Ceci est une republication d'un billet rédigé sur DC-Earth à l'origine.
Bonne lecture à ceux qui ne l'auraient pas déjà lu et prendront la peine de le découvrir ici !
* * *
Le Surfer d'Argent est, du moins à mes yeux, l'un des personnages les plus atypiques de chez Marvel.
Dès ses premières apparitions, on nous le dépeint pratiquement comme un demi-dieu, et pour cause : il est le héraut du tristement célèbre Galactus, le Dévoreur de Mondes. Confiné dans son rôle, on le voit tout d'abord détaché de toute morale, à l'instar de son maître : il ne semble pas, ou plus, réaliser ce qu'implique de sacrifier une planète entière, et avec elle tous ses habitants, pour satisfaire l'appétit de son maître. Ce n'est qu'au contact de l'humanité qu'il (re)prendra conscience de la gravité de ses actes et se dressera contre celui-là même dont il annonce la venue.
Que de chemin fait jusqu'à cette histoire, où le Surfer est peut-être le plus humain d'entre tous.
Avant toute chose, il convient de savoir que cette histoire se déroule hors-continuité : il n'y a donc rien à savoir ni avant ni après, elle se suffit à elle-même (et c'est très bien comme ça). J'ai toujours eu un faible pour les personnages rattachés au cosmos et à son immensité : chez Marvel, Nova est un de mes personnages préférés, et je ne cesse de me découvrir une passion grandissante pour le Lanternverse chez DC. Issu des confins de la galaxie, excessivement distant d'une humanité qu'il ne découvre qu'au compte-goutte, Norrin Radd avait tout pour me plaire. Mais sans plus attendre, attaquons-nous à...
SILVER SURFER : REQUIEM Le verdict vient de tomber : le Surfer d'Argent est mourant. Son propre pouvoir l'a empoisonné et il ne lui reste que quelques jours à vivre. Sachant que son temps est compté, il se lance donc dans une tournée d'adieux. Loin de se morfondre, il est mu par une idée : que peut-il faire de plus, qu'a-t-il encore à offrir avant de se consumer ?
* * *
Le premier tome, intitulé
Kyrie, s'ouvre sur le Surfer assistant à la mort et à la naissance d'étoiles : un spectacle dont il ne semble pas pouvoir se lasser. Comme il le dit lui-même, il en a vu plus en sillonnant les étoiles que la plupart n'en verraient s'ils vivaient cent fois. À travers ces premières pages, on touche sans ambages aux thèmes forts de cette mini-série ; le cycle de la vie et de la mort, l'ampleur de son vécu.
On se retrouve projetés dans une scène du quotidien au sein du Baxter Building : Ben joue les déménageurs, Reed est penché sur son microscope, Johnny lit le journal... Et subtilement invité à quitter la pièce avec son canard sous le bras, ce dernier se rend compte qu'il y a quelqu'un à la fenêtre (chose somme toute courante dans le milieu des héros). C'est le
Surfer d'Argent, qui n'est hélas pas là pour une visite de courtoisie.
Alors qu'il demande à parler en privé à Reed et Susan, au grand désarroi de leurs compères, on suit pendant quelques pages les questionnements de ces derniers ; on ne leur a rien dit, ils ne peuvent que se fier aux réactions de leurs coéquipiers. À travers eux, on est tenus à l'écart de la triste vérité ; on ne la devine déjà que bien assez. Reed teste et re-teste, mais rien n'y fait : Norrin Radd vit ses derniers instants. Ce sont ses propres pouvoirs, ceux qui lui ont permis de voyager parmi les étoiles, qui l'ont condamné.
Confronté à cette réalité, le Surfer se remémore sa rencontre avec Galactus - comment ils ont conclu un marché. Comment il en est arrivé là. Comment il en est venu à accepter ce qu'il faisait en son nom, puis à se rebeller. Si la nouvelle l'accable, il est prompt à la surmonter, à s'armer de résolution : il lui reste encore des choses à faire, des choses qu'il entend accomplir avant de s'éteindre.
* * *
Le deuxième tome,
Sanctus, nous amène dans les rues de New York ou Spiderman est en train de se battre contre un robot géant. Jusque là, rien d'anormal (si ce n'est peut-être que les lentilles de son costume sont noires sans raison apparente). Je ne m'attarderai pas sur l'ennemi en question, qui ne présente en soi aucun intérêt ; il n'est là que pour, en pleine bagarre, Peter le voie relever les yeux et constater la présence du Surfer d'Argent. Qui, d'un revers de la main (en fait de la paume), désassemble le malheureux mecha, au grand soulagement d'un Spidey qui ramait un peu à en venir à bout.
