Avengers VS X-Men... Avengers AND X-Men ? [Cyclope]

Les X-Men s’en vont. Leur mission ici est terminée.

Leur contribution sera vite oubliée. On ne se rappellera que des Avengers : les héros du peuple, l’élite de la nation. Car se souvenir qu’ils étaient là, qu’ils ont aidé voudrait dire admettre que les mutants puissent faire le bien – une idée inacceptable pour une bonne partie de la population, et qui va le rester. Ils continueront d’être détestés, comme ils l’ont toujours été ; rien n’a changé.
Ce n’est même plus une surprise. C’est devenu habituel.

Scott ne tient pas à s’attarder. Qu’y a-t-il encore à faire, de toute façon, à part aider les civils et soigner les blessés ? Il reste bien assez de héros sur place – et le SHIELD peut bien s’en occuper, après avoir raté toute l’action ; qu’ils servent au moins à ça.

Ont-ils fait la différence ? C'est difficile à dire ; ça l'est toujours. Mieux vaut ne pas se le demander - ne pas chercher à savoir s'il a risqué la vie de ses pairs, déjà si peu nombreux depuis la folie de Wanda, alors qu'il aurait pu l'éviter. Alors que ce combat n'était pas le leur ; qu'ils en ont déjà assez à mener.

Ils ne seront cependant pas venus pour rien. Non seulement n'ont-ils aucune perte à déplorer, mais ils repartent en plus avec une nouvelle mutante à leur côté. Cela lui est plus précieux que toutes les louanges qu'ils auraient pu s'attendre à en retirer.

Scott n'est pas monté dans le Blackbird - pas encore. Il n'y grimpera qu'après les autres, après s'être assuré que personne ne reste derrière ; pas même Logan, si tendues que puissent être parfois leurs relations.
Ce dernier semblant toutefois vouloir profiter de l'occasion pour renouer avec Domino, il s'apprête à embarquer... Lorsqu'on l'interpelle ; qu'on lui barre la route d'un lancer de bouclier.

Ce n'est pas pour le mettre dans de bonnes dispositions.
Peut-être parce qu'il ne garde pas le meilleur souvenir de sa dernière rencontre avec Captain America. Peut-être parce qu'il ne se souvient que trop bien la manière dont ses amis et lui ont débarqué sur leur île comme en pays conquis.
Peut-être parce qu'ils ont demandé - exigé - qu'on leur remette Hope ; ont décrété que la Force Phénix devait être abattue, sans se soucier un seul instant de leur avis, de ce que cela allait leur coûter.
Peut-être parce que c'est parce qu'ils l'ont brisée que Scott en a reçu les débris ; qu'il a perdu la raison et assassiné Charles Xavier.
Peut-être tout cela à la fois, et plus encore.

Steve Rogers n'est peut-être pas le pire des Avengers, selon leurs standards, mais fait sans aucun doute partie du problème. Quand on y pense, cela fait partie du personnage : cet interventionnisme forcené, n'est-ce pas l'épitome de l'Amérique ? Ainsi peut-on dire qu'il a bien joué son rôle.
Et aujourd'hui encore, Scott ne regrette pas un seul instant d'avoir ouvert le feu sur lui ce jour-là.

▬ Captain. le salue-t-il, avec froideur et sobriété.

Malgré la crispation, il tâche de rester courtois, au moins pour le moment. De ne pas créer plus d'animosité où il en existe déjà bien assez, même lorsqu'aucune flamboyante entité cosmique ne menace de descendre sur Terre et de plonger le monde dans le chaos.
Se tournant vers lui, il croise les bras et lui fait face devant la rampe d'accès du Blackbird, depuis lequel, se croyant bien cachés, quelques regards curieux s'intéressent à l'échange - redoutent peut-être ce qui pourrait en découler.

▬ Je ne suis pas sûr que nous ayons grand chose à nous dire.

Beaucoup paieraient cher pour se retrouver à deux mètres de Captain America.
Scott n'est pas de ceux-là.

Et le Super-Soldat a bien fait de ne pas faire un pas de plus. Le leader des X-Men est prêt à certains compromis, mais les Avengers ont assez empiété sur leur territoire pour qu'il refuse de le tolérer une fois de plus.

