[Tribeca] Tinker, Soldier, Mutant, Avenger (Rogue)

Dans un logement de Hell's Kitchen sous-loué par une étrange créature, une lumière intense précède un écho assourdissant.
Le voyageur est revenu à temps.





Le voyage est d'environ dix millénaires.
Le trajet est instantané.

Nathan Dayspring Summers Askani'son abandonne la sorcière Séléné à son affrontement contre Kulan Gath.

Son premier déploiement temporel a été couronné d'un succès tout relatif ; sous une identité sommaire de guerrier mercenaire, il a gravi les échelons d'une armée hyboréenne.

Il n'en réclamera ni médailles ni galons.
Seule compte l'expérience accumulée.

Seul compte l'accroissement de sa légitimité pour celui qui se fera un jour passé surnommer Soldier X.
Ce jour-là n'est pas arrivé.
Ce nom est déjà gravé dans les disques durs du S.H.I.E.L.D. et les articles d'Irene Merriweather.
Ce nom qu'il n'a pas encore choisi, il est destiné à s'en affubler, un temps.

Aujourd'hui, il est Stryfe - une identité empruntée à un sinistre döppelganger, qu'il entend racheter - Général de Magneto.

Aujourd'hui, il est Cable - un nom de guerre déjà connu de ceux qu'il n'a fréquentés qu'à travers la Bible des Askani et les récits de voyageurs temporels - le jeune Vengeur.

Hier, il y a cent siècles, il a croisé le fer aux côtés d'un cimmérien.
Il a appris beaucoup du fidèle de Crom, ce vieux bâtard assis sur sa montagne qui se rit de l'humanité.

Il est Nathan Charles Christopher Summers, et il est en avance.


Il est en retard.
Le monde a besoin de Cable.
Tout ce qu'il a, c'est le jeune Dayspring Askani'son.

Le Maître du Magnétisme lui a tendu la main, espérant Dieu-sait-quoi de leur collaboration.
Erik l'a sollicité pour être son Général.
Kid Cable a beaucoup à apprendre, y compris d'un X-Man radicalisé, plus amer que lui envers l'humanité.

Quoi de mieux qu'un stage avec responsabilités chez les activistes pour apprendre - y compris de leurs erreurs...

Il avait promis d'être opérationnel rapidement, pourvu que le Temps ne lui fasse pas défaut.

Le premier semestre d'Histoire option seigneurs de guerre mutants vient de s'achever à l'ère hyboréenne, alors il prend le temps de repasser ce qu'il a appris en travaux dirigés avant son rendez-vous.

Les Vengeurs étaient une toute autre histoire.

Une sorte de famille dysfonctionnelle, vue de l'intérieur bien différente de ce qu'en disent les commentateurs - à moins de prêter du crédit aux J. Jonah Jameson et aux Sally Floyd de ce monde.

Loin des clans fondés sur le sang versé de l'Histoire de la mutanité, ils étaient des novices sur le grand échiquier.
Des veaux d'or qui avaient bien failli finir sous la mer, quelques semaines plus tôt.

Un assemblage hétéroclite qui n'avait pas la chance de bénéficier des merveilles de la Salle des Dangers.

Un groupe qui, à sa grande frustration, connaissait bien plus de dieux qu'ils ne se connaissaient eux-mêmes.
Un sentiment qui ne lui parlait que trop bien.


Alors qu'il s'avance dans le lieu de rendez-vous, la poussière cent fois centenaire s'envole en panaches sablonneux des froissements de sa pèlerine.
Il salue, demande un quadruple espresso allongé dans un verre à latte puis la direction des commodités.

À peine le temps d'évacuer la pisse d'âne que l'on sert sur les bivouacs des groupuscules hyboréens que l'on appelle une version absolument transmogrifiée de son nom.
Il lui faudra une seconde pour pouvoir faire le lien.

Appuyant par la force de la pensée sur le pousse-mousse et le levier du robinet, le jeune homme laisse sa télékinésie procéder à la friction et au nettoyage de ses doigts de bébé.
Ce faisant, Dayspring sort à un rythme tout à fait pédestre du bloc sanitaire afin de clamer l'usufruit de son breuvage.




Peut-être le rustre d'un certain cimmérien avait-il déteint plus qu'il n'avait pu le croire, ou Cable était-il simplement déjà un peu plus Cable qu'on pouvait l'attendre.

Il se disait que le passage vers la vieillesse se faisait dans la tête. Quelque chose à voir avec la maturité, la sagesse ... Peut-être le fait d'avoir des enfants, ou bien de payer ses impôts ?

Difficile à dire.

Surtout quand, comme Rogue, on avait une myriade de personnalités qui venaient s'affronter sur la question en permanence, au regard du corps qu'elles occupaient.

Et manifestement, aujourd'hui, ce n'était pas une vieille qui s'était occupée de la garde-robe.


Elle s'était présentée, comme tous les matins, pour prendre l'un de ces absurdes Pumpkin Spice Latte avec une viennoiserie quelconque dont les affreuses coffee shop ablateurs d'identité de quartier avaient le secret.

Et, son casque sur les oreilles, elle tapotait sur le clavier de son ordinateur portable en préparation de l'un de ces cours à l'Institut Xavier.


Elle salua le premier passage du jeune Cable, qui n'avait vraisemblablement pas fait d'effort pour s'intégrer à la vie civile, d'un hâtif signe de la main. Signe discret qui lui valut peut-être d'être snobé en faveur du guichet et des latrines. Soit, la sudiste en prenait son parti et ne s'en formalisa guère.

