne et le voit.
Lui... Qui ? Qui sera-t-il pour lui... pour le monde ? Cet homme brutal et brisé qu'il ressent désormais comme son frère.
Ils auraient tant à se dire. Ils n'ont de mots, ni que d'intelligence émotionnelle seulement pour les choses les plus brutes.


Il est de retour.
Semblable et inchangé.
Le même et autre.
Toujours... à jamais.
Solitaire, mais jamais seul.

Le monde connaîtra sa souffrance... et la leur.
La violence de leur union. Leurs noms murmurés avec crainte et fascination. Leurs destins, croisés et inéluctables.
Ils sont là. L'instant est là. Ils sont en vie, assez pour se jeter jusque dans le prochain bain de sang.
Et le monde ne connaîtra pas de merci, pas plus qu'il ne leur en fera don.
Et le monde connaîtra de nouveau les noms de Cable et Wolverine.

- Summers ?

Le silence du jeune Cable surprend Jimmy.
Le sang ne coule plus de ses blessures. Il se tient droit, solide sur ses appuis. Mais... son esprit est ailleurs. C'est la seule conclusion possible. Dans le calme retrouvé de la forêt canadienne, l'Askani'son s'est perdu, alors que rampe au sol la coquille vide de toute humanité de Derek Morgan. Sans la moindre hésitation, le griffu s'avance jusqu'au corps abruti par les pouvoirs psychiques, et... l'achève, tout simplement. Ses lames viennent mettre fin à de bien pathétiques derniers instants, avant qu'ils ne s'éternisent davantage.

Seul un soupir vient trahir la fatigue du jeune homme, quand il se redresse.

Les blessures, les combats, la fusion, le tourbillon atomique... tout cela a repoussé les limites de son facteur régénérant, prouvant encore une fois que savoir tout encaisser peut être tout aussi efficace qu'un bon blast cosmique des familles. Cela a cependant un coût, et il est à parier que Jimmy dormira bien et longtemps dans les heures qui suivent.

Un petit bruissement dans la neige, et le voilà de nouveau près du fils de demain, en proie à des visions et des démons que le fils d'un autre univers ne peut même pas imaginer. Impuissant face à ce qu'il ne peut déchirer de ses griffes, il prend alors le parti d'attendre; d'attendre le retour de celui avec lequel il a tant partagé, l'espace de quelques minutes; d'attendre son réveil, si tant est qu'il se réveille après ces aventures; de l'emporter avec lui pour trouver un guérisseur, sinon. Cela ne s'avèrera pas nécessaire: Nathan Dayspring Summers regagne le monde de la conscience, et communique; communie.

- Hrm.

Ils sont désormais là pour ça, tous les deux.
Les deux compères, rapprochés par une expérience commune, soudés tant dans l'âme que dans le corps. Mutants, mais différemment. Unis par des liens inter-familiaux qu'ils ne soupçonnent peut-être pas encore. Jalousie, rivalité, colère, dégoût, amour, haine... tant de choses à dépasser... ou à reproduire. Seul l'avenir le dira, et leurs actions.

Et leur avenir les dirige ailleurs, loin des neiges intenses du Manitoba.

- Non. J'ai fait parler Armor. Claudine Renko s'est enfuie. Laboratoires détruits.

Dans ses ultimes instants, trois griffes de métal plantées dans la poitrine, Hisako a parlé. Son âme, trop lourde, libérée du joug de Miss Sinister, s'est allégée d'informations plus qu'utiles pour le duo nouvellement formé.

- Elle a emmené leurs modèles génétiques. Eux, ce ne sont que des clones.

Il désigne d'un mouvement du menton le corps encore chaud de Guardian. Et par là-même, l'ensemble des New Maraudeurs qui sont tombés ce jour, dans le froid. Des copies, imparfaites, incomplètes, créées pour servir d'armes de guerre au service d'une idéologie eugéniste révoltante.

Quelques secondes de silence passent, et la main de Jimmy vient à nouveau trouver l'épaule de Nate. Un signe de réconfort, de soutien, mais également un moyen de ne pas trop vaciller: le contrecoup de ces jours de traque se fait maintenant ressentir.

Mais il leur reste encore une dernière mission, avant de retourner à la civilisation.

- Allez mec. On enterre nos frères et sœurs, et on y va. Y a plus rien à faire ici. Sinon verser des larmes.

Des clones...
Des doubles dimensionnels, un monde en ruines... Et maintenant, des clones.

Cable avait gagné un frère, aujourd'hui. Un frère de sang, prêt comme lui à faire couler le précieux liquide.
Mais il avait aussi rencontré un monde de clonages et d'intrigues sophistiquées venu percuter celui qu'il avait déjà.

Il croyait connaître l'Histoire.
Il en avait découvert une autre.

Il pense toujours devoir sauver le Monde, et les peuples qui le sillonnent.
James - Jimmy, Wolverine - a déjà perdu le sien. Il a perdu les siens. Mais le combat de ce jeune homme continue.
Leurs combats continuent... et ne font que commencer, ensemble.

S'il aurait préféré un combat final face à l'instigatrice de tout ça, Cable n'en était plus capable de toute façon.
Sa migraine et le délire duquel il venait de sortir pouvaient en attester.

Ils se tenaient sur une pile de cadavres de clones.
Qu'ils allaient devoir enterrer, avec humanité, comme le suggérait le jeune Wolverine.

Cable ne savait rien des rites du présent, encore moins ceux du monde d'où ils venaient.
Aussi se fierait-il au jugement de son nouveau frère mutant. Il n'était pas homme à imposer sa foi.

Des clones...
Il fallait que ce soient des clones.


Cela valait pour la situation, mais c'était surtout le nom de l'ennemi intime, et désormais commun.
Il/elle ne perdait rien pour attendre.

Nate rabat la capuche de sa pèlerine pour arrêter un tant soit peu la morsure du froid.
Il étend ses sens télékinésiques pour trouver une pelle à neige, dans la cabane voisine.
Le jeune homme venu des couloirs du Temps prend le premier tour, et creuse jusqu'à sentir la chair s'arracher de ses doigts.

Jusqu'à sentir ses muscles gagnés de paralysie.
Puis il passe la pelle au Wolverine, se réfugie dans son épaisse cape, adossé à un monticule de neige.
À tour de rôles, ils retournent le terrain... Juste pas de la manière dont ils l'espèrent. Mais bientôt... Bientôt.