Stoïque, Cyclope le laisse approcher, et ne lui adresse pas plus la parole qu'il ne le fait lui-même. Pendant de longues secondes, ils se fixent en silence - ils se jaugent. Ils se connaissent déjà, bien sûr, et c'est précisément pour cela qu'il leur faut se réévaluer : car ils savent que la moindre erreur peut leur coûter cher, à l'un comme à l'autre.
Ce dialogue n'est pas de ceux que l'on entame avec les mains dans les poches et la bouche en cœur : trop lourd est le passif. Mais puisqu'il s'ouvre à l'initiative du Capitaine, Scott n'a aucun scrupule à le laisser patauger. Il n'est pas opposé à reprendre la discussion - mais ne fera rien pour la faciliter ; car si elle est si tendue aujourd'hui, ce n'est pas à cause de lui.

Contre toute attente, Steve Rogers se désarme, rangeant son bouclier dans son dos. Sans doute ne lui serait-il pas bien difficile de le reprendre, qu'il ne lui faudrait qu'une seconde, mais le geste n'en est pas moins symbolique. Et s'il n'est pas sans se dire un bref instant que cette grosse étoile blanche qui lui couvre le torse ferait une très belle cible, c'est néanmoins quelque chose que Scott peut respecter.
Un point pour lui - mais le score est loin d'être remonté.

▬ J'écoute, dit-il donc : ce signe d'apaisement lui vaut au moins cela.

Si cela ne se verrait probablement pas sous son masque, son entrée en matière lui fit hausser un sourcil. Des remerciements ? En effet, voilà qui est peu courant. Les X-Men ont beau faire le même travail que les autres héros, avoir tout autant de faits d'armes à leur actif, il est rare qu'ils en tirent la même reconnaissance.
Parce qu'ils sont ce qu'ils sont ; qu'on ne leur a rien demandé, à eux. Qu'on les préfère loin, même lorsque c'est une question de vie ou de mort ; que si c'est pour être sauvés par un mutant, certains préféreront encore ne pas l'être. Ou du moins, c'est ce qu'ils iront raconter.

Et ça ne se limite pas seulement au commun des mortels.

S'ils n'ont jamais fait preuve d'une aversion aussi marquée, les Vengeurs n'ont rien fait non plus pour l'empêcher d'entrer dans les mœurs ; de devenir une habitude. Peut-être accueillent-ils certains porteurs du gène X parmi eux, mais c'est là que s'arrête leur sympathie pour la cause : à ceux qui peuvent leur être utiles.
Qu'ils ne les soutiennent pas, passe encore : ce ne seraient pas les premiers. La race mutante a l'habitude d'être seule contre tous. Certes, leur influence aurait pu leur permettre de sensibiliser un large public, mais qu'importe.
En revanche, qu'ils aient cru pouvoir leur imposer leur autorité pour leur dicter leur conduite, les dépouiller de leur patrimoine... Ça non, Scott ne l'accepte pas.

Mais c'est de l'histoire ancienne - littéralement.
D'un passé qui n'existe plus, hormis dans sa mémoire.

Et l'histoire ne semble pas être appelée à se répéter. Car si Captain America est venu le voir, ce n'est semble-t-il pas pour donner des ordres - pour accuser et pour réclamer, parfaite incarnation de cette Amérique qui prend tout et ne laisse rien. Non ; c'est pour présenter des remerciements.
Et face à une telle déclaration, il doit bien s'avouer pris au dépourvu - mais très vite, il se reprend.

▬ Je ne l'ai pas fait pour vous.

Une exclamation de surprise s'élève dans son dos, sans que l'on puisse savoir de qui elle provient - de quelqu'un qui ne s'attendait pas à ce qu'il y trouve à redire, manifestement. Cette gratitude aussi rare que précieuse est bien sûr la bienvenue, mais par souci d'honnêteté, il ne peut pas l'accepter sans d'abord faire une mise au point. Décroisant finalement les bras, il désigne du pouce les occupants du Blackbird par-dessus son épaule.

▬ Je ne dis pas ça par rancune. Mais si je suis venu, si nous sommes venus, c'est pour nous. Pour protéger la Terre et ceux qui y vivent. Les humains et les mutants. Parce que c'est ce que nous faisons. Son regard se fait plus intense - et ça se sent, même si on ne peut le voir. Je ne connaissais pas Thor, et sans vouloir lui manquer de respect, aussi tragique que soit ce qu'il lui est arrivé... Nous aurions été là avec ou sans lui. J'apprécie les remerciements, et je les accepte... Mais je préfère être sûr qu'il n'y ait pas de malentendu.