Bien peu au fait des aventures temporelles de cette curieuse réapparition tout juste pubère de l'acariâtre ancien membre de l'Unity Division, elle se contenta de l'attendre. Ce ne fut pas compliqué : la préparation de ses cours l'aspirait toute entière ... Et la focalisait, ce qui n'était pas une mince affaire au regard du brouhaha qui polluait constamment son palace mental.

Il ressortit des toilettes, finalement, prit son gobelet et se dirigea vers elle.

Par courtoisie, la mutante plus âgée donna un coup de pied dans la chaise face à elle pour permettre au jeune gringalet de s'asseoir sans se départir de son breuvage. Une action infiniment maîtrisée, bien qu'elle n'eût aucun mérite : l'entremise de son bracelet facilitait grandement le caractère trivial d'une telle action. Action qui lui aurait certainement demandé une plus grande attention si elle en était encore à se départir en permanence avec les pouvoirs de Carol Danvers ou de Simon Williams.

A défaut de leurs pouvoirs, c'était avec leurs mentalités qu'elle avait à faire, en dépit du bracelet. Heureusement, ce n'étaient pas les plus terribles. Elles étaient même plutôt sympathiques.

Mais là n'était pas le principal focus de la présente conversation.

Elle attendit qu'il s’assoit, mit un point temporaire à son fichier et referma son ordinateur portable.

" Et bien, tu n'as pas peur de te faire arrêter, dis-moi ... " ironisa d'entrée de jeu l'ancienne chef de groupe en détaillant la tenue du guerrier temporel, tout en retirant son casque, " ... Alors, dis-moi, qu'est-ce que je peux faire pour toi ... Nathaniel, c'est ça ? "

Facétieuse mais néanmoins professionnelle. C'était une demande strictement professionnelle, au moins sur le papier.

" Je dois te prévenir d'ailleurs. " continua-t-elle en venant poser sa main sur la sienne, " Je ne vais pas pouvoir rester très longtemps : j'ai des cours et les transports en commun vers Westchester sont un peu rustiques. Mais on devrait avoir au moins ... Quoi, trente, quarante-cinq minutes ? "

Oui, c'était un réflexe, il ne fallait pas se formaliser. Rogue était étonnamment tactile quand sa peau avait sa voracité réfrénée.

L'apparence de la jeune femme désarçonne quelque peu l'Askani'son, qui l'aurait présumée plus couverte.
Si l'étonnement transparaît, du moins n'en dit-il rien.

Quoi qu'il en soit, Nate prend note de sa présence et de son apparence... et fait quelque chose en conséquence, influant sur toute les personnes présentes hormis Rogue elle-même.

Il a prévu et accepté de s'entretenir avec Anna-Marie, ce qui n'empêche qu'il a besoin d'une minute avant leur échange.

Il le sait par les mythes et légendes qui ont transpiré à travers les siècles de subjugation, Anna-Marie Lebeau est à certains égards la mémoire des X-Men dont on lui a rebattu les exploits.
Comme souvent, la réalité dépasse les récits et les espérances ; ses pérégrinations dans ce siècle le lui ont prouvé.

Il a découvert récemment son statut d'Avenger.
A mesure qu'ils ont collaboré dans une connivence de principe, ils ont chacun pu jauger cette nouvelle équipe.

La fille de la débrouille et le stratège en devenir ont cela en commun de devoir évaluer les risques lorsqu'ils s'engagent.
Or, tous deux ont pu connaître quelque frustration au sein de l'équipe all-star de héros de l'Amérique.
Ce groupe est jeune, et leurs racines encombrées par la peur de ses leaders à les voir expérimenter les mêmes duretés qu'eux.
Les Vengeurs avancent en aveugle, et quand on connaît par les légendes ou par expérience le degré de préparation des X-Men pour se préparer à toute éventualité, en travaillant ensemble sous la houlette exigeante de Xavier, on ne peut que voir la chronique de pertes annoncées.

Comme sera souvent le cas, Cable a une solution.
Il est encore souvent hésitant dans sa jeune carrière, mais compense le plus souvent par des décisions fermes et tranchées.
Comme sera le cas pour son futur lui.

Néanmoins, aujourd'hui c'est Rogue qui peut se targuer d'avoir de l'expérience.
C'est ce sur quoi il compte, aujourd'hui.
Cela ne rend pas la tâche de jouer les initiateurs en culottes courtes plus aisée pour autant.

Une fois son verre en papier récupéré auprès du personnel de service, l'adolescent en armes s'assied.
Il opine du chef en réponse au geste de sollicitude de son équipière et pose enfin son breuvage caféiné.

Face à la Mutante sardonique affairée à se désharnacher de ses écouteurs, il répond par un sourire énigmatique.

Puis, un moulinet de la main accompagne une image qui vient se superposer à la silhouette du jeune homme.

Sans ambages inutiles, il lui montre ce que voient et se souviendront les clients et employés.
Une image de lui beaucoup plus rassurante, sans arsenal ni bras bionique ou cicatrices.
Dans une tenue suffisamment proche du dress code de Rogue pour ne pas interroger.


Ils pourraient être frère et sœur... Ou autre chose, si les âges pouvaient concorder.