Les deux ne se connaissent que très peu, mais un contraste se dessine immédiatement entre le jeune homme-araignée qui bombarde de blagues son compère comme lui seul sait le faire et le Surfer, si calme et posé, mais dont même le visage impassible ne suffit à cacher que quelque chose ne va pas tandis qu'il s'élève au-dessus de la cité. Arrivé à son plus haut sommet (non sans récriminations de Spiderman qui n'est pas capable de voler), il lui expose sa situation - et s'il se montre cryptique, Peter sait reconnaître un indice quand il en voit un.
Norrin lui fait alors part de ses observations sur la race humaine, et force est de constater que le bilan n'est pas brillant ; comme l'on pourrait s'y attendre de sa part, le but n'est toutefois pas ici d'enfoncer le clou, mais de faire un geste - d'aider à changer les choses. Et en tant qu'humain, il pense Peter capable de l'aiguiller dans les choix à faire pour y arriver.
Ce n'est pas la première fois que Spiderman est utilisé comme « boussole morale » dans un dilemme, et ce rôle de conseiller lui sied à ravir. En fait, j'aime beaucoup le fait que malgré son jeune âge, il semble aussi indiqué - comme s'il n'était pas aussi atteint que les autres par la corruption de ce monde. Cet échange tombe parfaitement sous le sens ; il était le meilleur candidat.
Peter se lance alors dans une série de suggestions, mais n'est lui-même convaincu par aucune d'entre elles. Si le fait est que le Surfer est doté d'un pouvoir phénoménal, la plupart des actions qu'il pourrait entreprendre ne seraient pas sans conséquence. Il n'y a pas de remède-miracle. Tandis qu'il se creuse la tête pour trouver quelque chose, la conversation dérive sur le moyen de transport du Surfer (sa « planche de surf »), qui lui propose de faire un tour, en précisant que ce sera fatalement la seule occasion.
Peter décline l'invitation... Pour mieux l'offrir à Mary-Jane, qu'il va chercher pour la mettre sur la planche. Capable de partager une partie de son pouvoir - même si ça n'est pas sans l'affaiblir un peu plus -, le Surfer lui fait voir une partie des merveilles dont il a pu être témoin (la planche répond aux désirs du passager en terme de destination). Celle-ci revient époustouflée, et n'a pas assez de mots pour remercier Peter de lui avoir donné cette chance. Pendant ce temps, sa petite balade a donné une idée à Peter, qui en fait part au Surfer d'Argent.
Si mon résumé se veut relativement détaillé jusque là, je n'entrerai pas dans les détails de cette dernière proposition, qui est (selon moi) l'un des moments les plus forts tout tomes confondus. Je vous invite à la découvrir par vous-mêmes et espère que vous l'apprécierez autant que moi. Son oeuvre accomplie, le Surfer quitte les lieux pour ne plus y revenir. Il s'en va sans se retourner, et Peter le suit du regard jusqu'à ce qu'il n'en reste trace, nous disant qu'il ne le revit plus jamais après ça.
* * *
Nous voilà déjà dans la deuxième moitié, et commence la trame spatiale avec
Benedictus.
Toutefois, nous n'y sommes pas encore alors que l'histoire reprend où nous l'avons laissée : le Surfer visite une dernière fois les paysages de sa planète d'accueil, décidant que l'endroit depuis lequel il quittera la Terre sera aussi celui par lequel il est arrivé. Alors qu'il s'y rend, il est intercepté par Stephen Strange. Ce dernier lui explique que Reed Richards ayant été incapable de l'aider, il a fait appel à son entourage - et nombre des plus grands esprits de la Terre ont répondu présents ; preuve des nombreux liens tissés par le Surfer d'Argent durant son passage.
Hélas, même leurs efforts conjugués ne sont pas suffisants. Il n'y a rien à faire. À défaut de pouvoir le sauver, ils ont décidé de lui offrir tout le savoir de ce monde, divisé en deux parties : avant et après sa venue, afin qu'il puisse voir toute l'étendue de ce qu'il a préservé mais aussi aidé à créer. Il absorbe alors ces connaissances et échange ses dernières paroles avec Doctor Strange, prenant le chemin des étoiles.
Alors qu'il se met en route pour sa planète natale, Zenn-La, quelque chose attire son attention : on l'appelle. Remontant le fil de cette invitation, il se retrouve confronté aux meneurs de deux races extraterrestres, dont les peuples s'affrontent depuis... Beaucoup trop longtemps, et qui comptent sur lui pour les départager. Faire enfin basculer l'équilibre des forces en faveur de l'un d'entre eux, quel qu'il soit, pour que cette bataille touche à son terme.