Il n'est pas là pour entrer dans leurs bonnes grâces. Ni celles de Tony Stark, ni celles de Steve Rogers - ni celles de quiconque ayant un jour été un Avenger. Certes, s'ils pouvaient gagner le cœur du public par leurs interventions - faire un pas de plus vers cette cohabitation tant espérée -, c'était tant mieux ; mais ils ne mendieraient pas pour cela.
Pas auprès de héros qui avaient trop longtemps prétendu ne pas les voir, eux ou le mal qu'on leur faisait - même s'ils font aujourd'hui amende honorable. L'heure n'est plus à essayer de leur plaire, à quémander leur attention. Et il serait facile d'y voir une forme de défiance, un crachat dans cette main tendue.
Pourtant, c'est alors qu'il finit par avancer la sienne ; la suite ne dépend pas de lui.

▬ Si ça vous convient, alors...

Lorsque Captain America se lance dans un nouveau laïus, Cyclope se raidit d'instinct. Par anticipation, il se tient prêt au combat. Même s'il s'efforce d'aborder cette conversation avec un esprit ouvert, il n'oublie pas - ne peut pas oublier - toutes celles qui l'ont précédé, et comment elles se sont terminées. Trop souvent qualifié de boy-scout, toujours prêt pourrait aussi bien être sa devise ; prêt à réagir, à se battre s'il le faut. À se défendre - se protéger de ceux qui voudraient leur prendre plus que ce qu'on leur a arraché. Même si ça implique de porter la main sur le visage-même de l'Amérique, comme il l'a déjà fait par le passé - même s'il est seul à le garder en mémoire.

Mais il n'aura pas à le faire cette fois, semble-t-il, puisqu'au lieu d'entretenir les tensions qui ont de tout temps séparé leurs deux groupes, leurs deux clans, voilà que Steve Rogers s'applique à les désamorcer. Et s'il s'accroche à son stoïcisme, son visage - ce que le masque en laisse paraître - trahit pour un bref instant la surprise. Il a tant été habitué à ce que chaque rencontre les voie s'opposer, se dresser les uns contre les autres que l'alternative lui semble presque impossible. Est-ce bien le Captain America qu'il connait ? A-t-il toujours été aussi diplomate, aussi ouvert d'esprit ? Serait-ce lui qui en garde une vision déformée, altérée par le prisme de la rancune ?

Et surtout, doit-il y croire ? Au fond, c'est cela, la véritable question. Ce ne serait pas la première fois qu'il prête foi, qu'il accorde sa confiance pour mieux la voir trahie ensuite. À une époque où les mutants sont au bord de l'extinction, est-ce un risque qu'ils peuvent encore se permettre de prendre ? Celui de compter sur qui que ce soit à part eux - sur quelqu'un qui ne soit pas de leur race ? Ce sont là les raisonnements qui l'ont mené sur le sentier de la guerre, ceux-là même qu'il souhaite aujourd'hui éviter ; pour le moment au moins. Alors, s'il refuse de baisser sa garde, au moins peut-il peut-être donner le bénéfice du doute.

Son esprit erre du côté des jeunes élèves de l'institut, ceux qu'il a laissés pour venir ici, parés de tee-shirt, de figurines à l'effigie des héros de ce monde - des Avengers ; le genre de représentation dont les gens comme lui n'avaient aucune chance de pouvoir un jour bénéficier. Même parmi les leurs, ces gens sont aimés et adulés. Ce n'est pas parce qu'il y est pour sa part insensible qu'aucun d'eux ne pleure la mort de Thor au même moment. Que penseraient ces adolescents s'ils voyaient leurs ainés se battre contre leurs modèles, leurs idoles ? Ne serait-ce que pour eux, il lui parait important d'entreprendre cette réconciliation - dans la mesure du possible.

▬ C'est une bonne chose de le reconnaître. finit-il donc par dire. Après un temps il ajoute : Je... Peux admettre que je n'ai pas été irréprochable non plus de mon côté.

Steve Rogers a admis ses fautes, reconnu sa part de responsabilité - fait la moitié du chemin, si l'on peut dire. À lui de franchir le reste ; de s'efforcer d'oublier ce qu'il a pu vivre dans un monde qui n'est plus pour en construire un meilleur. Et ce ne sera pas facile, certains de ces affronts, de ces outrages étant gravés en lui comme autant de cicatrices, mais il se doit d'essayer : on ne devient pas un homme meilleur sans s'en donner les moyens, sans en avoir la volonté.