Car il y a bien un trou, un lien ; une forme de familiarité, aussi.
Si le Cable adulte a survécu au bref passage dans l'ère d'Apocalypse - qui n'est pas le passé de l'ère Askani mais un avertissement délivré aux Mutants par le biais des errances du jeune Legion - la version enfant n'était nulle part à ce moment.
Or, la chronologie conspire à l'existence de Cable, comme le montre l'existence du bébé Cable au sein de la continuité altérée House of M.
Charles, son troisième prénom, était celui de l'enfant d'Anna-Marie Lehnsherr durant le bégaiement de la chronologie régi par En Sabah Nur.
Cela expliquerait en partie la mèche blanche et quelques traits de caractère.
Cela en dirait long sur l'étendue des liens de leurs familles avec Nathaniel Essex, qui surveilla notamment les lignes Summers et Lebeau et a conspiré à la naissance de Nathan Christopher Summers.
Admettre suspecter un tel lien reviendrait à questionner la propre genèse de Cable et les ficelles derrière la vie de Rogue.
Communiquer ces doutes et interrogations serait prématuré et inutilement violent ; même si Rogue a pu s'interroger sur la providence de son adoption par non pas une mais deux Mutantes déjà centenaires.

Il se contente de sourire alors, tandis que la puissante Vengeuse raille quelque peu sur son identité.
Une ombre passe dans le regard du très jeune homme.
Il serait facile de sous-estimer quelqu'un dont le principal héritage serait l'aura acquise par l'expérience de toute une vie.
Or il tique quelque peu quand elle cherche à tâtons comment le nommer - ce qui est légitime, mais le fait grogner.


Il s'interrompt un instant comme pour inspirer toute la confiance en soi qu'il pourrait glaner dans la pièce.
Puis, explose d'une morgue presque théâtrale.


Qu'elle soit volontaire ou non, la formule s'avère très évocatrice.
Le temps est venu pour la jeunesse de relever de son fardeau le vieux briscard.
Quoi qu'il soit advenu de lui, l'ancien Cable a largement passé l'âge de la retraite après une vie entière dédiée à sa mission.
Si le vieux Soldier X est sorti des radars, le jeune Dayspring est bel et bien là et prêt à dédier sa vie aux lendemains meilleurs.


Un vieux tour de maître du temps permis aussi bien par la technologie de Cable que par ses pouvoirs si besoin est.

Il ne réalise pas immédiatement ce qu'implique le contact physique initié par la jeune femme.
Un nouveau tour la concernant, qui n'est pas sans avoir son fil à la patte.
Réalisant ce qu'il en est, le front du jeune garçon vient se striller de rides peu profondes mais expressives.


Le gamin somme toute assez isolé en dépit de ses connections dans le monde moderne apprécie cependant la connexion physique.
Il tend maladroitement sa paume et la pulpe de ses doigts vers le cou gracile enserré par le mécanisme inhibiteur.

De nouvelles paroles passent la barrière de ses lèvres, animées par un mélange gêné de compassion et curiosité.


Quand elle touchait les gens et aspirait leur être...
Question assez logique de la part d'un télépathe.

Nate était habitué à infliger la douleur, même s'il n'aimait pas ça c'était nécessaire et il était doué pour cela.
Il avait parfois d'autres solutions mais pour Rogue, l'expression première de son don Mutant se manifestait par un contact plus invasif et douloureux qu'une balle de fusil.
Cela participait à questionner sa relation à la nature de Mutante et à la technologie muticide qu'elle portait.

Okay, il semblait peut-être un gosse qui se met à poser plein de questions, mais c'était aussi pour mieux la connaître.
Après tout, il était venu discuter le cas des Vengeurs et suggérer une solution qui implique Rogue et on ne faisait pas ce genre de choses sans travailler à ses rapports humains.

Il retira doucement sa main du col de l'héroïne pour saisir son gobelet à deux mains et dissimuler sa peau rougissante derrière un écran de fumée caféiné.
Tout cela lui paraissait terriblement naturel, elle était de sa famille au même titre que Solar ou Cannonball.
Naturel, mais pas habituel.
Et il craignait de s'éloigner du standard professionnel qui saurait le légitimer pour la suite de sa démarche.

" Tu as une manière très personnelle d'éviter les banalités ... " ironisa la sudiste.

Ce qu'il y avait à comprendre, dans son anglais natal très poétique et imagé du Mississippi, c'était qu'elle n'appréciait véritablement pas parler de cela. Ce n'était pas agressif, ce n'était pas insistant, mais c'était là, posé sur la table.

Est-ce que cela l'empêcherait d'en parler ? Non. Elle savait que plus elle éludait la question, plus celle-ci se ferait insistante.

Plus que jamais, toutes les questions que soulevaient ces technologies inhibitrices qu'elle avait accepté de porter et ses capacités la mettait mal à l'aise. Rogue s'était depuis longtemps habituée à être pointée du doigt - après tout, n'avait-elle pas émergée sur la scène publique en combattant les Vengeurs ? -, mais toutes ces questions et toute cette attention portée maintenant à ce que de nombreux mutants auraient qualifié de renouveau technologique de l'esclavage ...

Il arrivait des moments où cela se révélait exténuant.

" J'ai des migraines en permanence. " avoua Rogue évasivement en raidissant instinctivement son cou, " Et avec toutes les personnes qui ont plantées leurs tentes dans mon esprit, j'imagine que ça ne doit pas être très différent de ce que Jean ou le Professeur ressentent les mauvais jours... "

Mais moi, je n'ai pas le droit d'avoir de mauvais jours. termina-t-elle pour elle-même, et pour l'assemblée présente dans son esprit.

Car elle s'était imposée comme la battante de l'Institut, toujours prête à aller de l'avant, envers et contre tout. Celle dont le vernis d'optimisme ne craquait que très rarement, et en privé. Pour les autres X-Men, pour ses élèves, pour les mutants, elle était cette démonstration vivante de la possibilité que tous avaient de connaître une rédemption. Elle était celle qui, de terroriste redoutée, était devenue symbole d'espoir pour la coopération entre Humains et Mutants.