Incrédule face aux raisons de leur différend, Norrin Radd décide alors de partir... Mais se ravise, et détruit alors les deux flottes sans distinction, avant de pulvériser de même les symboles de leurs religions - cause première de leur désaccord -, ébranlant les fondements-mêmes de leur civilisation. Des années plus tard, une statue a été dressée en son honneur, en mémoire de ce qu'il a apporté à leur société entière.
Le prix à payer fut lourd, et la fin est plus proche que jamais, mais il a fait ce qu'il fallait.
* * *
Débute alors
Agnus Dei, et avec lui le dernier chapitre de cette formidable épopée.
Norrin Radd, à bout de forces, a néanmoins réussi à gagner son monde d'origine. Zenn-La, celle-là même qu'il a jadis sauvé de Galactus en s'offrant à son service - elle et tous ses habitants, parmi lesquels Shalla-Bal, sa femme. Ceux-ci sont encore aujourd'hui sains et saufs, et prennent de lui le plus grand soin alors qu'il s'écrase sur la planète pour y finir sa vie. Nul n'a oublié l'ampleur du sacrifice qu'il a accompli. Shalla-Bal considère l'idée de lui rendre le fragment du Pouvoir Cosmique de Norrin que celui-ci lui a autrefois confié, pensant pouvoir le restaurer - mais ce n'est pas sans risques.
Bien qu'incapable de se lever, le premier concerné trouve néanmoins la force de l'en dissuader ; de lui faire comprendre que c'est sa dernière heure et qu'il l'accueille le cœur en paix, car il aura pu voir son visage une dernière fois. Si elle se montre bien moins réceptive à l'idée, elle se rend bien vite à l'évidence de ne pouvoir aller contre sa volonté.
La nouvelle de son retour se propage, et l'on se bouscule bientôt à son chevet pour voir ce héros qui a tant fait pour eux, même s'ils ne l'ont jamais vus auparavant - pour lui rendre un dernier hommage, car déjà tout le monde sait. Confortablement alité, il les accueille inlassablement les uns après les autres, emportant chacun avec eux à son contact une petite partie de son pouvoir, de ses derniers balbutiements. De quoi les inciter à la sagesse et la paix. De quoi leur rappeler Norrid Radd.
C'est alors qu'une ombre menaçante se projette sur toute la planète - que tous se mettent à trembler, car nul ne saurait avoir oublié la terreur qu'inspire Galactus. Norrin Radd tremble, lui aussi : c'est en offrant sa vie, une vie de servitude en échange de Zenn-La qu'il a pu la sauver. À présent que celle-ci est sur le point de s'achever, Galactus est il lui aussi venu finir ce qu'il a commencé ?
Trop faible pour se mouvoir, le Surfer est ainsi amené devant Galactus, qui lui fait savoir qu'il l'attend - qu'il souhaite le rencontrer. Cela fait, il se rend compte à sa grande surprise que son ancien maître semble affecté à l'idée de sa fin prochaine. Tant et si bien qu'il se propose à son tour de l'aider, sans certitude du résultat - mais une fois encore, Norrin Radd s'y oppose : il a fait son temps. Il aurait néanmoins une faveur à demander ; avant même qu'il n'ait pu la formuler, Galactus lui assure qu'il n'a pas à s'en faire, que Zenn-La sera sauvegardée. En mémoire de l'être le plus honorable qu'il ait jamais connu.
Et, soulagé, Norrin Radd put finalement s'éteindre.
La coutume locale voulait que l'on pleure les défunts pendant les trois jours suivant leur mort ; Galactus se joignit à eux, et il fut convenu qu'il serait désormais le bienvenu. Shalla-Bal soumit alors une requête à ce dernier, mettant à l'épreuve le respect qu'il avait manifesté pour son bien-aimé dans ses derniers instants - et son vœu fut exaucé. Alors que son vaisseau quittait les lieux, le Dévoreur emmena avec lui le corps de Norrin Radd... Pour le suspendre dans le ciel, lui donner la place qu'il avait toujours mérité - pour en faire une étoile.
Et... Fin !
* * *
J'en parlais avec Jade l'autre jour, donc je me suis dit que tant qu'à faire, autant le présenter.
Je n'ai pas la prétention de m'y connaître autant que certains ici, mais c'est assurément l'un des plus beaux comics qu'il m'ait été donné de lire. Comme je le disais dans mon introduction, le Surfer d'Argent est un personnage qui m'a plu pratiquement dès le départ ; c'est tout naturellement que j'ai dévoré cette oeuvre qui est le plus bel hommage qu'on puisse lui faire. Ces quatre tomes ressemblent plus à un conte qu'à un comics ordinaire, et abordent des thèmes pourtant assez lourds avec finesse et légèreté, esquivant habilement les poncifs qu'on lui connait. À lire absolument, ne serait-ce que pour les scènes spatiales d'une beauté à couper le souffle.