▬ Je vais être honnête, Captain : ce n'est pas la première fois que j'entends ce genre de discours. Qu'on me prétend qu'on va faire plus, faire mieux. Je vous laisse deviner à quelle fréquence ça s'est avéré vrai. Il prend une grande inspiration. J'en suis venu à préférer ceux qui oublient ces promesses aussitôt prononcées. Eux au moins n'essaient pas juste de nous amadouer pour profiter de nous, ou nous poignarder dans le dos.

À nouveau, une certaine crispation se fait sentir chez ceux qui assistent à la scène, qu'il n'est toutefois pas long à dissiper. Écartant les bras, s'exposant, il poursuit :

▬ Je présume que vous vous êtes tenu informé. Que vous savez où nous en sommes aujourd'hui. Je ne saurais vous dire combien de fois nos refuges et nos sanctuaires ont été détruits. Combien d'entre nous ont été traqués et tués, le sont encore alors que nous parlons. Combien de fois le monde nous a laissés tomber. Ses bras retombent, enfin. Il fait face. Vous comprendrez donc qu'il nous soit difficile de faire confiance. De croire en qui que ce soit, en quoi que ce soit. Ça ne veut pas dire que nous ne pouvons pas essayer... Mais il nous faudra plus que des paroles. Pause. Mais comme vous l'avez dit vous-même, vous êtes un homme de parole. Alors j'accepte. J'accepte d'essayer. De penser que derrière ces mots, il y aura des actes. Pour le bien des vôtres, des miens, de tout le monde. De laisser une chance, comme le destin lui en a laissé une. Il pointe l'index vers son vis-à-vis. Mais je veux que vous ayez conscience de tout ceci. De ce que cette confiance implique, de ce qu'elle signifie. Ne la décevez pas.

Ne me décevez pas. Mais comment s'en assurer ?

Captain America acquiesce, comprend - du moins le prétend : seul l'avenir leur dira si c'est vraiment le cas.

Il parle, encore - et il y a de la sagesse dans ses paroles, Cyclope est bien forcé de l'admettre. S'il avait tenu le même discours un peu plus tôt, pourquoi pas même dès son émergence dans les années quarante, les choses auraient pu être bien différentes. Voilà une réflexion sur laquelle il vaut peut-être mieux ne pas s'attarder pour le moment, cependant.

▬ Et je ne vous le demande pas. finit par répondre le leader des X-Men. Revenir sur le passé est en effet la dernière chose qu'il veuille, ces jours-ci - d'autant qu'il n'est pas sûr de savoir de quel passé il s'agit. Ce qui compte, c'est de faire mieux à partir de maintenant.

Ce n'est évidemment pas si simple : les griefs ne s'oublient pas comme ça. Mais accepter et pardonner font partie des préceptes de Charles Xavier. Qu'importe qu'il faille du temps aux esprits pour s'ouvrir, tant qu'ils finissent par le faire ; une patience qu'il s'efforce encore de recouvrer. Lentement mais sûrement, il baisse sa garde et prête l'oreille, toujours ; s'oblige à entendre et pas seulement à écouter, à faire

Vient alors la proposition, qui le laisse coi un instant. Captain America n'en finit plus de surprendre : le moins que l'on puisse dire est qu'il sait ménager son effet. Et... Que répondre à cela ? Si obtus que Scott puisse être parfois, il y a des offres que même lui ne peut pas refuser - pas alors qu'il essaie de se racheter, de corriger le tir.

▬ Ce n'est pas à moi seul d'en décider. Mais... Il lorgne brièvement sur sur ses camarades par-dessus son épaule, scrute les mines perplexes et les visages ébahis. Je ne pense pas que ça posera problème. Le coin de ses lèvres se redresse très légèrement. Tant que vous êtes prêt à être traité comme n'importe quelle nouvelle recrue.

Contrairement à ce que l'on pourrait penser, il est déjà arrivé aux X-Men d'accueillir des membres honoraires qui ne soient pas mutants ; que de proches amis et alliés soient bienvenus chez eux comme s'ils étaient eux-mêmes porteurs du gêne X. Certains, comme Spider-Man, avaient même déjà donné cours à leurs étudiants.
Ce privilège - relatif ; ce n'était pas comme si l'on se bousculait pour passer leurs portes, même chez les mutants, par les temps qui courent - était cependant habituellement réservé aux gens de confiance : l'accorder à Steve Rogers serait donc d'ores et déjà lourd de sens.