Et toute optimiste, toute battante, toute joviale qu'elle était - et elle l'était, réellement, avec une bonne dose de sarcasme bon-enfant. -, Rogue connaissait tout de même des journées sans. Tout du moins des mâtinées sans.

Et celle-ci en était une.

" Est-ce je ressent leur douleur ? Oui. " répondit-elle franchement, " Avec leurs joies, leurs espoirs, leurs peurs et tous leurs souvenirs... C'est ... C'est affreux, mais c'est terriblement jouissif. Et j'ai toujours cette petite partie de moi, au fond, qui veut arracher ce collier ... Pour se sentir libre. Pour se sentir aux commandes de Tout, et non plus juste aux commandes d'une pénitencier mental ... Mais c'est impossible, parce que je sais où tout cela me mènera. "

La mutante à la mèche blanche attendit que son interlocuteur se décide finalement à décoller de son collier, puis elle prit une grande gorgée de sa tasse. Étant donné que l'une de ses mèches trempa dans le breuvage et qu'elle lâcha un soupir blasé en l'essuyant, un pachyderme aurait pu comprendre que ces questions ne rentraient pas dans ses sujets de conversation favoris.

" Est-ce que j'évoque le truc qui te bouffe le bras ? Est-ce que j'évoque tout ce que tu as fait, ou tout ce que tu vas faire ? Tout ce que tu vas devenir ? Non. Honnêtement, j'aimerais éviter. D'ailleurs je connais probablement les réponses à ces questions, et une petite voix viendra me les rappeler au moment où j'aurais complètement oublié qu'elles m'intéressaient. "

Il fallut à la sudiste une dizaine de secondes laissée à elle-même, une touillette brisée et une grande inspiration prise en regardant la vie continuer paisiblement dans la rue pour se calmer.

" Excuse-moi, " fit-elle finalement en revenant sur le jeune homme, " c'était hyper passif-agressif... Je suis désolée. C'était pas cool de ma part. Écoute ... Je ... Je ne suis pas à ta place. Je peux pas imaginer ce que tu penses ou ce que tu ressens en ce moment. J'imagine que se retrouver paumé ici et maintenant, ça doit pas être l'expérience la plus plaisante de l'univers. "

Du reste, elle ne savait véritablement comment lui parler, ou comment formuler ses pensées. Tout était plus compliqué quand on parlait à un voyageur temporel, et Cable l'avait notoirement habitué à être une personne au raisonnement complexe. Preuve en était faite de la tenue qu'il offrait à voir aux autres clients du café : Cable avait toujours eu les cheveux blancs, alors d'où est-ce que sortait ces mèches ? Etait-ce un camouflage ? Un hommage ? Quelque chose de naturel ? Elle était là sans l'illusion, évidemment, mais cette illusion n'avait fait que rendre la question plus inutilement pressante. Son esprit, avec du temps, aurait pu la remettre sur la piste des manigances de Mr. Sinister ou de quelques sombres réalités alternatives, mais sa mémoire et les personnalités qui l'épluchait n'étaient pas tant serviles qu'elles le faisaient par elle-même.

Du reste, c'était une interrogation d'autant plus stupide que c'était normalement à elle que l'on la posait.

Elle évacua toutes ces questions en replaçant ses propres cheveux en place, pour éviter une redite de sa trempette capillaire, et revint à la conversation du mieux qu'elle put.

" Je ... Pour ce que ça vaut, je suis contente que tu sois là. Je ... vais pas te mentir, je te préfère comme ça. Et tu peux me téléporter à l'Institut quand tu veux, si ... ça t'arrange. "

C'était pataud, et il n'avait au final fallu qu'un simple contact pour que ça dérape ... Mais elle essayait de se reprendre.

Elle replongea les lèvres dans sa tasse pour se donner un espace de réflexion de quelques secondes.

" Donc ... Tu voulais discuter stratégie, c'est ça ? "

Tous deux Mutants, tous deux élevés dans une lutte plus radicale que celle du Professeur Xavier dans laquelle ils croyaient malgré tout, ils se retrouvaient sur un terrain plus prosaïque, celui des migraines.
Pour Anne-Marie, c'était le fait de son inhibiteur ; pour Cable, la conséquence de ses pouvoirs développés trop tôt dans la cohabitation avec un parasite techno-organique.


Concernant le côté vertigineux d'avoir du monde dans sa tête à l'instar de Phénix ou du Professeur Xavier, Nathan avait la chance de ne pas être un télépathe aussi talentueux.
Il connaissait quelques trucs et développerait des combo TP/TK intéressants, mais la plupart du temps son sens télékinésique était loin d'être une aussi grande galère que de ressentir en temps réel des douzaines d'esprits au minimum.

Il ne commenta pas à ce sujet.
Cependant, il prit note de ces difficultés partagés par la légende vivante des X-Men de seconde génération avec les véritables Dieux qu'étaient pour lui Marvel Girl et le Professeur.

À propos de duretés, Rogue sembla reprocher à Nathan sa rudesse pour évoquer presque naïvement des sujets qui dérangent, notamment les peines et mauvais aspects de ses pouvoirs et du collier inhibiteur qu'elle se résignait à porter.
Elle se montra - à ses yeux à elle - violente dans les mots, avant de sa calmer et se reprendre.
La réaction de Nathan ne fut pas celle qu'elle attendait.


Le sourire qui vient éclairer le visage bambin de l'Askani est sincère.
Une certaine bonne humeur vient le baigner en signe d'appréciation de la grogne que lui renvoie l'X-Woman.

Elle le critique sur son approche par trop directe, vient le bousculer au sujet de son virus mortel et de ses contradictions... Et, il faut le dire, c'est un fait rare lors de ses récentes rencontres.
Qu'ils n'aient pas osé ou choisi de le protéger de leurs doutes, beaucoup l'ont laissé être ce qu'il est sans chercher à empiéter.

Si Rogue pense sans doute être intrusive et rude, Cable y trouve son compte dans un monde qui semble chercher à le mettre dans du coton.
Et puis, après tout, que vaudrait une relique si celle-ci n'avait pas de caractère ?

Toujours est-il que la Mutante se reprend.
Elle évoque encore ce qu'elle contient à l'intérieur de sa psyché - y compris, sans doute, une personnalité plus expérimentée de Cable, de l'époque X-Men avec Mystique et Cannonball ou de l'Unity Division avec Deadpool, Synapse et Vif-Argent - sauf qu'elle finit par ajouter qu'elle le préfère comme il est là. Par politesse ? Pour le mettre sur un chemin moins amer que le précédent emprunté par Old Cable ? Difficile à dire.

Il écarta d'un geste dans l'air abstrait toute gêne à se déranger pour la téléporter dans l'espace et le temps pour la renvoyer à son point d'origine sans une seule perte de temps dans le trafic ou au cours de leurs échanges.
Elle essayait d'être gentille, malgré les efforts qui affleuraient pour conserver sa composition.
Une fois de plus, le Dayspring des Askani trouva cela rafraîchissant.


Et c'était si difficile de savoir comment le faire, souvent, dans un monde complexe qu'on l'avait entrainé à sauver mais jamais préparé dans l'ingénierie de solutions aux problèmes entremêlés de l'Humanité.
Sauf qu'ils avaient leur coup à jouer dans la légende des Vengeurs.
Rogue enchaîna justement par une allusion au prétexte de leur rencontre ici.


Cable ne ménage pas ses effets.
Mais, plutôt, il cherche ses mots.
Parce que c'est important.
Parce que râler n'est pas suffisant, mais qu'il bout intérieurement à ce sujet.
Parce que l'inadéquation tue - il le sait pour avoir vu Apocalypse en étirer le concept, qui n'en est pas faux pour autant.


Il s'énervait un peu.
Pas comme un type violent, mais comme un participant passionné à une conversation dans un café.
Ce qui, bien sûr, ne manqua pas d'amuser quelques clients du commerce, plus habitués ici aux échanges polissés et aux consommateurs collés à des flux de vidéo sur leur téléphone.

Ce jeune Cable avait de solides opinions et disposait certainement de beaucoup des connaissances de sa version plus âgée, cela paraissait évident. La passion qu'il déployait dans le dialogue et les envolées lyriques auxquelles il s'adonnait ... La mutante sudiste ne l'aurait certainement pas attendu d'un individu comme le Cable qu'elle avait connu.

Mais cette même fougue, elle ne pouvait s'empêcher de l'attribuer, au moins en partie, à la jeunesse de celui qui lui faisait face ... Et il fallait admettre que cela la prenait un peu au dépourvu. Elle l'avait connue elle-même des années auparavant, cette fougue, alors qu'elle avait commis des atrocités sous les directes de Magneto ou de sa mère adoptive. Quelque part, l'ancienne terroriste aurait peut-être espéré du voyageur temporel un peu plus de ... maturité ?

Il avait toujours été une ancre, partout où il était passé. Une ancre sans aucune notion de diplomatie, mais une ancre néanmoins. Quelqu'un qui était là pour rappeler au collectif que quelque chose de plus grand les dépassaient, fut-ce un "futur" hypothétique.

On faisait difficilement plus "liant" qu'un prophète apocalyptique venant mettre les égos personnels le nez dans le tas de bouse de la réalité.

Pendant quelques secondes lourdes de sens, sous le regard presque impatient de quelques curieux des tables voisines, elle considéra le jeune Cable.

Et offrit sa réponse, toujours quelque peu prise au dépourvu.

" ... Merci ? "

Il fallait dire que si elle appréciait les compliments - comme tout un chacun -, elle n'était que rarement encensée de la sorte, et à plus forte raison en public.

Rogue, après tout, était devenue une prophétie autoréalisatrice. Elle s'était longtemps enfermée dans sa propre incapacité à se rapprocher des autres ; elle était devenue le couteau-suisse ; celle vers qui on se tournait quand personne n'avait plus d'idées cohérentes. Certes, elle avait emmené des formations d'X-Men au combat, et même la Division Unité des Vengeurs ...

Mais des conseils de stratégie ? C'était Scott, le stratège. Ou Steve chez les Vengeurs. C'était eux les meneurs d'hommes.

" ... Mais c'est plutôt Scott qu'il faudrait consulter sur la question. Ou Steve, même s'il n'est pas vraiment calé sur les questions mutantes. Ce sont eux les ... "géants". Moi, je ... "

Et c'est là qu'elle fut frappée par l'évidence.

Scott était encore au Manoir, et il faudrait un miracle pour qu'il rejoigne les Avengers, tandis que Steve s'était retiré de son rôle pour le moment.

Les deux "adultes restants" de l'équipe, c'était elle et Black Knight.

Black Knight, notoirement connue pour les sautes d'humeur qui seraient ou ne seraient pas liées à son épée mystique.

On aurait pu dire bien des choses sur le fait qu'Anna Marie LeBeau se soit retrouvée un jour être un pilier de stabilité chez les Avengers. Elle, qui avait transformé son esprit en prison mentale de haute sécurité et qui devait lutter à chaque instant pour ne serait-ce qu'ancrer une personnalité unique dans l'instant.