Mais même si c'était là une décision qui ne saurait être prise qu'en concertation, il doutait en effet que ses pairs refuseraient une telle occasion de créer de bonnes relations - et, pour les plus jeunes d'entre eux, de rencontrer une célébrité. Le Super-Soldat avait-il seulement idée du nombre d'autographes on allait lui demander de signer ? Il ne savait pas dans quoi il s'engageait.

▬ Dois-je comprendre que vous proposez une sorte de... Programme d'échange ? dit-il en désignant d'un geste enveloppant la scène autour d'eux ; elle, et tous ceux qui la peuplent. Les humains, les mutants, et le reste.

L'idée a du bon, au moins en théorie : c'est encore en se « mélangeant » qu'ils feront le plus facilement disparaître leurs différences au profit de ce qui les rassemble. Bien sûr, encore faut-il que tout le monde se prête au jeu : or, est-ce que les coéquipiers du « premier Avenger » seraient aussi enclins à accepter cet arrangement ?

▬ Je ne vous apprends rien en disant que je ne me fie pas au jugement de Logan...

Précisément parce que Wolverine a passé presque autant de temps chez les Vengeurs que chez les X-Men, qu'il est à sa place tant d'un côté que de l'autre. Qu'il lui a déjà fallu choisir son camp, et Phénix ou pas, Scott n'est pas près d'oublier de quel côté il a penché lorsque c'est arrivé. Faire de lui leur ambassadeur est hors de question. Mais alors, qui ?

Cyclope n'aurait pas cru que cela pourrait arriver.
Non ; pour être tout à fait franc, il n'y a pas si longtemps, il n'aurait pas laissé cela se produire.
Pas alors qu'il était consumé par la colère et le deuil ; pas alors qu'on l'avait poussé sur le sentier de la guerre et qu'il s'y était engagé de plein pied.
Il y avait eu des tentatives de réconciliations, si timides et maladroites qu'elles aient pu être : il n'en avait pas voulu. Pas après ça.
En partie parce que... Et bien, s'il acceptait de pardonner, qui lui resterait-il à blâmer hormis lui-même ? Tout coutumier qu'il soit de l'autoflagellation, il y avait des fautes trop lourdes à porter, même pour lui.

Et puis, il faut bien admettre que les Vengeurs rendaient - pour beaucoup - facile de les haïr ; et sachant qu'il n'était lui-même pas facile à vivre, ce n'était pas peu dire.
Captain America, pourtant censé être leur - littéral - porte-drapeau, faisait-il finalement figure d'exception ? Se pourrait-il qu'il l'ait mal jugé ? L'avenir le lui dira ; le simple fait de l'envisager va déjà demander un effort de sa part.
Pourtant, c'est déjà plus que ce qu'il aurait été prêt à fournir il y a peu - beaucoup plus. Une partie de lui continuait de s'y opposer, de lui susurrer à l'esprit qu'il ne pourrait que le regretter, mais il s'évertue à ne pas l'écouter.
Et de tout cœur, il espère ne pas commettre une erreur.

À défaut de savoir de quoi demain sera fait, Magneto lui avait montré hier - et il n'avait pas aimé ce qu'il y avait vu. Et ce résultat, c'est bien en n'en faisant qu'à sa tête qu'il y était parvenu. Alors s'il voulait changer l'histoire, s'il voulait changer le monde, il allait devoir commencer par se changer lui-même ; apprendre à aller contre sa nature, et le plus tôt serait le mieux.
Ça commence ici.
Au moins a-t-il la garantie que si ce saut de la foi doit finir en mauvaise chute, il ne sera pas le seul à s'y rompre le cou.

Ce monde sera-t-il meilleur avec les mutants que celui qu'il laisse derrière lui ? Il n'ose y croire tant il a été déçu, tant ils l'ont tous été, mais on ne pourra pas lui reprocher de ne pas avoir essayé. De ne pas avoir cru, de cette foi si rare depuis qu'il a vu mourir celui qui détenait toute la sienne. Le rêve ne se réalisera pas sans s'en donner les moyens - sans lui laisser sa chance. Cette décision, il ne la prend pas seulement pour lui ; à cet instant, il redevient le meneur des X-Men, plus que dans toute bataille où il pourrait les mener. Car il n'y a de plus grand combat que celui qui leur permettra d'être enfin acceptés ; qui gagnera leur liberté.

Le Super-Soldat n'en reste cependant pas là. Plus fin négociateur qu'il n'y parait, il lui reste encore autre chose à proposer. Une offre pour le moins audacieuse, à tel point qu'elle laisse Cyclope un moment déconcerté. Lui, parmi les Vengeurs ? L'idée est tellement aberrante et absurde... Qu'elle pourrait bien marcher.
Quand bien même ses camarades ont - pour certains - toute sa confiance, on n'est jamais mieux servi que par soi-même : qui, mieux que lui, sera en mesure de dire si ces « nouveaux Avengers » répondent à ses attentes ? Décidément, ceux qui pensent que l'Homme à la Bannière Étoilée n'est qu'une mascotte à la solde du gouvernement ne l'ont jamais rencontré.

▬ Il va me falloir un nouveau costume.

Et il s'en retourne au Blackbird - aux X-Men, qui l'attendent pour en savoir plus sur cette conversation dont ils n'ont pu capter que des bribes. Il a beaucoup de choses à leur dire, mais il va commencer par leur parler de paix ; un contraste agréable avec la guerre qu'ils vivent au quotidien. À Steve Rogers de se débrouiller avec cette dernière réponse - de le prendre ou non au sérieux. Qu'a-t-il a perdre, qu'il ne se rappelle pas déjà avoir perdu ?

* * *

Le temps passe et les plaies se referment.
Comme à chaque fois. L'humanité survit et le monde se remet.

Cyclope n'a pas oublié leur discussion. Occupé comme ils le sont chacun de leur côté, il est évident que ça ne se fera pas du jour au lendemain - mais les choses sont en mouvement. Le dialogue est renoué : c'est déjà un net progrès.
Il n'a pas laissé au Captain le temps de répondre. Peut-être n'a-t-il pas cru qu'il était prêt à accepter son invitation ; peut-être n'est-ce pas plus mal. L'expérience aurait promis d'être intéressante, mais il doute que cela aurait pu bien se terminer.

Steve Rogers demeure le bienvenu à l'Institut, conformément à son souhait - à sa requête. Lui, dans le manoir des Avengers ?... C'est une tout autre histoire.

Assis à son bureau, Scott se désole de ne pas voir la pile de documents administratifs diminuer. En l'absence du Professeur, c'est à lui de s'en occuper - et en voir le volume aurait de quoi rassurer ceux qui s'inquiètent que Charles n'ait rien de mieux à faire que de lire dans leurs pensées. Pour sa part, il lui arrive de trouver une forme de répit dans l'ennuyeuse banalité de ces tâches rébarbatives - de normalité ; ça au moins, ça n'a pas changé. Mais à la longue, c'est trop même pour lui.

▬ Scott, du courrier pour toi ! lui crie-t-on depuis l'autre côté de la porte.
▬ Merci, Kitty. Si tu pouvais le laisser...

Il n'a pas le temps de finir sa phrase que le paquet lui est expédié à travers la porte fermée - et atterrit au beau milieu des papiers étalés devant lui, en envoyant une bonne moitié voler à travers la pièce. Il soupire.
Son premier réflexe est de se pencher pour les ramasser, mais c'est alors qu'il remarque que ce n'est pas un colis ordinaire. Ce qui trône devant lui est une mallette chromée, frappée du sceau des Avengers.
Une modeste étiquette, liée à la poignée, porte l'écriture de Steve Rogers. Il n'est pas sans se dire que certains de leurs pensionnaires tueraient pour obtenir cet « autographe ».

Pour les grandes occasions.

- Steve

Il se surprend à sourire malgré lui - s'amuse de cette audace. Il n'aurait pas cru que le Captain irait jusqu'au bout ; de toute évidence, c'était mal le connaître.
L'ouverture de la valise exige de lui ses empreintes digitales. Soit : il s'exécute, préférant ne pas se demander comment les Vengeurs se les sont procuré - préférant se dire qu'un scanner oculaire se serait révélé moins pratique.
Elle s'ouvre, alors - et devant son contenu, il se fige.
Car ce costume, il le connait trop bien.

À trop s'interroger sur sa capacité à changer son destin, il a oublié une chose.
De se demander si le destin allait se laisser faire.