" Oh. Mince. " fit la mutante en venant se masser le front, " Ok. Je viens de voir où tu voulais en venir ... Oui, il faut vraiment qu'on trouve quelque chose. "

Elle passa plus de temps qu'elle ne l'aurait souhaité dans cette position de faiblesse, relevant finalement la tête pour conjurer le doute en venant boire un gorgée de café.

" Je suis une leadeuse de combat, moi. Je suis très mauvaise en ... "liant". Le social n'est pas exactement mon domaine d'expertise. " elle leva l'une de ses mains nues pour montrer son alliance, " J'ai mis 10 ans pour résoudre mon premier vrai dilemme du genre ... Alors pour les autres ... "

L'Askani'son paraît commencer de bredouiller une réponse, d'autant que la lueur dans les yeux de la Mutante à mèche blanche lui laisse à penser qu'elle n'est pas loin de réaliser ce qu'il faut d'après lui, et à quel point elle a cela à apporter.

Cependant, l'héroïne du Sud part sur une piste à laquelle l'adolescent ne s'attendait pas.
Elle veut lier le groupe, comme hommes et femmes, comme communauté, comme famille recomposée...
Et c'est bien.
Mais il faut admettre qu'Anna-Marie et Dayspring n'ont pas la même expérience de la famille.

Il a dû l'induire en erreur par ses propos...
Ou assister à ce genre de moments où l'autre a besoin de vous pour accoucher de sa vérité.


Nate sourit tristement.
Ce moment de clarté pour la Vengeuse de la division Unité ne le concerne en rien.
Il serait ravi d'assister à un moment de croissance pour la personne qu'il a en face...
Mais pour lui, tout ça est déjà arrivé. Elle a vécu, mûri, connu des épreuves, et est morte. Comme tous, en ce temps.
Il n'est pas là pour ça. Il ne s'en moque pas, mais c'est juste déjà arrivé. Ou cela allait survenir.

Non, ce qu'il a en tête est bien différent...
Ou pas tant que ça.
Mais très différent, tout de même.
Parce que, même si elle a l'expérience de bien des Mutants, et lui le résultat de leur Histoire partagée, ils pensent, et ressentent, différemment.
Mais, il la connaît.
Il croit connaître des choses à son sujet, si l'Histoire peut bien lui en être témoin.
Notamment, ce qu'elle a en elle ; et tout ce qui a été insufflé pour vivre en elle.

Or, voilà une idée originale.
Donner de l'âme, du liant social. Bien que ça ne soit une idée bien différente de celle qu'il avait en tête.


Il ignore comment faire.
Il ignore comment aider à le faire.
Et il ignore si faire l'effort de le faire est une bonne idée, en réalité.
La réponse est perdue dans les méandres du Temps, et dans le parcours d'obstacle du chemin de Rogue, désormais.

Il ne l'y aidera pas, s'il a son mot à dire.
Mais il sera ravi de participer, si cela peut aider.


Il se râcle la gorge, conscient que ce qu'il s'apprête à dire pourrait être mal interprété de prime abord... Voire mal pris, tout court.
Le télépathe Alpha est venu avec une idée en tête - un projet - une demande... un besoin. Pour lequel il estime que Rogue peut participer à la réponse.

Admiratif de son pouvoir et de l'importance de ses talents, Nathan a son oeil droit qui s'éclaire, pas de lumière mais bel et bien d'enthousiasme.


Cela aurait été beau, comme simple discours de motivation.
Dire à Rogue à quel point elle avait ces qualités, ces traits, qu'elle estimait chez les autres. Chez ces frères et soeurs de lutte qu'elle estimait tant.
Cable n'avait pas la prétention de dire de telles douceurs à l'X-Woman vétéran.
Il n'était pas connu pour enrober de sucre ce qu'il avait à dire... ni complimenter, encore moins quelqu'un avec nettement plus d'expérience et de valeur que lui, car sa condescendance naturelle ne s'appliquait pas, alors.


Il parle d'une chose sortie récemment, qu'il connaît peu, mais il a donné rendez-vous à un expert en technologie et notamment dans les synergies les plus étonnantes entre technologie de pointe et concepts étrangers à la science connue.



Le bruissement des roues traverse doucement la salle de cafétéria, mues par l'action d'un moteur électrique absolument inaudible.
Mi-mal à l'aise, mi-assuré, Wiz-Kid n'est pas sans évoquer nombre d'étudiants de l'Institut Xavier... bien qu'il ait toujours refusé de le rejoindre.
Le gosse ne dit rien, mais son sourire en dit long : il pense que Rogue aimera beaucoup l'idée, et qu'une des intelligences qui peuple son esprit en questionnera les spécificités techniques.

" Ah. "

Etait-ce l'une des Anna Marie perdues dans son esprit qui lui avait encore joué un tour ?

Etait-elle bien ici, et maintenant ? Avec ce café, dans cet établissement lambda, face à un Cable jeune et loquace.

Etait-ce encore une illusion ?

" Ah. "

Dans l'occiput à mèche blanche, c'était une véritable tempête, ou plutôt, c'était un ouragan, si l'on considérait que la tempête y était la norme.

Cable, Cable, Cable. Comment avait-elle pu tomber dans le panneau ? Comment, avec la myriade d'esprits unis au sien, avec tant de souvenirs de tant d'existences, avait-elle pu tomber dans le panneau ? Évidemment que c'était Cable ! Évidemment qu'il serait égal à lui-même !

Et ce sombre trou du cul avait appris à faire des compliments !.. Foutue version mise à jour !

Non, vraiment, Rogue ne savait plus où se mettre, et son regard la trahissait, avec la chaleur qui lui montait aux joues.

" Ah ... " répéta-t-elle pour la troisième fois, en écartant une mèche rebelle de son champ de vision, " Ok. "

Son regard alla se poser, perçant, sur Takeshi Matsuya. Un regard froid, calculateur et manquant clairement d'empathie. Le pauvre vétéran de l'Avengers Academy n'avait probablement pas mérité un tel traitement ... mais il travaillait avec Cable. Ce simple état de fait apportait une quantité non négligeable de bagages dans l'équation.

" Anna Marie LeBeau " réagit-elle finalement, troquant la méfiance pour un sourire, en tendant la main au génie en chaise roulante, " Enchantée, Takeshi. "

L'esprit de Rogue était notoirement connu chez les télépathes pour représenter un sacré défi, car l'esprit de Rogue n'était pas tant un esprit qu'une collection de psychés, une véritable fractale sentiente dans laquelle il était bien trop facile de se perdre.

Mais on pouvait assez aisément sonder la disposition de cette fractale, et ce qui jusqu'à ce moment de la conversation avait été un amalgame au final assez neutre s'était tourné en hérisson mental bien peu disposé à coopérer. Une déclaration bien plus facile à interpréter que ce sourire de façade que la mutante du Mississippi affichait sur son visage.

" Écoutez " commença-t-elle, en joignant ses mains sur la table, devant son visage, " C'est ... "

Le plus dur était de trouver les mots. De réussir à formuler ses pensées de manière diplomatique, en se gardant bien de passer le début de contrariété qui pointait simultanément dans une armée d'elle-même sur ce voyageur temporel à peine pubère et son compagnon parfaitement innocent de ses manigances.

" ... C'est très intéressant, vraiment. " continua la jeune femme en baissant le regard pour suivre l'une de ses mains qui s'était mise à caresser une serviette, pour s'évacuer l'esprit, " Mais j'ai plusieurs réserves vis-à-vis de cette idée très ambitieuse : Déjà, on parle de technologies Stark. Quelles garanties a-t-on que ça ne va pas nous péter à la figure ? "

On avait tendance à l'oublier, mais Tony Stark était, au final, à peine plus compétent qu'Hank Pym pour ce qui était des questions de fiabilité : Ces deux-là étaient des futuristes avant tout, trop fascinées par les possibilités de la technologie pour se méfier des risques qu'elle présentait.

" Ensuite ... Et là, excuse-moi par avance, Cable, car je crois que je t'ai en effet mal compris : Est-ce qu'il y a encore une partie chez toi qui voit les autres comme autre chose que des outils ? Ce ne sont pas des "blobs de données", ce sont des gens dont tu parles. Qu'est-ce que ça va donner ? Est-ce que tu veux me trépaner pour remplir ton encyclopédie ? Qu'est-ce que je deviens, moi, là-dedans ? "

Elle avait essayé d'être calme. Vraiment.

Mais bon, Cable devait le savoir, depuis le temps, il ne fallait jamais côtoyer ses idoles.

Comme vaccinée des rapports sociaux par l'attitude utilitariste de Cable, la Vengeuse à mèche blanche semble éviter de laisser l'adolescent d'origine japonaise dans sa sphère personnelle.
Le gosse continue de sourire ; il sait qu'elle a du mal à faire entrer les gens dans son intimité, mais voit cela à travers le prisme de sa propre expérience.
Il hésite, puis exprime ce qu'il ressent, comme pour briser la glace - avec une grande sincérité.


Les gens aiment savoir qu'il est handicapé, même si d'abord ça les met mal à l'aise.
Parce qu'au moment où ils commencent à entrevoir l'intelligence qui est la sienne - pas supérieure, simplement différente - cela réconforte la fierté blessée de se sentir, certes plus stupide mais au moins, valide.


Le gamin ne lui serre pas la main.
Déjà, parce qu'il aurait à se pencher en avant, comme il l'a mentionné ce serait douloureux, fatigant.
Ensuite, parce qu'il la connaît de réputation - et s'il n'attend pas de préjugés des autres, il n'est pas sans avoir les siens.



Les paroles sont sincères et, plus étonnant quand on le connaît, dénuées de sarcasme.

Or, Rogue ne se retient pas de piquer, en évoquant un possible manque de fiabilité de Pym ou Stark, des génies quelque peu lunaires.
Wiz-Kid n'apprécie guère l'argument.
Il semble surtout content qu'elle lui ait donné un prétexte de donner son avis, à lui.



Il se perd un peu.
Mais, les idées, les mots, les notions, ne sont-ils pas les premières technologies de la civilisation humaine ?
Intuitivement, Takeshi Matsuya crée du lien entre des notions, pour éveiller la conscience de l'X-Woman à certaines problématiques.
Il poursuit le chemin de ces pensées, alors.



Alors qu'il espère avoir gagné quelques points dans son argumentaire sinueux, le gosse en fauteuil en arrive à ce qui anime toute idée folle : l'intérêt qu'elle représente.



Nate est resté silencieux durant l'exposé péniblement long et détonnant.
Mais là, il saisit la balle au bond.
Il défend son idée. Ce qu'il souhaite apporter, avec l'aide de Rogue, aux nouveaux Vengeurs.



Face à la hâte de Nathan, Wiz-Kid ne peut que tempérer - pour rappeler ce qu'il fait, et ce qui pourrait être fait.



Nate entend, mais n'écoute pas.
Il sait déjà tout ça, et tient surtout à revenir sur un point, qui lui tape sur les nerfs depuis qu'il a entendu Rogue le lui soutenir.
Il grimace.
Il explose, calmement. Lui qui déteste être remis en question par tout autre que lui-même.



Il sourit, avec arrogance et un certain mépris.
Ce qu'elle lui reproche, il en a autant pour son compte à elle - à l'opposé.
Il se sent déjà souvent entouré d'imbéciles - qui le jugent, alors que lui leur en veut de ne pas être assez comme lui.



Le véritable dialogue de sourds continue, alors que Wiz-Kid reprend.
Prisonnier de son esprit qui cherche le meilleur moyen de communiquer, le gamin un peu en marge des rapports sociaux tient à poursuivre ce qu'il avait à dire, et trouve progressivement les mots - des mots des plus maladroits, pour ne pas dire contre-productifs. Il s'avère que communiquer, adopter une pensée qui corresponde à l'interlocuteur, n'est pas nécessairement le fort du nippo-américain.




Le petit génie hausse les épaules en voyant plusieurs clients réagir à son enthousiasme.
Il balaie l'air d'un revers de main, comme pour effacer toute importance accordée au regard des autres.
En vain : chacun des trois se sent à part indéfiniment.



Il sait ce que Cable lui a révélé à ce sujet.
Peut-être que ses paroles ont glissé, alors qu'il avait promis de garder ces confidences pour lui.
Si c'est le cas, il semble ne pas réaliser sa bévue.
Il sort d'un compartiment de sa chaise volante une boîte, qu'il ouvre sur la table au-devant de Rogue.




Un casque du projet eScape, le framework de réalité virtuelle massivement multi-joueurs de Stark Unlimited.
Un plastron facial, conçu pour partager et échanger les données via les nerfs du visage et les micro-impulsions, qui parvient par cela à transférer une personne dans un avatar parfaitement mobile vers un environnement purement digital.

Une opportunité de permettre à certaines des 'personnes' à l'intérieur de sa tête d'étirer un peu leurs jambes - et de pouvoir s'exprimer sur leur désir ou non de participer à une initiative au service des Vengeurs, voire, du Monde.



Il approche de ses lèvres un tchaï au lait d'amande, et ajoute ce qu'il espère être une parole rassurante, naviguant toujours à vue dans son argumentaire.



Le gamin est nerveux.
Hyper nerveux.
Il craint un refus après s'être autant investi dans l'idée.

Nate le sent.
Nate partage le sentiment.
Nate acceptera le refus, qu'il sent venir.
Avec un rictus de regret, qui vient déformer son visage juvénile.

Quant à ce que Rogue deviendrait sans ses personnalités intégrées, ou en changeant tant soit peu le deal avec elles, il l'ignore - et ne le saura jamais, si comme il le suppose elle s'apprête à refuser - et n'a surtout ni la maturité, ni le droit de le dire à sa place.
Si les Avengers gagneraient à mieux se connaître eux-mêmes, encore doivent-ils pouvoir le faire de leur propre choix.

Se rendre utile. Se rendre utile. L'expression avait bon dos.

Et ce sourire suffisant de Cable, Rogue vint le confronter directement, plantant ses yeux d'émeraude dans les siens.

" Tu as raison. Apocalypse trouve qu'il est à l'étroit, et il aimerait beaucoup se rendre utile. " ironisa-t-elle, sans arrêter sa riposte, " Nous sommes peut-être tous des instruments, mais nous ne sommes pas des machines. Pas moi, du moins. J'essaye encore d'avoir ma conscience. J'essaye encore de savoir pourquoi je serais utile, avant de savoir comment. "

Une question compliquée ; douloureuse à aborder, même. Le pourquoi, oui, surtout après le snap. Pourquoi tant de changements ? Pourquoi tant de mystères ? Pourquoi elle, Rogue, se retrouvait-elle le réceptacle d'autant de choses ? Les souvenirs, les pouvoirs, les personnalités. Tout cela devait avoir une cause, et une raison, et tout cela n'était pas gratuit.

L'inhibiteur qu'elle portait en permanence sur elle en était le plus marquant rappel, mais il n'était pas le seul. Le SHIELD, ses agents, ses drones et ses satellites ne manquaient pas de le lui rappeler. Il n'y avait même pas besoin d'intervenir en laissant ses pouvoirs agir ... Non, il lui suffisait de retirer le fameux inhibiteur. Un rappel de plus de son statut de bombe à retardement.

Une bombe, oui, plus que la prisonnière de l'Humanité que certains voulaient voir en elle : à l'intérieur, Rogue pouvait les tenir, elle était dans son esprit, sur son terrain ... Mais lâchés dans la nature, laissés au contrôle de leur propre scène ? Même dans l'un de ces espaces virtuels futuristes, c'était un véritable risque à prendre en considération.

Les experts pouvaient avoir leur avis, mais Rogue gardait son scepticisme.

" Écoutez les garçons, c'était agressif ... je suis désolée. " se ravisa la mutante à la chevelure bicolore, en passant de l'un à l'autre de ses interlocuteurs, " ... Mais ... Je ne peux pas accepter. c'est trop dangereux. C'est beaucoup trop dangereux. " Elle se releva, et embarqua son ordinateur dans son sac, " Je suis navrée, Wiz Kid. Vraiment. Ça a l'air de beaucoup compter pour toi ... mais c'est trop imprévisible. C'est le genre d'expériences qui a tendance à virer au drame, et je préfère l'éviter, tant que j'en ai encore les moyens. "

Elle passa son sac en bandoulière, et sortit une paire de billets de sa poche qu'elle posa sur la table.

" Tenez, je vous invite. Ça me fait mal que vous vous soyez déplacés pour rien. On se revoit à l'occasion. " lâcha-t-elle finalement, avant de se diriger vers la porte.

HRP: